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J. Les fébroniens


    Iustinus Febronius (pseudonyme de Nikolaus von Hontheim, évêque auxiliaire de Trèves, 1701 - 1790) donna nais­sance à la secte des « fébroniens ». Selon lui, le pape ne serait pas in­faillible, car le Christ aurait conféré l’infaillibilité seulement au concile œcuménique, auquel le pape serait complètement subor­donné.

    En outre, si un pape s’oppose aux décrets d’un concile national et sépare un royaume de sa communion, il faut, selon Fé­bronius, pourvoir cette Église nationale d’un « chef extraordinaire et temporaire »: le roi ou l’empereur.

    C’est surtout cette proposition-là qui séduisit Joseph II (1741 - 1790), empereur franc-maçon du Saint empire romain ger­manique. Désireux de s’ériger en chef de l’Église autrichienne, ce monarque prétentieux se mit à réformer ce qu’il appelait dédaigneu­sement « la piété baroque » (Barockfrömmigkeit): il interdit les pro­cessions, introduisit le vernaculaire dans la liturgie, modifia les tex­tes liturgiques, diminua le nombre de cierges sur l’autel, entrava le culte des saints etc. etc. Il confisqua les biens de l’Église, supprima les ordres religieux et empêcha le clergé autrichien de communiquer avec Rome. Joseph II alla jusqu’à commander que, par mesure d’économie, les pompes funèbres fussent rationalisées: les défunts devaient être enterrés obligatoirement « tout nus »!

    Les doctrines de Fébronius furent mises en pratique par l’empereur non seulement dans les provinces autrichiennes, mais encore en Toscane, dont son frère Léopold était grand-duc. L’introduction du fébronianisme en Toscane eut lieu avec la com­plicité de l’évêque Scipion Ricci, qui devint tristement célèbre par le fameux synode hérétique qu’il présida dans sa ville épiscopale de Pistoia en 1786 (voir chapitre 7).

    Le livre de Fébronius (De statu Ecclesiae et legitima potestate romani pontificis, 1763) provoqua également une déca­dence presque générale de la religion en Allemagne, bien que les évêques allemands l’eussent condamné comme étant « plein de scan­dale et de danger, un fils des ténèbres, la sève des hérésies et un produit de Satan » (cité par Pie VI lors de sa réponse à l’archevêque de Mayence, 1789). Le livre de Fébronius fut interdit par le Saint-Siège à plusieurs reprises (mis à l’Index le 27 février 1764, le 3 février 1766, le 24 mai 1771 et le 29 mars 1773). Clément XIII représenta l’auteur comme étant « un homme artificieux et de mau­vaise foi, mêlant habilement hérésie et apparence catholique », et « dont le livre était sorti de l’officine de Satan »[1].

    Fébronius fut réfuté par St. Alphonse de Liguori (Défense du pouvoir suprême du souverain pontife contre Justin Fé­bronius) et par un remarquable érudit recommandé par les Pères du Vatican: François Antoine Zaccaria (Anti-Febronio, 1767, tra­duction allemande Augsbourg 1768; traduction française Paris 1859 - 1860).

[1] « Callidus fraudum artifex, [...] sive haereticus. qualem ex ipso libro possumus suspicari, sive catholicus, qualis videri vult. [...] Ejusmodi libri, qui fortasse in officina Satanae cuduntur » (Clément XIII: Lettre à l‘évêque de Wurzbourg, 24 mars 1764).!


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