Des disciples de Satan ont résolu d'en finir avec la chrétienté
par Mgr Marcel Lefebvre[1]
Ecône, 30 octobre 1988
Je pense qu'il est inutile d'insister auprès de vous pour vous montrer que cette fête du Christ-Roi est au cœur même du combat que nous menons.
Si nous avons pris la décision de mener ce combat et de résister à toutes les pressions qui sont faites, à l'intérieur même de l'Eglise, pour nous détourner de ce règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est qu'il nous a semblé indispensable pour défendre notre foi, de mettre en pratique le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et n'est-ce pas là même l'objet même de notre foi, de faire régner Notre-Seigneur Jésus-Christ sur nous, sur nos familles, dans nos cités ? Oportet ilium regnare dit saint Paul, il faut qu'Il règne, il faut que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne.
Pourquoi une nouvelle fête ?
Pourquoi le pape Pie XI a-t-il jugé bon d'ajouter au calendrier liturgique une fête particulière pour le Christ-Roi ? Était-ce vraiment nécessaire ? Est-ce que la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'était pas suffisamment signifiée dans toutes les fêtes de l'année liturgique ? En effet, si l'on lit les textes liturgiques de la fête de la Nativité, de la fête de l'Épiphanie, des grandes cérémonies de la semaine Sainte, à plus forte raison la fête de Pâques et la fête de l'Ascension, la royauté de Notre-Seigneur est constamment affirmée. Ces fêtes ne font que manifester le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ et Son royaume.
Alors pourquoi ajouter cette fête du Christ-Roi ? C'est parce que les hommes ont voulu détruire le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, après que pendant de nombreux siècles les princes, les chefs d'État ont reconnu la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Des disciples de Satan, celui qui poursuit de sa haine Notre-Seigneur Jésus-Christ, ont résolu d'en finir avec la chrétienté, avec l'ordre chrétien, avec le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la société, et ils ont fomenté des troubles jusqu'au moment où ils ont pu détruire, en effet, ce règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur les sociétés. Ils espéraient bien par là ruiner l'œuvre de Notre-Seigneur Jésus-Christ : c'est ce que dit le pape Léon XIII dans son encyclique Humanum genus à propos des francs-maçons. Il dit : leur but principal, c'est de détruire toutes les institutions chrétiennes. Toutes les institutions chrétiennes ! Voilà leur but.
Ils ne pouvaient pas y arriver tant que la société était chrétienne, tant que les princes et les gouvernants étaient chrétiens. Il leur a fallu donc détruire ces gouvernements, détruire ceux qui défendaient la royauté de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Un climat d'apostasie
Non seulement ils ont eu pour dessein de détruire les institutions chrétiennes, mais ils ont voulu par là détruire le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans les âmes et créer ce climat d'apostasie générale. Le fait que les institutions ne sont plus chrétiennes, le fait que Notre-Seigneur Jésus-Christ ne règne plus dans les institutions, crée nécessairement un climat d'apostasie, un climat d'athéisme.
Ce climat d'athéisme atteint alors les familles par l'enseignement, par tous les moyens puissants que l'État a à sa disposition pour ruiner la foi dans les familles chrétiennes. C'est ainsi qu'on a vu l'apostasie s'étendre petit à petit dans la société. Et si les familles deviennent elles-mêmes apostates, si dans les familles ne règnent plus Notre-Seigneur Jésus-Christ, Sa loi et Sa grâce, alors les vocations aussi disparaissent, et c'est bien ce qu'ils espéraient ; ils espéraient atteindre l'Eglise par l'intermédiaire des familles chrétiennes et atteindre, ainsi, les séminaires, les noviciats, les congrégations religieuses. Hélas ! ils y sont arrivés.
Maintenant nous pourrions dire en vérité que les autorités de l'Église leur prêtent main, et les aident dans cette apostasie, par l'affirmation de cette liberté religieuse.
La liberté religieuse de Vatican II
S'il y a la liberté religieuse, il n'est plus absolument nécessaire que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne sur les âmes, sur les sociétés. C'est là une chose absolument incroyable, mais vraie.
Non seulement il n'est pas opportun et il n'est peut-être pas possible, comme le disent – comme l'ont toujours dit les libéraux –, que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne encore sur la société (c'était possible au Moyen Age, ce n'est plus possible maintenant), non ce n'est pas suffisant : désormais on admet comme principe que Notre-Seigneur ne doit pas régner sur la société. Ce serait contraire à la dignité humaine, la dignité humaine qui veut que chaque homme ait la religion de sa conscience. Imposer dans la société le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, ce serait violer la conscience et la liberté, et par conséquent la dignité humaine ; et c'est pourquoi il faut que les Etats soient laïcs, que les Etats n’aient plus de religion, n'aient pas de religion.
C'est ce qu'affirment les autorités de l'Église. Le pape à Strasbourg, .dernièrement, a encore affirmé publiquement : il faut que les Etats soient neutres, n'aient pas de religion. Chose inouïe ! inouïe ! Si nos ancêtres entendaient des choses semblables, ils en seraient épouvantés, stupéfaits. Mais de nos jours on est tellement habitué à cette apostasie générale que l'on ne réagit même plus.
C'est pourquoi cette fête du Christ-Roi est plus utile que jamais. Nous chantions, hier, dans l'hymne, n'est-ce pas : «Scelesta turbo clamitat Christum regnare nolumus, la foule impie crie : Nous ne voulons pas que le Christ règne sur nous. Te nos ovantes omnium Regem supremum dicimus. Nous, au contraire, nous sommes heureux dans nos cœurs de pouvoir dire que vous êtes le Seigneur, le roi de toutes choses».
Oui. Nous opposons à ce cri de cette foule impie qui dit : «Nous ne voulons pas que le Christ règne sur nous», nous disons : «Nous voulons que Notre-Seigneur règne parce qu'Il est le Roi de toutes choses (omnium Regem supremum) le roi suprême de toutes choses». Nous le proclamons, et nous voulons le proclamer, non seulement pour nous personnellement, pour que Jésus règne dans nos âmes par Sa loi et par Sa grâce, mais nous voulons qu'Il règne aussi dans nos familles, dans les familles chrétiennes et dans la société.
Négation du péché originel
Ce qui est à la racine, voyez-vous, de cette apostasie, c'est la négation du péché originel. Car si Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu sur terre et veut régner dans toutes les âmes, dans toutes les familles, dans toutes les cités, c'est précisément pour faire disparaître et le péché originel et toutes ses conséquences, ces conséquences abominables, qui conduisent à l'enfer et à la mort éternelle. Il est venu pour nous donner la vie éternelle. Si on nie le péché originel, Notre-Seigneur n'est plus nécessaire : qu'est-ce qu'Il vient faire ? Pourquoi vient-Il ? Il vient troubler nos familles, Il vient troubler l'ordre de la liberté, de la liberté humaine.
Mais si nous croyons qu'il y a vraiment eu un péché originel dont tous les hommes sont atteints, avec toutes les conséquences de ce péché originel, et que seul Notre-Seigneur Jésus-Christ est capable de nous guérir et de nous apporter la vie, de nous purifier dans Son sang, de nous donner Sa grâce et de nous donner Sa loi, alors nous nous tournons vers notre Sauveur, vers Notre-Seigneur Jésus-Christ. Qu'Il soit notre roi, que Sa loi règne partout, que Sa grâce règne dans toutes les âmes. Voilà ce que nous disons, voilà ce que nous pensons.
On ne croit plus au péché originel, on nie le péché originel : «Les hommes sont libres ; les hommes ne sont pas mauvais ; les hommes ne naissent pas mauvais, ne naissent pas sous l'influence de Satan, ce n'est pas vrai. Les hommes sont bons. Ce qu'ils désirent, c'est bien. Chacun peut désirer ce qu'il veut, selon sa liberté, selon sa conscience».
Or nous disions aussi dans les antiennes, ce matin, «Regnum qui non servierit tibi, perierit : le royaume qui ne Vous sert pas, oh ! Seigneur, périra». C'est vrai. Tout ceux qui n'ont pas Notre-Seigneur Jésus-Christ dans leur loi, dans leur législation, qui n'ont pas la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, tous ceux-là vivent dans le désordre complet, et sont atteints par toutes les suites du péché originel, qui corrompent les sociétés, qui corrompent les âmes.
Que faire ?
Alors que devons-nous faire mes bien chers frères devant cette situation ? Désirer, bien sûr, le règne de Notre-Seigneur. Prier de tout notre cœur, de toute notre âme, aujourd'hui particulièrement, pour demander à Notre-Seigneur de régner : qu'Il nous aide, qu'Il vienne à notre secours. Dieu sait s'Il nous a donné tous les moyens pour nous sauver.
Mais devant cette situation qui apparemment est insoluble, que pouvons-nous faire ? Nous devons faire ce que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu que nous fassions, c'est-à-dire nous sanctifier, ressusciter la grâce que nous avons reçue au jour de notre baptême pour effacer le péché originel et pour en guérir toutes les suites. Mais nous savons très bien que ces suites du péché originel, nous les avons encore, nous les portons avec nous, et nous devons constamment lutter par la grâce de Notre-Seigneur, par la prière, par la réception digne et fréquente des sacrements, par l'assistance à la sainte messe, à la vraie messe. Nous savons que c'est ainsi que nos âmes se purifieront, que nos âmes se sanctifieront et que nos âmes feront régner en elles la loi et la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Mais il ne suffit pas de le faire pour nous. Nous avons des fonctions, nous avons tous une vocation ici-bas : nous ne vivons pas seuls, nous ne vivons pas isolés ; et par conséquent nous avons le devoir de faire régner Notre-Seigneur partout, dans nos fonctions, et pas seulement dans nos familles.
Le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas un règne qui doit se limiter à la famille en sorte que, dès que l'on sort de la maison familiale, il n'y a plus de place pour Notre-Seigneur Jésus-Christ. «Ça ne regarde pas Notre-Seigneur. Ce que nous faisons dans nos professions, ce que nous faisons dans la cité, en dehors de notre famille, Notre-Seigneur n'a plus rien à y voir». C'est faux ! C'est faux ! Nous devons être soumis à Notre-Seigneur toujours, en tout ce que nous faisons, dans tous nos actes ; par conséquent dans les actes de notre profession aussi ; par conséquent dans les actes que nous avons à accomplir et qui regardent le bien de notre commune, le bien de notre village, le bien de notre cité, le bien de notre État.
Il est temps...
Il est temps, mes bien chers frères, il est temps, plus que temps, que les chrétiens, et particulièrement les chrétiens traditionalistes, si l'on peut les appeler ainsi, c'est-à-dire les vrais chrétiens, les vrais catholiques, il est temps, qu'ils se rendent compte de la situation qui existe autour d'eux, qui est en train de se dégrader de mois en mois, d'année en année. Nos pays n'ont pas perdu toute foi catholique ; il y a encore des gens qui croient, des gens qui ont la foi. Il faudrait les réunir, il faudrait les réveiller ; il faudrait que parmi nous, parmi ceux qui ont des convictions profondes, catholiques, il y en ait qui prennent des responsabilités.
On est stupéfait de voir que des pays catholiques, disons comme le Valais, comme tous les cantons catholiques de la Suisse, comme la France, comme l'Italie, comme l'Espagne, comme l'Irlande, comme tous ces pays catholiques qui sont à 80%-85% catholiques, sont dirigés par des francs-maçons, sont dirigés par les ennemis de l'Église ! Comment est-ce possible ? Comment ces gens-là ont-ils pu arriver à dominer des pays à grande majorité catholique : des gens qui sont antichrétiens, des gens qui veulent détruire la famille chrétienne, qui introduisent toutes les lois qui démolissent la famille chrétienne, qui introduisent des lois qui démolissent l'enseignement chrétien, démolissent les écoles chrétiennes, qui introduisent toutes ces initiatives abominables que nous voyons, comme ces discothèques qui se multiplient partout, même dans tous les villages ; qui introduisent, par conséquent, dans la législation l'avortement, la contraception, qui supportent la drogue, qui ne poursuivent pas la pornographie, qui acceptent ces films abominables contre Notre-Seigneur Jésus-Christ. Voilà de petits groupes, des groupes de gens qui sont contre Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui dominent des nations chrétiennes. Est-ce possible ça ? Comment expliquer ça ? Comment expliquer que, dans nos pays, où il y a 80 à 85 % de catholiques, ce soient des gens qui sont contre l'Église catholique, qui sont contre Notre-Seigneur, qui dominent et dirigent tout le monde ?
Je pense que c'est parce que les catholiques s'imaginent qu'ils ne doivent pas entrer dans les fonctions publiques. Ils ont peur de s'immiscer dans les fonctions publiques. Sans doute ils ont raison, dans la mesure où ils devraient participer et contribuer à des choses qui sont mauvaises. Mais s'ils le font, au contraire, pour empêcher les choses mauvaises de se réaliser, ils doivent se manifester, ils doivent prendre des responsabilités, pour le bien des âmes, pour faire régner Notre-Seigneur Jésus-Christ dans la législation. Il me semble qu'il y a là une déficience et peut-être une incompréhension du devoir des catholiques, catholiques fidèles. Il faudrait que dans des villages qui sont à 80% catholiques encore, et qui ont encore des convictions, ce soit de bons catholiques qui dirigent le village, qui prennent des responsabilités communales.
Ne pas avoir peur
La même chose dans les États. Mais il ne faut pas avoir peur de prendre des responsabilités. Ce n'est pas là faire de la mauvaise politique, ce n'est pas là de faire de la politique de partis, c'est tout simplement chercher le règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, le règne social de Notre-Seigneur. Alors nous devons prier pour cela, et encourager tous ceux de nos amis que nous connaissons, toutes nos connaissances, qui sont capables de prendre des mandats, dans les communes, dans les cités, dans l'État, de se présenter. [...[2]] Sans faire de partis spéciaux, mais qu'ils soient, comme le dit saint Pie X, le parti de Dieu, le parti de Notre-Seigneur Jésus-Christ. C'est là ce que me semble cette fête du Christ-Roi nous rappelle ; et [elle] nous demande d'agir courageusement, comme le disait Jeanne d'Arc dans son combat : «Nous combattons, nous prions, et Dieu donnera la victoire».
«Oh ! c'est impossible ! On ne pourra pas, c'est trop difficile, jamais nous n'arriverons à dominer les gens qui actuellement dirigent notre pays, nous n'arriverons jamais à les renverser !» — Mais il faut compter sur la grâce du bon Dieu ! Le bon Dieu est avec nous, le bon Dieu veut régner, le bon Dieu veut le bien des âmes : par conséquent si les catholiques s'unissent, prient, font des sacrifices et militent en faveur du règne de Notre-Seigneur Jésus-Christ, il faut compter sur la grâce de Notre-Seigneur, sur l'aide de la très sainte Vierge Marie qui est forte comme une armée rangée en bataille, sur l'aide des saints, de saint Michel archange, de tous les saints du pays, de saint Nicolas de Flüe, ici, de saint Maurice : invoquons-les et demandons-leur de nous aider pour que Notre-Seigneur Jésus-Christ règne dans nos pays, pour sauver les âmes des générations futures, sauver nos âmes, et remettre nos pays sous le doux règne de Notre-Seigneur.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.
Armes, de Mgr Lefebvre
[1] Pour préparer la fête du Christ-Roi, nous reproduisons ici le texte du sermon prononcé le 30 octobre 1988 par Mgr Lefebvre à Écône, à l'occasion de cette même fête. (Nous avons gardé le style parlé, pour respecter le caractère propre de l'homélie, mais ajouté plusieurs sous-titres. Ceux qui désirent écouter ce sermon pourront le trouver sur les disques compact édités par Ecône sous le titre : «Pour l'amour de l'Eglise, le Christ-Roi»)
Le Sel de la terre, n° 58, automne 2006
Pour l'amour de l'Église, le Christ-Roi. Coffret de deux CD (d'un ensemble de 150 minutes) réunissant des sermons et allocutions de Mgr LEFEBVRE sur le règne de Notre-Seigneur (son origine, sa nécessité, son étendue et son efficacité), sur la Révolution qui s'y oppose, et sur les moyens de travailler à son rétablissement. 14 €. (Séminaire Saint Pie X, Service enregistrement, Ecône, C.H. 1908 Riddes, Suisse — audio@seminaire-econe.com).
[2] Il y avait ici une brève parenthèse qui faisait allusion à un journal (Controverses) malheureusement disparu aujourd'hui : «Puisque désormais nous avons vu l'initiative qui a été provoquée par nos amis, ce petit journal qui a dernièrement paru (et qui s'appelle Controverses) dans lequel nos confrères prêtres, aussi, se sont engagés, d'une certaine manière : c'est là, à mon avis, une très bonne initiative, qui peut éventuellement servir au moment d'un vote, pour être distribué dans les familles, partout, pour encourager à faire un bon vote, le vote pour Notre-Seigneur Jésus-Christ.