Dans la préface datée du 27 août 1976 de son livre “J'accuse le Concile !”, Mgr Lefebvre pose remarquablement le problème du Concile.

Pourquoi ce titre “J'accuse le Concile !” ? Parce que nous sommes fondés à affirmer, par des arguments tant de critique interne que de critique externe, que l'esprit qui a dominé au Concile et en a inspiré tant de textes ambigus et équivoques et même franchement erronés n'est pas l'Esprit-Saint, mais l'esprit du monde moderne, esprit libéral, teilhardien, moderniste, OPPOSÉ au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ.

Toutes les réformes et orientations officielles de Rome sont demandées et imposées au nom du Concile. Or ces réformes et orientations sont toutes de tendance franchement protestantes et libérales.

C'est dès le Concile que l'Eglise, ou du moins les hommes d'Eglise occupant les postes-clés, ont pris une orientation nettement opposé à la Tradition, soit au Magistère officiel de I'Eglise.

Ils se sont pris pour l'Eglise vivante et maîtresse de vérité, libre d'imposer aux clercs et aux fidèles de nouveaux dogmes : soit le progrès, l'évolution, la mutation, et une obéissance aveugle et inconditionnelle.

Ils ont tourné le dos à la véritable Eglise de toujours,

lui ont donné de nouvelles institutions, un nouveau sacerdoce, un nouveau culte, un nouvel enseignement toujours en recherche, et cela toujours au nom du Concile.

Il est aisé de penser que quiconque s'opposera au Concile, leur nouvel évangile,

sera considéré comme hors de la communion de l'Eglise.

On peut leur demander de quelle Eglise ? Ils répondront de l'Eglise conciliaire.

Il est donc indispensable de démythiser ce Concile qu'ils ont voulu pastoral en raison de leur horreur instinctive pour le dogme, et pour faciliter l'introduction officielle dans un texte d'Eglise des idées libérales. Mais l'opération terminée, ils dogmatisent le Concile, le comparent à celui de Nicée, le prétendent semblable aux autres sinon supérieur !

Heureusement cette opération de démythisation du Concile commence et a bien commencé avec le travail de M. Le professeur Salet dans le “Courrier de Rome” sur la déclaration de “la liberté religieuse”. Il en conclut que cette déclaration est hérétique.

Que de sujets à bien étudier et analyser, par exemple :

- ce qui concerne les rapports des évêques et du pape, dans la constitution de “l'Eglise”, “des évêques”, “des missions” ;

- le sacerdoce des prêtres et des fidèles dans les préliminaires de “Lumen gentium” ;

- les fins du mariage dans “Gaudium et spes” ;

- la liberté de la culture, de la conscience et le concept de la liberté dans “Gaudium et spes” ;

- I'œcuménisme et les relations avec les religions non chrétiennes, avec les athées, etc.

On y décèlerait rapidement un esprit non catholique. De ces recherches le lien se ferait naturellement avec les réformes issues du Concile. Alors une singulière lumière éclaire le Concile. Elle provoque nécessairement la question : ceux qui ont réussi cette admirable manœuvre l'avaient-ils préméditée avant le Concile ? Qui sont- ils ? Se sont-ils réunis avant le Concile ?

Peu à peu les yeux s'ouvrent sur une conjuration stupéfiante préparée de longue date. Cette découverte oblige à se demander : quel a été en toute cette œuvre le rôle du Pape ? Sa responsabilité ? En vérité, elle paraît accablante, malgré le désir de l'innocenter de cette affreuse trahison de l'Eglise.

Mais si nous laissons à Dieu et aux futurs vrais successeurs de Pierre de juger de ces choses, il n'en est que plus certain que le Concile a été détourné de sa fin par un groupe de conjurés et qu'il nous est impossible d'entrer dans cette conjuration, quand bien même il y aurait beaucoup de textes satisfaisants dans ce Concile. Car les bons textes ont servi pour faire accepter les textes équivoques, minés, piégés.

Il nous reste une seule solution : abandonner ces témoins dangereux pour nous attacher fermement à la Tradition, soit au Magistère officiel de l'Église pendant vingt siècles.

Nous espérons que les pages qui suivent jetteront une lumière de vérité sur les entreprises subversives des adversaires de l'Eglise, conscients ou inconscients.

Ajoutons que les appréciations des clercs et des catholiques libéraux, des protestants, des francs-maçons sur le Concile ne font que confirmer nos appréhensions. Le cardinal Suenens affirmant que ce Concile a été 89 dans l'Eglise n'aurait-il pas raison ?

Alors notre devoir est clair : prêcher le règne de Notre Seigneur Jésus-Christ contre celui de la déesse raison.

Marcel Lefebvre, Paris, le 27 août 1976