PRÉFACE du livre de Julio Meinvielle : de la cabale au progressisme

Monseigneur Alfonso de GALARRETA

Madrid, en la Fête-Dieu 1998

Nous ne pouvons que nous réjouir de l'heureuse initiative de traduire et publier cet ouvrage, sommet de la pensée du Révérend Père Julio Meinvielle, l'un des théologiens qui a le mieux compris, cerné et réfuté le néo-modernisme, la nouvelle théologie et d'une façon générale le fond de la pensée moderne.

En dépit de l'effort de lecture que demandent certaines pages, et de quelques citations de Vatican Il "forcées" dans un sens traditionnel, - ces pages ont été écrites tout de suite après le Concile et pour "sauver le Concile" -, De la cabale au progressisme est un de ces rares livres à nous donner des lumières fortes et des idées clés pour comprendre l'essence et le fond des erreurs répandues aujourd'hui dans le monde et dans l'Église. Quelques pensées de ce livre en valent cent autres : il y a de la sagesse.

Parmi ces idées maîtresses, j'en relève deux dans cette préface sans prétention. Tout d'abord, ce livre s'inscrit dans la ligne des Deux cités de Saint Augustin ou dans celle, plus récente, de la Théologie de l'histoire du Père Calmel. Il décrit sans manichéisme la lutte irréductible entre la Cité de Dieu et la Cité de Satan tout au long de l'histoire et son paroxysme dans notre siècle. La trame cachée et réelle de l'histoire est l'opposition entre vraie tradition et fausse tradition. L'apogée de la cité de Satan, cité de l'homme, cité de la révolution, c'est le triomphe - pour l'instant -, de la fausse tradition à l'intérieur de l'Église, présentée comme la vraie cité de Dieu par les théologiens et la hiérarchie catholiques.

Deuxièmement il jette sur ce fait un regard théologique. Il y a un fond gnostique dans le néo-modernisme - développement actuel du modernisme condamné par le pape Saint Pie X - introduit par le biais de la philosophie et, en conséquence, de la politique modernes.

Cependant deux remarques importantes s'imposent. Il s'agit d'un gnosticisme intellectuel, dépouillé de son symbolisme archaïque et de ses mythes, réduit à son essence. Mais dans l'Église triomphe actuellement un gnosticisme édulcoré, mitigé, incohérent. Pourquoi ? Parce que la nouvelle théologie essaie l'impossible accord entre la foi catholique et la pensée moderne foncièrement antichrétienne,  entre la lumière et les ténèbres.

En fait, historiquement et aujourd'hui encore, il y a deux courants dans cet essai de "conciliation" : ceux qui tirent toutes les conséquences du subjectivisme et de l'immanentisme jusqu'à l'athéisme, l'historicisme et la déification de l'humanité - par exemple les théologiens de la Mort de Dieu, de la Sécularisation, de la Libération - et ceux qui veulent ménager la chèvre et le chou et finissent par instrumentaliser inéluctablement Dieu, le Christ, le surnaturel et l'Église au service de la même déification de l'humanité ; et c'est précisément toute la "nouvelle théologie", l'enseignement habituel de la hiérarchie, Vatican II, son esprit et son application.

Des exemples le manifestent à l'envie : la réduction de la grâce à la nature, de l'Église au monde (à l'humanité), de Dieu à l'homme, (retour anthropologique), les doctrines de la rédemption universelle, de la présence du Christ et du Saint-Esprit non seulement dans toutes les religions mais dans tous les individus, etc...

Le résultat: : I'Eglise et la foi sont au service de la cité naturaliste, humaniste, révolutionnaire, et en pratique au service de cet amour de soi qui va jusqu'au mépris de Dieu, au service de la cité du diable.

L'abbé Jules Meinvielle nous en donne l'explication, la suite logique et historique ; il nous montre d'un regard thomiste, le fond philosophique et théologique de l'erreur gnostique qui imprègne tout et est le contraire de la vérité catholique.

Plût à Dieu que certains de nos confrères, à la lecture de ce livre, avec un bon bagage philosophique et théologique, se décident à approfondir, synthétiser et vulgariser ces lumineuses analyses de la dérive doctrinaire dans I'Eglise. D'autres ouvrages de l'abbé Meinvielle devraient compléter cette lecture ; en particulier De Lammenais à Maritain, La cosmovision de Teilhard de Chardin, L'Église et le monde, mais aussi d'excellents livres du P. Cornelio Fabro, comme Introduction à l'athéisme moderne, Le retour anthropologique de Karl Rahner, L'aventure de la théologie progressiste ou encore le profond Gethsémani du Cardinal Siri.

Que la Très Sainte Vierge Marie terrible comme une armée rangée en bataille, victorieuse de toutes les erreurs et hérésies du monde, daigne bénir la lecture de ces pages ; qu'elle suscite au sein de la Fraternité Saint-Pie X un approfondissement théologique de la crise sans précédent que nous vivons dans l'Église et dans le monde, une compréhension plus achevée de la gravité et de l'enjeu de l'heure présente ; qu'elle suscite enfin, pour tous les prêtres et fidèles formés, la publication d'études à leur portée, inspirées de cette théologie de l'histoire de l'abbé Jules Meinvielle où tout est jugé selon les principes éternels et immuables de la Vérité Divine.

Conclusion de l'abbé Meinvielle, p. 357 de cet ouvrage :

La conclusion du présent ouvrage est claire et nette. Dans toute l'histoire humain, la pensée et la vie n'ont que deux formes fondamentales : la catholique et la gnostique.