POUR L'HONNEUR DE L'ÉGLISE

- Conférence faite à Vienne le 9 septembre 1975 -

Je remercie le Docteur Steinhart qui a bien voulu organiser ce pèlerinage à Mariazell et cette conférence. C'est la première fois qu'il m'arrive d'être en Autriche devant un nombre aussi respectable de catholiques. J'étais déjà venu une fois dans votre pays, mais je n'avais alors rencontré que peu de personnes et par petits groupes. Cette fois, je me trouve devant une assemblée déjà nombreuse, et j'en suis très heureux parce que, je l'espère, et nous l'espérons tous, vous êtes venus ici avec le désir de mieux comprendre la crise de l'Église, de mieux la juger afin de pouvoir en chercher les remèdes et qu'ainsi tous ensemble nous travaillions au bien de l'Église.

LA CRISE DE L'ÉGLISE

Ce n'est pas pour autre chose, en effet, je pense, que vous êtes ici, dans le désir de mesurer d'une manière plus parfaite l'ampleur de cette crise terrible qui nous fait beaucoup de peine et qui nous déchire intérieurement. Nous voudrions tant que l'Église soit florissante, qu'il n'y ait pas de divisions en son sein, mais une unité parfaite comme autrefois. Nous étions si heureux alors d'être, en quelque sorte, sans problèmes et de voir l'Église croître toujours davantage. Personnellement, j'ai pu assister à la croissance de l'Église d'une manière absolument admirable en Afrique. Lorsque j'étais délégué apostolique, en effet, entre 1948 et 1959, j'ai eu l'occasion de visiter tous les pays d'Afrique. Pendant ces onze ans, j'ai traversé l'Afrique entière, visitant les diocèses au nom du Saint Père à qui je venais ensuite rendre compte de mes visites. C'était un émerveillement pour moi de voir la croissance de l'Église.

Que s'est-il donc passé dans notre Église, pour qu'une Église qui était en plein essor, en pleine croissance se trouve tout à coup aux prises avec un drame considérable ? Actuellement, j'ai l'occasion de me rendre dans tous les pays d'Europe, en Australie, aux États-Unis, en Amérique du Sud. Partout, dans tous les contacts que j'ai, les échos sont les mêmes ; l'Église est divisée, les catholiques sont inquiets, les prêtres ne savent plus que penser de la situation. Les évêques même constatent ces difficultés dans leurs diocèses : paroisses divisées, diocèses divisés, manque de vocations, séminaires vides, congrégations religieuses qui ne se recrutent plus. Tout cela jette l'Église du monde entier dans une angoisse vraiment profonde, et lorsque l'on va à Rome, on a les mêmes échos. Lorsqu'on a l'occasion de rencontrer des cardinaux, des personnalités, c'est toujours la même inquiétude, chacun se demande quand va se terminer enfin cette crise et ce que l'on peut faire pour y mettre un terme. Il y a donc un problème qui se pose depuis — disons-le franchement — depuis le Concile, depuis cet événement.

Sans doute il y avait déjà des préparations à cette crise bien avant le Concile, cela est certain. Le péché originel d'abord et puis toutes les suites du péché originel. Mais il y a eu tout de même à ce moment là un événement qui a provoqué dans l'Église un choc, une crise vraiment douloureuse.

LA NAISSANCE D'ÉCÔNE

Comment à l'occasion de cette crise et aussitôt après le Concile, me suis-je trouvé personnellement au cœur même — si je puis ainsi dire — de ce drame, c'est ce que je voudrais vous expliquer. En 1968, alors que je n'étais plus Supérieur Général de la Congrégation du Saint Esprit, ayant donné ma démission, des séminaristes sont venus me trouver, envoyé par des prêtres, par leurs parents, par des amis, me demandant avec insistance de leur trouver un moyen d'être éduqués en vrais prêtres, bref de leur donner une véritable formation sacerdotale. Il me fallait donc trouver un séminaire. J'ai cru en trouver un dans le Séminaire Français de Rome. J'y ai envoyé quelques séminaristes. Malheureusement, au bout d'un an ou deux, les évêques, poussés par les professeurs mêmes du séminaire, ont refusé ces séminaristes parce qu'ils gardaient leur soutane, récitaient le chapelet, se réunissaient à la chapelle et manifestaient ainsi une certaine division dans le séminaire en étant plus réguliers que les autres aux exercices de piété. Ce fut considéré comme une sorte de rébellion et on les a refusés aux Ordinations. Il m'a donc fallu chercher une autre solution pour ces séminaristes. Certains sont allés se mettre sous la protection du Cardinal Siri de Gênes.

Pour ma part, j'ai cherché en Europe une Université qui fût encore assez traditionnelle pour qu'ils puissent y recevoir une bonne formation théologique et philosophique. Je me suis adressé à Fribourg, car je connaissais Mgr Charrière. Lorsque j'étais archevêque de Dakar, en effet, il était venu y passer quinze jours. C'est pourquoi je me suis dit : l'Université de Fribourg est encore bonne, il y a là de bons professeurs, je connais Mgr Charrière, c'est probablement là que j'aurais le plus de facilité à trouver un endroit pour mettre mes séminaristes. Je suis allé à Fribourg et me suis rendu chez Mgr Charrière. Les choses se sont arrangées, j'ai loué des chambres chez les Salésiens. Un an après, j'ai acheté une maison à Fribourg et, la même année, je m'installai à Écône avec onze nouveaux séminaristes.

Puis ce furent vingt deux, puis trente, puis quarante nouveaux séminaristes qui sont arrivés dans les années suivantes. Je me suis ainsi trouvé pris — si j'ose dire. Non par ma propre volonté, jamais je n'ai eu l'intention bien arrêtée à l'avance d'agir ainsi, jamais je ne me suis dit : je vais faire un séminaire, je le ferai de telle manière, je le ferai à tel endroit. Pas du tout. Ce sont vraiment les circonstances qui m'ont comme forcé à faire ce séminaire. Je me suis senti poussé par tous ces séminaristes qui venaient. Je ne pouvais plus même me dégager de cet engrenage dans lequel j'étais pris, alors que j'aurais pu prendre tout simplement ma retraite, étant déjà âgé, après de nombreuses années d'Afrique. Et voilà comment Écône est né. Agréé par l'autorité ecclésiastique, agréé par Mgr Charrière, agréé par Mgr Adam. Comment, me direz-vous, dans ces conditions, Écône s'est-il trouvé au centre de la crise, avec des oppositions, des attaques incroyables ?

L'OPPOSITION PERSONNELLE DE L'ÉPISCOPAT FRANÇAIS

Et d'abord, d'où sont-elles venues surtout ? De France. Pourtant mon séminaire est international, puisqu'il s'y trouve des Américains, des Australiens, des Anglais, des Belges, des Allemands, des Suisses, des Italiens. Mais évidemment, la majorité est française et les évêques français avaient déjà depuis longtemps une opposition à ma propre personne, parce que au Concile, je ne les avais pas suivis. Je puis bien le dire, en effet, je n'ai pas suivi dans mes interventions au Concile l'Assemblée épiscopale française. Ils avaient leurs réunions au cours desquelles on donnait exactement le texte des interventions qu'il fallait faire : Vous, Monseigneur Untel, vous voudrez bien faire une intervention sur tel sujet, tel théologien vous rédigera votre texte, vous n'aurez qu'à le dire. Je n'ai pas voulu être pris dans ce système, et, étant très libre, n'ayant pas eu l'habitude de me trouver dans l'assemblée française, bien que j'ai été pendant quelque temps évêque de Tulle, donc d'un diocèse de France, j'ai agi seul, en dehors de l'assemblée. Et cela, on ne me l'a pas pardonné, d'avoir, moi, un évêque français, pris dans le Concile des positions contraires à celle de l'assemblée française. A la vérité, ce n'était pas contre l'assemblée française que je prenais ces positions qui ne concordaient pas avec les siennes, mais parce que j'estimais devoir les prendre. Dès ce moment-là, j'ai commencé à être très mal vu par l'assemblée épiscopale française, à tel point que je passais pour ultra-traditionnaliste, il faut bien le dire, parce que ma position était traditionnelle et contre cet esprit de nouveauté qui me semblait très dangereux. Et donc, lorsque les évêques français ont vu que j'avais un séminaire florissant, où de nombreux séminaristes se rendaient, ils ont eu peur. Ils se sont dit : voilà des séminaristes qui, une fois prêtres, viendront porter en France les idées traditionnelles de Mgr Lefebvre, et de cela, nous ne voulons pas. Nous ne voulons pas dans nos diocèses de prêtres traditionnels qui diviseront nos diocèses, qui ne seront pas dans le courant, qui s'opposeront aux autres prêtres, que sais-je ? Il y a donc eu immédiatement une opposition de la part des évêques de France. Et elle n'a fait que croître à mesure que mon séminaire grandissait, qu'ils apprenaient que je construisais des bâtiments, que le nombre des séminaristes passait de vingt à quarante, à soixante, à quatre-vingt, à cent. Ce n'était plus possible. Je devenais un gêneur à mon séminaire aussi. C'est alors qu'ils ont fait pression à Rome, sur le Cardinal Villot, français comme eux, qui les connaissait bien et qui est un ami pour eux, et sur le Cardinal Garonne également français, pour faire supprimer mon séminaire, en disant : nous ne voulons pas de ce séminaire, il faut le supprimer. Voilà ce que l'on peut appeler la raison historique de cette opposition, opposition qui se fait au nom de l'opposition que mon séminaire représente vis-à-vis du courant actuel et, disons-le, des réformes conciliaires, du Concile lui-même.

L'ÉGLISE CONDAMNE LE LIBÉRALISME

Cette opposition, il faut la situer dans l'Histoire de l'Église. Pourquoi cette opposition entre des évêques et d'autres évêques ? Je ne suis pas seul, en effet, beaucoup ont combattu avec moi dans le Concile. Nous étions 250 dans ce groupement qu'on a appelé le "Coetus Internationalis Patrum", (groupement International des Pères), qui avait une tendance traditionnelle et qui défendait la tradition contre peut-être 200 ou 250 pères qui, eux, étaient organisés pour défendre les thèses libérales. Or, vous le savez, je n'ai pas besoin de refaire devant vous l'Histoire de l'Église depuis deux siècles, vous la connaissez suffisamment, surtout vous qui désirez mieux la connaître la situation de l'Église, les Papes ont écrit des Encycliques sur ce sujet. Lisez-les ou relisez-les tous ces documents que les Papes nous ont donnés depuis le Concile de Trente jusqu'à l'Encyclique Humani Generis du Pape Pie XII. Que ce soit dans la Bulle Auctorem Fidei qui condamne le Concile de Pistoie, dans l'Encyclique Quanta Cura et le Syllabus de Pie IX, dans l'Encyclique Immortale Dei de Léon XIII, ou dans les actes de Saint Pie X, condamnant le Sillon et le Modernisme, tous les Papes ont condamné les thèses du libéralisme. Et s'ils l'ont fait, c'est parce qu'ils voyaient dans ces thèses, des thèses directement opposées à la foi de l'Église. Ce n'était pas seulement une condamnation de points secondaires, mais de thèses qui s'opposaient à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui détruisaient le surnaturel, car le libéralisme détruit le surnaturel et nous fait tomber dans le naturalisme qu'ont condamné tous les Papes. Eh bien, ces thèses libérales, condamnées et recondamnées ont toujours trouvé des catholiques pour les défendre. Même des évêques se sont opposés à ces documents pontificaux.

INFLUENCES DU LIBÉRALISME SUR LE CONCILE

Et au Concile, ces thèses ont trouvé des défenseurs dans l'organisation des cardinaux des bords du Rhin, comme on les a appelés, c'est-à-dire les cardinaux de Hollande, d'Allemagne, de Belgique, de France et d'Autriche — certes l'Autriche est un peu loin du Rhin, mais elle le touche bien un peu quand même. Ces cardinaux se voyaient régulièrement et leur organisation n'était autre que l'IDOC. L'IDOC était une organisation qui existait pendant le Concile, qui avait une foule de secrétaires, des bureaux, un argent considérable venant des Conférences épiscopales, surtout hollandaise et allemande qui, très riches, finançaient tout ce secrétariat. Tous les jours pendant le Concile, nous recevions des feuilles et des feuilles de documents de l'IDOC. Tous les Pères en recevaient, nous en trouvions tous les matins dans nos boîtes aux lettres. Et puis, ils ont organisé des conférences avec des théologiens et ils avaient leurs propres experts, une véritable organisation. Ainsi vous le voyez, le groupe qui défendait les thèses libérales était organisé d'une manière incroyable, tandis que les autres Pères qui étaient venus de leurs diocèses, sans penser un instant qu'il y aurait pu y avoir une organisation de ce genre pour les conditionner en quelque sorte, se sont trouvés démunis, complètement démunis. On pensait que tout simplement la majorité des Pères allait défendre les thèses traditionnelles et qu'on n'allait pas se mettre à défendre les thèses condamnées par les Papes pendant des siècles. Et bien, malheureusement, je suis personnellement persuadé que cette organisation a réussi à triompher dans le Concile, et cela dès le début du Concile, dès les premiers jours. Le Concile, en effet, n'était pas commencé depuis huit jours, que les membres de cette organisation en détenaient déjà dans leurs mains toutes les clefs. Ils les ont tenues par les Commissions, ayant obtenu de revoir le nom de tous les membres des commissions. Ils se sont alors opposés aux noms qui étaient proposés à l'assentiment des Pères. Proposés et non pas imposés, par le cardinal Ottaviani qui avait donné les noms de ceux qui faisaient partie des commissions pré-conciliaires, seulement pour informer les Pères, et non pour imposer ces noms. Néanmoins le cardinal Liénart s'est immédiatement levé et a dit : "Nous protestons, c'est inadmissible, on veut nous imposer des listes, on veut nous imposer des noms, nous voulons avoir notre liberté, c'est aux Conférences épiscopales à désigner les noms des commissions". Bref, toute une histoire invraisemblable. Mais l'organisation avait déjà préparé des listes qui furent aussitôt distribuées à tous les Pères dans leurs boîtes aux lettres. Et vingt-quatre heures après, il fallait voter. Personne n'avait eu le temps de préparer des listes internationales. Seul ce groupe en avait. Ce sont évidemment ces listes là qui sont passées. Ils avaient ainsi dans leurs mains les deux tiers des membres des commissions, de ceux qui rédigeraient les schémas. Puis, deuxième victoire — vous pouvez lire cela dans le livre du P. Wiltgen "The Rhine flows into the Tiber", ("Le Rhin coule dans le Tibre") —, deuxième victoire de ces libéraux, lorsqu'ils ont réussi à faire éliminer tous les schémas préparatoires. Tout le travail de préparation, auquel j'ai moi-même participé comme membre de la commission centrale, tout ce que nous avions fait pendant deux ans et demi, tout cela était rejeté et nous n'avions plus de schémas entre les mains. Il a donc fallu en faire refaire de nouveaux par les commissions. Et ainsi ces commissions nommées par eux refirent les schémas selon leur esprit, selon l'esprit libéral. Ce sont des choses qu'il faut savoir, qu'on ne peut pas ne pas savoir, si Ton veut se rendre compte comment tout cela à pu arriver, comment toute cette influence libérale a pu dominer l'Église, et la domine encore actuellement.

Je vous dis ces choses pour vous expliquer comment le Concile a été soumis à cette influence libérale. Il faut également savoir que dans les sous-commissions pouvaient être nommées des personnes qui n'étaient pas désignées comme experts. Certes, il y avait des experts parmi les membres des sous-commissions, mais les commissions pouvaient nommer dans les sous-commissions des membres qui n'étaient pas experts. C'est ainsi que nous avons eu dans les sous-commissions des théologiens comme Schillebeckx, Rahner, Küng, Congar, Murphy des États-Unis, Leclerc de Louvain, Davis de Lancaster. Tous ces messieurs-là, dont les uns sont maintenant mariés, les autres de véritables hérétiques, étaient dans les sous-commissions. Ce sont eux qui ont rédigé les schémas. De la sorte, nous avons eu des schémas complètement soumis à cette influence. Et des schémas qui étaient équivoques. Schillebeckx lui-même a écrit "nous savons très bien ce que nous faisons en mettant des phrases équivoques dans les schémas du Concile. Nous en tirerons les conséquences après le Concile". Voilà ce que disait Schillebeckx qui était un des membres des sous-commissions. Il faut savoir ces choses-là pour se rendre compte de l'influence libérale qui a pesé sur le Concile. Car il est impossible de changer complètement un schéma qui vous est donné. On peut changer des phrases, ajouter quelques paragraphes, modifier quelques mots, on ne peut pas en changer complètement l'esprit à moins de le rejeter et de le refaire. Or la plupart du temps, nous n'avions pas le temps de changer les schémas, d'autant que la première question que l'on nous posait était : " Êtes-vous d'accord pour prendre comme sujet de discussion ce schéma qui est dans vos mains ?" Alors l'on répondait : "sujet de discussion... si nous le rejetons, il va encore falloir attendre...". Les Pères étaient souvent fatigués de leur situation assez pénible dans les hôtels, ne désiraient pas que le Concile durât indéfiniment, aussi ne voulaient-ils pas rejeter tout le temps les schémas et disaient-ils : "... donc acceptons le comme sujet de discussion". Mais aussitôt qu'on l'avait accepté comme sujet de discussion, l'on ne pouvait plus en changer les thèmes fondamentaux, mais seulement y apporter des modifications accidentelles. Si l'on voulait faire une intervention contre un point fondamental, l'on se voyait répondre : " Ah ! pardon, vous l'avez accepté comme thème de discussion, et par conséquent vous en avez accepté les idées fondamentales. Maintenant, il s'agit évidemment de savoir sous quelle forme il faut les présenter, s'il faut ajouter un paragraphe, modifier la présentation, mais non pas en changer les thèmes fondamentaux". Nous nous trouvions donc dans l'impossibilité de modifier profondément ces schémas. Et c'est ainsi que les idées de collégialité, d'œcuménisme, de liberté et quantité d'autres idées équivoques se sont trouvées exprimées dans ces schémas. Et l'équivoque était telle parfois qu'il a fallu, pour le schéma sur l'Église, insérer une note explicative qui précisât les rapports qui existent entre les évêques, le collège des évêques et le Pape, entre le collège épiscopal et le collège apostolique. Il n'est pas pensable dans un Concile de 2'350 évêques d'introduire des phrases équivoques. C'est pourquoi, nous-mêmes, une douzaine d'évêques, nous avons écrit au Saint Père pour le supplier de faire attention aux équivoques qui se trouvaient dans le Concile. Nous n'avons pas eu de réponse, mais au moins le Saint Père a-t-il été averti. Ce sont ces choses qu'il faut comprendre pour se rendre compte du poids de l'influence libérale sur le Concile. Et, il faut l'ajouter, après le Concile ceux qui ont reçu et qui exercent maintenant la responsabilité des dicastères sont ceux qui les avaient attaqués le plus violemment pendant le Concile. Le cardinal Garonne, par exemple, avait violemment attaqué dans une de ses interventions, le dicastère des études et des universités. Je me souviens encore de la stupeur qu'avait causée cette intervention, et de l'ahurissement du cardinal Antoniutti, qui était présent, et de son secrétaire, Mgr Staffa, aujourd'hui cardinal, devant ces attaques contre leur dicastère. Eh bien, c'est le cardinal Garonne qui est actuellement à la tête de ce dicastère. Ce sont là tout de même des choses significatives. Actuellement, ceux qui ont les dicastères en mains sont les mêmes qui ont lutté dans le Concile pour faire passer les idées libérales. Il ne faut pas s'étonner dès lors qu'ils appliquent les décisions du Concile avec cet esprit libéral, et que nous nous trouvions dans une situation incroyable de désordre dans l'Église, d"'auto-démolition de l'Église", comme l'a dit notre Saint Père le Pape. Ces idées libérales sont corrosives par elles-mêmes, elles détruisent tout ce qu'elles touchent, si l'on peut dire, elles détruisent tout ce qu'elles font.

CE QU'EST LE LIBÉRALISME

Le libéralisme, si vous le voulez, peut se définir en deux mots, — car je ne puis en faire une étude complète devant vous —, en deux mots, c'est-à-dire apporter la libération, libérer l'homme.

Le libérer de quoi ? de la Vérité qui lui est imposée du dehors. L'homme doit se faire lui-même sa vérité et juger lui-même de sa vérité. Donc chacun possède sa vérité, chaque époque possède sa vérité. Elle se fait à l'intérieur de la conscience de chaque homme. L'homme dispose ainsi de sa vérité qui ne lui est plus imposée du dehors, car cela est contraire à sa dignité, à son caractère d'homme adulte, d'homme moderne, d'homme libéral. Il se libère de la Vérité parce qu'il y voit une contrainte. Au contraire, si la Vérité existe et qu'elle s'impose à nous, nous devons nous y soumettre. Si l'Église est la seule Vérité, nous devons nous soumettre à l'Église. Mais on ne veut plus de Vérité qui s'impose.

Deuxième libération, libération des dogmes de la foi. On ne veut pas se voir imposer des dogmes tout faits, une Révélation toute faite qui nous est proposée. On ne veut pas d'un Credo qui nous soit imposé, de sacrements qui nous soient imposés, et d'un Sacrifice de la Messe qui nous soit imposé. Tout cela n'est pas possible. L'homme moderne ne peut pas accepter des dogmes qui lui soient imposés. Il faut qu'il les critique par sa raison, qu'il les soumette à sa raison, à la science, à sa propre conscience. Par conséquent ces dogmes doivent être, eux aussi, soumis à une évolution selon les temps et la conscience que l'on en prend. Et ainsi, tout est soumis à l'homme, l'homme devient le maître de tout, le Dieu.

Troisième libération, libération de la loi. L'on ne veut pas admettre de loi. La loi limite nécessairement la liberté, oblige à se conduire selon une certaine orientation. Or cela est inadmissible, inadmissible ! En effet, c'est l'homme qui se fait sa propre loi, il a une conscience, il doit donc se faire sa loi et on ne peut lui en imposer une. S'il estime qu'une loi sociale qui lui est imposée lui est nécessaire, il l'admet ; s'il estime qu'elle ne lui convient pas, il ne l'admet pas. C'est ce qui se passe dans nos pays et même dans l'Église. Regardez les lois, le droit canon, ou du moins ce qu'il en reste. Chacun en fait ce qu'il veut. Que ce soient les rubriques liturgiques, les programmes des catéchismes, les règlements des séminaires, chacun en fait ce qu'il veut. Car tel est bien le principe du libéralisme : chacun se fait sa loi. Et ce principe corrosif s'oppose directement à Dieu. Qui, en effet, nous impose la Vérité ? La Révélation n'est pas autre chose que Notre Seigneur Jésus-Christ. Et notre Seigneur est la loi. Il est le Verbe, la loi de Dieu, la loi de charité qu'il nous impose. C'est pourquoi l'on peut dire que le libéral attaque directement Dieu et Notre Seigneur Jésus-Christ. Cela est très grave, excessivement grave. Sans doute, les catholiques libéraux n'ont pas cette intention ni ce désir, mais par le fait qu'ils mettent ces principes en pratique, ils luttent contre Dieu et Notre Seigneur, même s'ils n'en ont pas l'intention théorique. Et d'ailleurs, ces hommes-là vivent constamment dans la contradiction, ainsi que le remarquait le cardinal Billot en définissant le catholique libéral comme l'homme qui vit dans l'incohérence. Le catholique libéral, en effet, proclame bien la thèse de l'Église, mais dans la pratique, dans l'hypothèse, il prend l'opinion publique et son opinion personnelle pour loi.

En conséquence de ces principes, il n'y a pas pour le libéral, en politique comme dans l'Église, d'ennemis à gauche. Il n'y a que des ennemis à droite. Le catholique libéral est un sectaire, disait déjà Louis Veuillot. Il ne peut pas supporter ceux qui maintiennent la Vérité, ceux qui maintiennent les dogmes, ceux qui maintiennent la loi. Il ne peut pas les supporter car ils sont pour lui un reproche continuel.

UN SEUL ENNEMI POUR LE LIBÉRALISME : LA TRADITION

Mes chers amis, mesdames et messieurs, tout le problème d'Écône est là. Les libéraux qui sont installés actuellement à Rome, qui dominent dans l'Église, qui, on peut bien le dire, occupent l'Église et en tiennent les postes les plus importants, ces libéraux sont prêts à faire toutes les compromissions possibles à gauche, avec les protestants, avec les bouddhistes, les pentecôtistes, les communistes. Ils n'y font aucune difficulté, du moment que c'est à gauche. Mais avec ceux qui maintiennent la tradition et les dogmes, ceux qui maintiennent la Sainte Messe et les Sacrements, ils ne veulent rien entendre. C'est pourquoi, il ne faut pas nous dire, comme quelquefois certains de nos amis traditionalistes : "Mais vous devriez faire une petite concession. Pas grand'chose, mais une partie de la nouvelle messe, par exemple. Et vous seriez très bien vu à Rome, vous recevriez peut-être le chapeau de cardinal". Cela nous ne le pouvons pas, car nous nous trouvons devant une idéologie.

Et la meilleure preuve qu'ils n'accepteraient pas ces concessions-là, c'est leur acharnement contre ceux qui ont simplement une attitude traditionnelle. Prenez, par exemple, ce qui s'est passé à Fribourg il y a quinze jours. On a voulu y déplacer l'abbé Noël, curé depuis 25 ans d'une paroisse du bas-Fribourg. Et pourtant, ce prêtre dit la nouvelle messe et il ne s'est jamais opposé à son évêque, ni au Concile, ni au Pape, ni à quoi que ce soit, mais il a une allure traditionnelle, il porte la soutane, il fait réciter le chapelet dans son église, il va visiter ses malades, il confesse à longueur de journées, il n'a pas tourné son autel à l'envers, bref il a gardé certaines traditions ; et donc il faut le faire partir. Cela a fait un scandale. Tous ses paroissiens se sont ligués, autour de lui. Six cents d'entre eux se sont rendus à l'évêché, remettre une pétition pour empêcher le déplacement de ce curé qui n'a que soixante ans, en rappelant tout le bien qu'il a fait dans la paroisse. Mais non, il a une attitude traditionnelle, cela suffit pour le déplacer.

Pas d'ennemis à gauche, des ennemis à droite. Tous ceux qui veulent maintenir tant soit peu de la tradition, qui ont simplement une allure traditionnelle, sont indésirables. C'est inutile, dans ces conditions, de nous dire qu'il suffit de faire une petite concession et que tout ira bien. Cela n'est pas vrai. C'est se faire illusion totale sur la nature de ces libéraux. Nous le voyons à chaque instant. Un Séminaire de Paray-le-Monial est allé se réfugier dans le diocèse de Cortone, avec l'approbation du Cardinal Siri. Dans ce Séminaire, on prend toute la nouvelle liturgie en langue vernaculaire, les séminaristes y sont très libres et il y a la télévision. Mais, il y a tout de même une discipline de piété et une attitude extérieure de tradition — les séminaristes reçoivent la soutane — certains la portent, d'autres non — Eh bien, on a fermé le séminaire et mis à la porte les 30 séminaristes.

Qu'on ne vienne donc pas nous dire qu'il ne s'agit que d'une petite affaire, que l'on en veut à Écône parce que nous ne prenons pas la nouvelle liturgie et que, si nous la prenions, tout irait bien. Cela n'est pas vrai, cela n'est pas vrai, les choses sont beaucoup plus graves que cela. Je viens de vous expliquer qu'il s'agit d'une histoire qui a plusieurs siècles. Il s'agit de la lutte séculaire entre les papes, entre la Vérité de l'Église et ceux qui veulent marier l'Église avec le monde, avec la Révolution, qui veulent marier la Vérité avec l'erreur, le bien avec le mal. Voilà le libéral, qui n'a de cesse que l'Église finisse par accepter le inonde tel qu'il est. Non pas le corriger, non pas le convertir, mais l'accepter tel qu'il est. Eh bien, cela Dieu, Notre Seigneur ne le veulent pas. Notre Seigneur veut qu'on se convertisse à l'Église et non que l'Église se convertisse au monde.

LE  LIBÉRALISME  DANS  LES  RÉFORMES POSTCONCILIAIRES

Or c'est cela qui s'est passé dans le Concile, c'est l'Église qui s'est convertie au monde, et non le monde à l'Église. Cette idée d'aggiornamento de l'Église, de Concile pastoral, a été comme une obsession pendant le Concile. Les Pères se demandaient que faire pour être plus près du monde, plus à l'écoute du monde, davantage reçus par lui, pour qu'il se montre plus favorable à l'Église. Des évêques disaient : "Jetons nos croix d'or, jetons nos anneaux, que le pape enlève sa tiare, descende de sa sedia gestatoria. Vivons comme des pauvres. Soyons à l'écoute du monde. Acceptons-en toutes les misères, qu'on élargisse les lois du mariage, les lois de la morale, qu'on supprime les commandements de l'Église — c'est ce qui a été demandé par Maximos IV ! — qu'on supprime les commandements de l'Église, chacun fera ce qu'il veut, ira à la messe si cela lui plaît, une fois par mois ou une fois tous les deux mois, cela suffit bien... ". En un mot, libéraliser, libéraliser, libéraliser. Voilà l'atmosphère qui a régné dans le Concile et dans les réformes postconciliaires. Je pourrais vous raconter — mais je ne veux pas abuser de votre patience — ce qui m'est arrivé comme Supérieur Général de la Congrégation des Pères du Saint Esprit, lors du Chapitre Général extraordinaire. J'étais Supérieur Général depuis 1962 - et jusqu'en 1974. Le Chapitre a eu lieu en 1968. J'avais donc encore six ans de Supériorat. Eh bien, Mgr Moro, secrétaire de la Congrégation des Religieux, en l'absence du Cardinal Antoniutti qui était en voyage en Amérique du Sud, m'a déclaré : "Laissez vos capitulants faire ce qu'ils veulent. Depuis le Concile, vous comprenez, il faut que ce soit la base qui commande, il faut que vos membres du Chapitre Général s'organisent entre eux et nomment eux-mêmes quelqu'un pour présider le Chapitre. Car il n'est plus nécessaire que ce soit le Supérieur Général qui le préside. Vous feriez mieux d'aller vous promener en Amérique." Voilà ce que l'on m'a dit : "Vous feriez bien de faire un voyage en Amérique". Et cela, alors que j'étais encore Supérieur Général pour six ans. Comment voulez-vous qu'une Congrégation subsiste dans ces conditions ? Et Mgr Moro de renchérir : "Laissez faire, laissez faire. Depuis le Concile, vous comprenez, c'est aux capitulants à prendre leurs responsabilités". De fait, les capitulants ont nommé une équipe de trois membres pour présider le Chapitre et cela a été la révolution totale dans notre Congrégation. Lorsque j'ai vu cela j'ai dit que je n'accepterais pas de continuer d'assumer une charge dans ces conditions et que puisque le Saint Siège ne soutenait plus les Supérieurs Généraux, qu'il n'y avait plus de droit canon, de Constitutions, je donnais ma démission. Elle a été acceptée aussitôt. A ce moment, il y avait encore 5'200 membres dans notre Congrégation, aujourd'hui, il y en a moins de 4'000. Voilà le résultat ! La ruine pure et simple de notre Congrégation. Si j'ai donné ma démission, c'est que je ne voulais pas que l'histoire pût dire que c'était Mgr Lefebvre qui avait ruiné la Congrégation. Voilà donc un exemple, mais, direz-vous : "Ce n'est qu'un cas particulier, qui n'est arrivé qu'à vous". Pas du tout. L'on m'a cité le cas du Supérieur Général des Rédemptoristes qui est allé se promener en Amérique pendant son Chapitre Général extraordinaire. On avait donc donné ce conseil à un autre. C'était donc une consigne qui était donnée par la Congrégation des Religieux ! Par l'instance la plus haute au point de vue des religieux. Vous imaginez aisément ce qui peut rester des Congrégations religieuses avec de tels principes de gouvernement.

FIDÈLES GARDIENS DE LA TRADITION,
NOUS SOMMES LES MEILLEURS SERVITEURS DU PAPE

Voilà donc les raisons pour lesquelles nous n'admettons pas de compromissions pour Écône. On pourra nous dire ce que l'on voudra, nous n'acceptons pas d'abandonner la tradition de l'Église. Nous n'acceptons pas de nous séparer de tous les papes qui ont parlé depuis le Concile de Trente et avec le Concile de Trente. Nous préférons être avec les papes de quatre siècles, que d'être avec la curie romaine actuelle qui veut des nouveautés, les fait toutes et tend ainsi à nous rendre protestants et modernistes. Cela nous ne le voulons pas, et nous sommes persuadés qu'en agissant ainsi, nous sommes avec le Pape. Le pape ne peut pas être contre la tradition. C'est impossible. Qu'est-ce qu'un pape, en effet ? Pie IX nous le dit dans son Encyclique Pastor Aeternus : "Le Saint Esprit n'a pas été promis aux Successeurs de Pierre pour leur permettre de publier, d'après ses révélations, une doctrine nouvelle, mais de garder strictement et d'exposer fidèlement avec son assistance les révélations transmises par les apôtres, c'est-à-dire le dépôt de la foi".

Telle est la mission du pape : garder fidèlement le dépôt et le transmettre aussi fidèlement. Bien sûr, certaines expressions peuvent changer, encore qu'il faille conserver les expressions définies par les Conciles ou employées dans les Professions de Foi, comme par exemple l'expression "un seul Dieu en trois Personnes". Ces expressions définies ont en effet un sens tellement précis qu'on ne peut les changer sans risquer de changer la substance de notre foi, dont l'expression rend nécessaires des paroles précises et fixes. C'est aussi le cas du terme de "transsubstantiation" pour la sainte Eucharistie que l'Église a défini une fois pour toutes. Nous ne pouvons pas dire aujourd'hui : "Nous ne savons plus ce qu'est la substance, avec les découvertes de la science moderne, on ne peut plus parler de transsubstantiation". Cela est faux, absolument faux. On n'a pas le droit de changer ces choses-là qui sont définitives. C'est pourquoi nous refusons les nouveautés. Et nous sommes persuadés d'être avec le Saint Père en gardant la tradition, d'être ses meilleurs serviteurs, même si éventuellement nous devrions apparaître en opposition avec lui, à cause des tendances libérales de son entourage auxquelles, il faut bien le dire, son enfance, son adolescence passée en milieu libéral l'ont rendu peut-être plus sensible qu'un autre pape. Cette influence libérale qui a pesé sur le Saint Père dans sa jeunesse est connue de tous et, d'après un article à mon sens très bien composé, il aurait à cette époque animé un petit journal de gauche, intitulé "La Fronde". C'est un petit fait évidemment, mais qui montre cependant quelle était déjà la tendance du Pape Paul VI. Et l'on comprend très bien alors qu'un tel pape puisse être davantage influencé par des tendances libérales. C'est normal. Et ce n'est pas impossible. Dieu n'a pas déclaré que toute parole sortant de la bouche du Saint Père serait infaillible, ni que tous les papes seraient des saints, sans qu'aucune de leurs actions fut mauvaise. Cela n'est pas vrai, l'Histoire nous l'enseigne. On a peut-être trop insisté sur l'infaillibilité pontificale depuis le Concile Vatican I. Il est vrai que nous avons eu des papes extraordinaires et qu'ainsi s'est répandue dans le peuple fidèle et même chez les clercs, la croyance que toute parole sortant de la bouche du Saint Père était infaillible. Mais cela n'est pas vrai. Il y a des conditions exactes de l'infaillibilité qui ont été définies, selon que le pape parle " ex cathedra" ou seulement dans son magistère ordinaire.

L'on comprend très bien ainsi qu'un concile qui est pastoral, qui veut réaliser un "aggiornamento", qu'un concile qui ne se veut pas dogmatique — le Pape l'a encore rappelé explicitement il y a un mois : " ce concile est un concile non dogmatique" — eh bien, l'on comprend très bien que toutes les paroles d'un tel concile ne soient pas infaillibles. Il faut savoir faire des distinctions. Ce concile ne se présente pas comme les autres. Tous les autres conciles ont été faits pour lutter contre une erreur et préciser la vérité de l'Église. Celui-ci, non. Le Pape Jean XXIII l'a déclaré sans ambages : "Nous ne voulons définir aucune nouvelle vérité, par conséquent nous ne voulons pas faire un concile dogmatique, nous voulons faire un concile pastoral". Par le fait même il écartait, si je puis dire, ce charisme de l'infaillibilité qui est nécessaire lorsque le Pape définit quelque chose. C'est pourquoi, je crois personnellement que nous pouvons juger ce concile et même le critiquer, dans le bon sens du terme, c'est-à-dire examiner chaque schéma pour voir quelles en sont les phrases absolument conformes à la tradition et celles qui sont nouvelles. Pour ces dernières, nous avons le droit de les passer au crible de la Tradition. De la Tradition, et non de notre propre jugement comme on nous le reproche. On nous dit que c'est nous qui jugeons, mais il n'en est rien. On nous dit : "Vous vous opposez au Pape, aux évêques, au Concile". Mais non. Nous comparons simplement ce que les papes ont dit et ce que le Concile dit. S'il y a des choses qui apparaissent contradictoires, il faut absolument conformer le Concile à la Tradition. On ne peut pas faire autrement.

ÉCÔNE CONTINUE POUR L'ÉGLISE ET POUR LE PAPE

Voilà donc notre position. Et nous continuons. Bien sûr, nous aurons peut-être des réprobations, mais personnellement, je pense que nous ne pouvons pas dilapider les vocations sacerdotales aujourd'hui. Je dirais que c'est comme si on voulait nous faire piétiner des reliques. Si l'on me disait aujourd'hui : "Vous allez piétiner des reliques", je répondrai : "Non, je préfère mourir plutôt que de piétiner des reliques." Eh bien, les vocations sacerdotales sont pour moi comme des reliques, des reliques de bonnes vocations, de saintes vocations, des reliques de saints prêtres. L'Église n'a presque plus de vrais séminaires, c'est-à-dire selon lois que l'Église a toujours appliquées pour la formation des prêtres. J'ai visité le Brésil, l'Argentine, la Colombie, l'Amérique du Nord. J'ai visité les séminaires, j'ai rencontré leurs évêques. Tous le disent : " Nous n'avons plus de vocations ". Et il faut voir les séminaristes qui restent dans les séminaires qui existent encore : cheveux longs, guitares. Des jeunes gens qui se demandent pourquoi ils sont là. Et l'on voudrait que je ferme mon séminaire qui réunit de tous les horizons du monde les quelques bonnes vocations qui restent, que je jette à la rue mes séminaristes. Je réponds : Non. Pour l'Église et pour le Pape, pour l'honneur de Dieu et de Notre Seigneur, je veux garder et continuera former ces vocations. Et je suis persuadé que le Bon Dieu est avec nous.

Il n'est pas possible qu'il ne bénisse pas notre œuvre. Il l'a bénie visiblement en nous donnant tout ce que nous désirions et cela c'est un signe que, malgré tout, notre œuvre rendra service à l'Église. J'en suis sûr, après la tourmente qui secoue actuellement l'Église, on reconnaîtra le bien fondé de notre œuvre. Mgr Adam lui-même, l'évêque de Sion et donc du séminaire me disait il y a huit jours, au cours d'un déjeuner : "Monseigneur, il faut que votre séminaire continue." Je lui ai répondu : "Monseigneur, c'est vous-même qui l'avez supprimé, et vous voulez qu'il continue ! que puis-je faire ?" — "Il faut qu'il continue! il le faut. Continuez comme Séminaire International. Nous pouvons peut-être le faire reconnaître par Rome, je pourrai peut-être le reconnaître moi-même. Mais vous ferez quelques modifications". — "Attention, je veux savoir ce que vous me demanderez, car je ne ferai pas n'importe quoi. En tous cas, si vous voulez que mon séminaire continue, je le veux aussi". Voyez l'incohérence. Le même Mgr Adam déclare à la Télévision que le séminaire d'Écône est une secte et puis il me demande de continuer. Je n'y comprends plus rien. Mais ce dont je suis persuadé, c'est que Dieu veut que ce séminaire continue, et c'est pourquoi nous sommes décidés à continuer.

GARDONS LA FOI

Je vous remercie à l'avance des prières que vous pourrez faire pour nous et de la générosité que vous avez déjà eue et que vous aurez encore pour nous. Et j'espère qu'un jour, si le Bon Dieu le permet, il y aura des vocations qui viennent d'Autriche à Écône. Vous savez que nous avons ouvert une maison à Weissbad près d'Appenzell et non loin du lac de Constance, pour les séminaristes de langue allemande. Nous avons déjà un prêtre autrichien dans ce séminaire et j'espère qu'un jour nous y aurons des séminaristes autrichiens. Je vous demande de le dire autour de vous pour que des jeunes gens puissent venir nous rejoindre. J'ajoute que je souhaite que beaucoup de personnes fassent partie de cette association mariale de St Pie X et acquièrent ainsi une piété profonde et une grande dévotion envers Saint Pie X, le dernier pape qui est saint, et qui a tellement lutté contre toutes ces erreurs dont je vous ai parlé. Confions-nous à lui. Enfin je vous recommande le catéchisme du Cardinal Gasparri, qui a été réédité récemment dans une traduction du Dr. Steinhart et que j'ai préfacé. Gardez ce catéchisme précieusement. Enseignez-le à vos enfants. Lisez-le afin de conserver la foi. La foi, en effet, est le don le plus précieux que nous ayons. Au jour de votre Baptême, le prêtre a demandé à vos parrains et marraines : " que vous apporte la foi ? ", et ils ont répondu : " La vie éternelle ". Si donc la foi nous apporte la vie éternelle, nous ne devons pas avoir de bien plus précieux, et être prêt à mourir, à donner jusqu'à la dernière goutte de notre sang plutôt que d'abandonner notre foi catholique.

+ Marcel Lefebvre