Virgo-Maria.org

Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

mardi 21 mars 2006

Ce message peut être téléchargé au format PDF sur notre site http://www.virgo-maria.org/.

 

Le Recteur du séminaire de la FSSPX en Australie fait une critique accablante de Deus Caritas est

 

L’abbé Scott déconseille aux catholiques la lecture de la dite « encyclique » de l’abbé Ratzinger

 

Cette analyse proposée à votre lecture est, à ma connaissance, la seule étude établie pour l’instant par un membre de la FSSPX sur l’ « encyclique » de l’abbé Ratzinger. Cette étude, qui, certes, n’est pas complète parce qu’elle ne relève pas le scandaleux tantrisme développé dans sa première partie, présente cependant quelques remarques indispensables sur ce document. 

L’abbé Peter Scott en tire d’emblée une première conclusion :

« Je ne saurais cependant recommander à aucun catholique la lecture de ce texte ».

C’est assez dire. En effet, uniquement à partir de ce que l’abbé relève dans cette encyclique :

·         l’absence de références, autres que celles du conciliabule Vatican II,

·         les omissions (spécialement le péché originel et la perte du don préternaturel d’intégrité),

·         les conséquences dangereuses et néfastes de la fusion de l’amour de soi et de l’amour qui se sacrifie,

·         le naturalisme,

·         le nouvel humanisme,

·         l’immanence vitale ou modernisme

on ne peut conseiller, encore moins recommander cette prétendue encyclique.

En accord avec cette conclusion, je ne peux cependant pas manquer de rappeler une question primordiale : celle du degré d’autorité des encycliques et par conséquent de l’autorité même dont elle émane.

 

Car il ne faudrait pas croire que clercs et fidèles puissent délibérément et impunément juger personnellement d’un document du saint Siège.

 

Je ne peux donc approuver l’attitude qui consiste à critiquer une encyclique lorsque l’on reconnaît comme légitime l’autorité dont elle émane.

 

Si cette prétendue encyclique de l’abbé Ratzinger peut être critiquée, et à juste titre déconseillée et rejetée comme dangereuse pour la foi et les mœurs ! c’est premièrement parce que ce document est l’œuvre d’un usurpateur du siège de Saint Pierre. Le caractère scandaleux de la première partie de l’encyclique, le tantrisme de l’abbé Ratzinger, qui fut précédemment signalé (se reporter aux citations parues dans le message du 6 mars de Virgo-Maria), ainsi que les différents points dangereux relevés par l’abbé Scott, prouvent une fois encore l’usurpation du siège apostolique par un antichrist.

En tant que catholique lorsque l’on admet comme il se doit la haute autorité des encycliques pontificales ainsi que la grande considération qui leurs sont dues (comme le souligne fort bien Dom Paul Nau dans son Essai sur l’autorité de leur enseignement (1), force est de constater que celles-ci contiennent sans doute possible dans leur continuité, l’infaillible doctrine, celle-là même qui doit servir de règle à notre foi,et précisons-le bien ici, à nos mœurs.

Critiquer, déconseiller, rejeter cette prétendue encyclique Deus Caritas est ne peut donc se faire que si l’on considère l’autorité actuelle comme illégitime, et seulement secondement parce que celle-ci contient de réels dangers pour la foi et les mœurs, ce qui ne s’est même jamais trouvé dans les documents ayant obtenus le ninil obstat de la part des autorités légitimes, autorisées et compétentes de la véritable Eglise de Notre Seigneur Jésus-Christ.

 

Ajoutons après ces précisions nécessaires que cette analyse de l’abbé Scott, avec le mérite d’être une première au sein de la FSSPX, reste pour l’instant bien isolée dans le cadre de sa publication en Australie. La FSSPX, avec ses différents bulletins (DICI, Nouvelles de Chrétienté, Fideliter, La Porte Latine,etc.), les rédacteurs d’articles dans sa mouvance, avaient pourtant fait preuve jusqu’à présent de bien plus de zèle dans l’analyse des documents émanant du saint Siège. Preuve supplémentaire là encore que le mot d’ordre a été donné dans le contexte actuel des relations avec Rome : ne pas compromettre ce qui est en cours.

Pour ma part, et pour celle de bien d’autres qui désirent rester fidèle à l’opération survie de la tradition, je ne peux que constater cet esprit caractéristique d’une trahison dans le combat pour la foi et la sauvegarde de l’épiscopat catholique pour la transmission du Sacerdoce catholique et la préservation des sacrements.

 

A quelques jours de fêter l’Annonciation, que Notre-Dame, Mère du Verbe Incarné, Vierge, avant, pendant et après l’incarnation, dont la vocation est de vaincre toutes les hérésies, nous protège et donne les grâces nécessaires à tous ceux et celles qui ont besoin actuellement de comprendre que cette prétendue encyclique qui contient précisément ce scandaleux tantrisme ainsi que les différentes erreurs relevées par cette analyse de l’abbé Peter Scott, ne peut être l’œuvre d’un vrai Pontife de la sainte Eglise du Christ.

 

Abbé Michel Marchiset

 

 

(1)                                 : Dom Paul Nau se réfère au magistère et à certains auteurs ayant traités de l’importance des encycliques pontificales et de leur réception par l’Eglise universelle. Je vous en signale ici deux passages :

-                                      « Nous avions vu les Souverains Pontifes proposer expressément comme but de leurs encycliques cette unité à réaliser dans l’enseignement épiscopal, présenter leurs Lettres comme une norme de doctrine dont ils ne permettent plus la discussion, qualifier même de « modernisme pratique » la seule négligence à faire passer la conduite de la vie l’enseignement pontifical. Pie XII se situe donc bien dans la ligne de ses prédécesseurs quand il exige de tous l’adhésion entière au contenu de ces Lettres qui s’adressent à nous au nom même de Dieu » (Dom Paul Nau cite à cet endroit le passage de l’encyclique Humani generis : « Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposée dans l’encyclique ne demande pas de soi l’assentiment…A ce qui est enseigné par le magistère ordinaire, s’applique aussi la parole : « qui vous écoute, m’écoute. »

-                                      Et ce passage de Dom Guéranger par lequel Dom Paul Nau termine son chapitre précisément intitulé « Qui vous écoute, m’écoute » : « Pourrions-nous sans péril, écrit Dom Guéranger en une des plus belles pages de son année liturgique (le jeudi de la Pentecôte, Paris 1950, t. III, p. 609), imposer des bornes à notre docilité aux enseignements qui nous viennent à la fois de l’Esprit et de l’Epouse que nous savons unis d’une manière indissoluble (Apoc. XXII,17). Soit donc que l’Eglise nous intime ce que nous devons croire en nous montrant sa pratique, ou par la simple énonciation de ses sentiments, soit qu’elle déclare solennellement la définition attendue, nous devons regarder et écouter avec soumission du cœur : car la pratique de l’Eglise est maintenue dans la vérité par l’Esprit qui la vivifie ; l’énonciation de ses sentiments à toute heure est l’aspiration de cet Esprit qui vit en elle ; et quant aux sentences qu’elle rend, ce n’est pas elle seule qui prononce, c’est l’Esprit qui prononce en elle et par elle. Si c’est son Chef visible qui déclare la doctrine, nous savons que Jésus a daigné prier pour que la foi de Pierre ne défaille pas, qu’il l’a obtenu de son Père, et qu’il a confié à l’Esprit la charge de maintenir Pierre en possession d’un don si précieux pour nous ».

Les soulignés sont de notre fait.

 

Appel aux lecteurs

 

Nous invitons les clercs et le fidèles à s’abonner à l’envoi par email de la lettre d’informations Virgo-Maria, afin d’être véritablement informés sur l’actualité de la Tradition, et tout particulièrement de ce qui se passe réellement dans et autour de la FSSPX.

 

Le fait qu’il ait fallu aller en Australie chercher un premier commentaire de la première « encyclique » de l’abbé Ratzinger par un membre de la FSSPX, fera vite comprendre aux lecteurs à quel point les médias actuels de la FSSPX sont sous contrôle des partisans du ralliement-apostasie (abbés Lorans, Sélégny et Celier). Cela démontre aussi à quel niveau d’atonie et de subordination, a pu être réduit le combat de Mgr Lefebvre en France. Les Français qui étaient à la pointe du combat pour la Foi catholique et la défense de l’Eglise contre la Révolution, ont été détournés de la vocation de la France.

 

Abonnez-vous et faites abonner. Il vous suffit de fournir votre email sur le site www.virgo-maria.org


Texte paru sur le Libre Forum Catholique

http://www.phpbbserver.com/phpbb/viewtopic.php?t=325&mforum=lelibreforumcat

 

L’ENCYCLIQUE « DEUS CARITAS EST »

 

Une analyse de l’Abbé Peter R. Scott (FSSPX),

Recteur du Séminaire de la Sainte-Croix (Australie)

(« The Sentinel » n° 35, mars 2006)

(traduit de l’anglais[1])

_____

  

            On m’a demandé quelle devait être notre attitude vis-à-vis de la première encyclique du pape Benoît XVI, Deus Caritas est. Il est certes encourageant d’entendre un pape parler de l’amour, des différents mots employés pour l’exprimer dans les Saintes Écritures et de sa nécessité, si opposée à la notion protestante de salut par la seule foi (c’est-à-dire la confiance). Il est bon également de voir défendre la possibilité d’un amour qui ne soit pas purement matérialiste et instinctif, ainsi que la nécessité d’aimer notre prochain et le fait que cela présuppose la justice.

OMISSIONS

            Je ne saurais cependant recommander à aucun catholique la lecture de ce texte. Je vais m’en expliquer, sans toutefois entrer dans les détails techniques développés par le texte en question. Ce qu’on remarque en premier dans l’encyclique – et cela ne laisse pas d’être extrêmement troublant – est l’absence de toute référence au Magistère de l’Église d’avant Vatican II. On y trouve assurément quelques allusions aux Pères de l’Église, et aussi une évocation de l’exemple des saints ayant pratiqué la charité à un degré héroïque (§40), mais pas un mot sur les enseignements précis de l’Église concernant la vertu surnaturelle de charité, ni même sur le fait que celle-ci est une vertu théologale (cf. §39). Rien n’est dit non plus sur la nécessité de la charité pour la justification, bien que l’Église ait défini cette nécessité comme étant de foi (cf. concile de Trente, Session vi, Canons 9 & 11), ni sur le fait que la charité est infusée par Dieu (deuxième concile d’Orange, Canon 25 et concile de Trente, Session vi). De même, l’encyclique ne signale pas que la charité peut être accrue, notamment par les mérites de la mortification et des bonnes œuvres (Trente, Ib. Chapitre 10 et Canons 24 & 32), ni que ce n’est nullement un péché d’avoir la récompense éternelle pour but de nos œuvres de charité (Ib. Canon 31). Pourquoi le pape a-t-il écrit, sur la charité, une encyclique qui ne réitère pas ces magnifiques enseignements si nécessaires à notre salut ?

 

FUSION DE L’AMOUR DE SOI ET DE L’AMOUR QUI SE SACRIFIE

 

Benoît XVI laisse transparaître d’emblée cette velléité de fusion, lorsqu’il décrit l’objet de l’encyclique, qui est de montrer « le lien intrinsèque de cet Amour avec la réalité de l'amour humain » (§1), c’est-à-dire entre l’amour divin et l’amour humain, entre d’une part cet amour qui constitue la nouveauté de la loi nouvelle fondée par le Christ, un amour qui est entièrement sacrifice de soi et que nous appelons à juste titre charité (agapè en grec), d’autre part cet amour sensuel, enivrant, égoïste et instinctif qui est naturel à la nature humaine déchue et caractéristique du paganisme (eros en grec). Alors que la spiritualité constante de l’Église, fondée sur l’Évangile (cf. Jn 12:25 : « Celui qui aime sa vie la perdra, et celui qui hait sa vie dans ce monde la conservera pour la vie éternelle »), consiste à mortifier sa sensualité (l’amour de soi-même sous tous ses aspects) à seule fin de croître dans la charité (l’amour qui se sacrifie et qui va à Dieu d’abord, au prochain ensuite), cette encyclique a pour but de promouvoir une unification de l’une et de l’autre, considérées comme deux aspects d’un même amour. « C’est seulement lorsque les deux se fondent véritablement en une unité que l’homme devient pleinement lui-même. C’est uniquement de cette façon que l’amour – l'eros – peut mûrir, jusqu’à parvenir à sa vraie grandeur » (§5).

            Ce principe est gros de conséquences aussi dangereuses pour l’âme que trompeuses pour l’esprit. Il s’agit du développement de la nouvelle théologie du corps exprimée par Jean-Paul II, dans laquelle la sensualité, quoique disciplinée et au-dessus de la sexualité grossière du plaisir fugitif, est intégrée dans la dignité globale de la personne humaine, ou dans « le tout de la liberté de notre existence » (ib.), comme l’écrit Benoît XVI. Il y a donc là une tentative de former une synthèse nouvelle, à mi-chemin entre le christianisme du passé, auquel il est reproché (à juste titre, selon le pape) « d’avoir été l’adversaire de la corporéité » (ib.) et l’exaltation contemporaine du corps, qui rabaisse la personne humaine.

            Mais pourquoi ? Pourquoi s’efforcer d’élaborer une nouvelle conception de l’amour visant – sans espoir d’aboutir – à combler le gouffre entre cette charité enseignée par le Christ et infusée dans l’âme par la grâce (cf. Jn 13:34 : « Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres ; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres ») et cette notion païenne, sensuelle et égoïste de l’amour ? Non seulement pour trouver au message d’amour annoncé par la Bible et la Tradition de l’Église « quelque chose à voir avec l’expérience humaine commune de l’amour » (§7), mais aussi pour bien davantage que cela : pour tenter de prouver que l’une et l’autre notions ne font vraiment qu’un, qu’il existe entre elles un « lien inséparable », que « l’"amour" est une réalité unique » (§8) et que « plus ces deux formes d’amour [eros et agapè], même dans des dimensions différentes, trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général » (§5). Or, l’Église a toujours enseigné qu’une charité bien ordonnée commençant par l’amour de Dieu doit nécessairement inclure l’amour de soi-même, et en particulier l’amour de son vrai bien, de son salut éternel. Mais cela signifie nécessairement la mortification de l’amour de soi par l’acceptation de la Croix : « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive » (Mt. 16:24). Quiconque fréquente régulièrement le sacrement de pénitence peut témoigner de la réalité de cette bataille contre l’amour de soi.

NATURALISME

            Mais, là encore, il faut se demander pourquoi. Pourquoi essayer d’unifier deux mouvements de la volonté qui s’opposent si fréquemment l’un à l’autre, d’un côté la nature déchue, qui cherche son propre avantage, de l’autre la grâce, qui cherche à faire la sainte volonté de Dieu ? Pourquoi essayer d’établir que l’amour avec lequel Dieu a créé l’homme et « qui, en premier lieu, se manifeste avant tout comme eros entre l’homme et la femme, doit se transformer intérieurement ensuite en agapè, en don de soi à l’autre pour répondre précisément à la nature authentique de l’eros », comme tel était le but de l’encyclique, selon ce que Benoît XVI lui-même aurait déclaré le 2 février ? Pourquoi aller jusqu’à identifier l’amour de la Bonté infinie, diffuseur de lui-même par pure générosité envers les créatures, sans aucune possibilité d’avantage pour soi, à l’amour égoïste ou eros ? C’est pourtant là, très exactement, ce que fait Benoît XVI : « Il aime, et son amour peut être qualifié sans aucun doute comme eros, qui toutefois est en même temps et totalement agapè » (§9). Pourquoi essayer de fusionner ces deux formes d’amour entièrement différentes l’une de l’autre ?

            Il ne peut y avoir qu’une explication à cet effort : la volonté d’obscurcir radicalement la distinction entre l’ordre naturel (amour humain) et l’ordre surnaturel (charité infuse). Tel est le but réel de cette encyclique, telle est la manière dont elle sert à gommer la distinction entre l’Église catholique et toute autre religion, ainsi qu’à promouvoir un humanitarisme plus élevé, et non pas simplement « une sorte d’activité d’assistance sociale » (§25) comme celle à laquelle se livrent les organisations pratiquant une aide purement séculière.

            Un déni pratique du péché originel accompagne nécessairement ce refus de distinguer entre l’amour de soi et l’amour chrétien qui se sacrifie, lequel a été consommé sur la Croix. L’encyclique ne se contente pas de taire entièrement le péché originel, en particulier la faiblesse, la concupiscence, l’ignorance et la malice, toutes ces blessures qui dressent sans cesse des obstacles sur notre route et rendent si difficile la pratique de la charité vraie et surnaturelle. Elle pousse l’effronterie jusqu’à comparer tout le récit de la Création fait par la Genèse à un mythe grec, avec cette distinction, toutefois, que « dans le récit biblique, on ne parle pas de punition » (§11). Qu’en est-il, alors, de l’expulsion du paradis terrestre et de la perte des dons préternaturels d’immortalité et d’intégrité ? N’étaient-ce pas là des punitions de Dieu ? Voici, très exactement, ce que Benoît XVI avait à dire sur la création d’Ève à partir d’une côte d’Adam :

« À l’arrière-plan de ce récit, on peut voir des conceptions qui, par exemple, apparaissent aussi dans le mythe évoqué par Platon, selon lequel, à l’origine, l’homme était sphérique, parce que complet en lui-même et autosuffisant. Mais, pour le punir de son orgueil, Zeus le coupe en deux, de sorte que sa moitié est désormais toujours à la recherche de son autre moitié et en marche vers elle, afin de retrouver son intégrité. Dans le récit biblique, on ne parle pas de punition ; pourtant, l’idée que l’homme serait en quelque sorte incomplet de par sa constitution, à la recherche, dans l’autre, de la partie qui manque à son intégrité, à savoir l’idée que c’est seulement dans la communion avec l’autre sexe qu’il peut devenir "complet", est sans aucune doute présente. » (§11)

UN NOUVEL HUMANISME

            Comment ne pas percevoir dans une telle explication de l’amour conjugal un refus de l’inspiration divine de l’Écriture sainte ?  Selon cette encyclique, l’amour conjugal catholique n’est plus l’amour sacré, surnaturel, la participation au mystère de la Croix que décrit saint Paul dans sa lettre aux Éphésiens (5:22-27 & 32), c’est-à-dire la grâce sacramentelle communiquée par l’un des sept sacrements. Cela devient un phénomène entièrement naturel, commun à toute l’humanité. C’est le développement de l’amour de soi, qui permet de découvrir son humanité :

« Deux aspects sont ici importants : l’eros est comme enraciné dans la nature même de l’homme ; Adam est en recherche et il "quitte son père et sa mère" pour trouver sa femme ; c’est seulement ensemble qu’ils représentent la totalité de l’humanité, qu’ils deviennent "une seule chair". Le deuxième aspect n’est pas moins important : selon une orientation qui a son origine dans la création, l’eros renvoie l’homme au mariage, à un lien caractérisé par l’unicité et le définitif ; ainsi, et seulement ainsi, se réalise sa destinée profonde. À l’image du Dieu du monothéisme, correspond le mariage monogamique. Le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement » (§11).

            Vu sous cet angle, le mariage est un engagement personnel dicté par l’impulsion naturelle de rechercher son propre bien, ce qui est toutefois entendu comme n’étant possible que si ledit engagement est exclusif et indissoluble, c’est-à-dire fondé sur une relation monogame appelée à durer toute la vie. Bien que cette vision des choses soit juste dans l’ordre naturel, elle manque de la profondeur, du sacrifice de soi, de l’authentique charité de la Croix qui caractérisent tout mariage vraiment catholique. Selon une telle philosophie, quelqu’un qui nie l’inclination naturelle au mariage afin d’aimer d’une manière purement surnaturelle peut-il être considéré comme complet ? Une conception aussi naturaliste de l’amour ne peut que détruire le grand signe de sainteté de l’Église qu’est le vœu de chasteté perpétuelle prononcé par tout prêtre et religieux en accomplissement des paroles de Notre-Seigneur : « … il y en a [des eunnuques] qui se sont rendus tels eux-mêmes, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne » (Mt 19:12).

            Cette encyclique fait la promotion d’un nouvel humanisme en essayant de fusionner l’amour de soi et l’amour divin, la nature et la grâce, la Création et la Révélation, et le pape Benoît XVI n’y va pas par quatre chemins. Ainsi prétend-il que la Loi ancienne indiquait à l’homme « la route du véritable humanisme » (§9) ; il développe ce thème de la manière la plus explicite dans la seconde partie de l’encyclique, qui n’est séparée en aucune façon de la première et où il décrit « les activités ecclésiales au service de l’homme » (§30). Là, il déclare en substance que l’Église doit toujours être prête à coopérer avec des institutions caritatives non catholiques, « puisque nous sommes tous animés de la même motivation fondamentale et que nous avons devant les yeux le même but : un véritable humanisme, qui reconnaît dans l’homme l’image de Dieu et qui veut l’aider à mener une vie conforme à cette dignité » (ib.).

On notera ici l’absence de l’ordre surnaturel, donc le défaut de toute caractéristique vraiment catholique dans l’activité caritative. Cela signifie que la « charité » de l’Église ne peut consister qu’à aider les gens à être des personnes meilleures, ainsi qu’à manifester leur dignité par leur liberté d’expression comme par la jouissance du confort et des aises de la vie terrestre. Il ne peut être tenu aucun compte du salut éternel, et cela ne saurait être le but de l’activité en question. Et la conséquence en est radicale : qu’on le croie ou non, il est immoral d’accomplir des actes de charité dans le but d’encourager quelqu’un à se convertir à la Foi catholique, ainsi que les missionnaires l’ont toujours fait dans l’histoire de l’Église ! Le pape précise du reste : « De plus, la charité ne doit pas être un moyen au service de ce qu’on appelle aujourd’hui le prosélytisme. L’amour est gratuit. Il n’est pas utilisé pour parvenir à d’autres fins » (§31).

Cet humanisme a pour autre conséquence qu’il serait immoral d’accomplir des actes de charité assurant la promotion des principes catholiques dans l’ordre civil ou maintenant véritablement l’unité de l’Église et de l’État que les papes n’ont cessé de préconiser jusqu’à Vatican II. Au contraire, le paragraphe 28 signale que l’Église doit accepter « l’autonomie des réalités terrestres » (= pur laïcisme) et que « l’État […] doit en garantir la liberté [de la religion], ainsi que la paix entre les fidèles des différentes religions » se bornant à reconnaître dans l’Église une communauté de foi (= liberté religieuse), et en aucun cas la seule véritable Église, créée par le Christ Lui-même (= libéralisme).

            On voit mal comment ces théories de l’amour pourraient ne pas conduire à une forme de l’« immanence vitale » condamnée par saint Pie X sous le nom de modernisme :

« Certes, il ne s'agit plus de la vieille erreur qui dotait la nature humaine d'une espèce de droit à l'ordre surnaturel. Que cela est dépassé ! En l'homme qui est Jésus-Christ, aussi bien qu'en nous, notre sainte religion n'est autre chose qu'un fruit simple et spontané de la nature. Y a-t-il rien, en vérité, qui détruise plus radicalement l'ordre surnaturel ? » (Pascendi, §11).  

Le pape Pie XII a exprimé la même préoccupation dans son encyclique Humani Generis de 1950 sur « quelques opinions fausses qui menacent de ruiner les fondements de la doctrine catholique » :

« D'autres corrompent la véritable gratuité de l'ordre surnaturel, puisqu'ils tiennent que Dieu ne peut pas créer des êtres doués d'intelligence sans les ordonner et les appeler à la vision béatifique. Ce n'est pas assez ! Au mépris de toutes définitions du Concile de Trente, on a perverti la notion du péché originel, et du même coup, la notion du péché en général, dans le sens même où il est une offense à Dieu […] Quelques-uns réduisent à une formule vaine la nécessité d'appartenir à la véritable Eglise pour obtenir le salut éternel » (§26 et 27).

            Tirons bien plutôt nos leçons de charité de la magnifique encyclique que le pape Pie XI, « poussé par la charité du Christ » (Caritate Christi compulsi), a publiée en 1932, pendant la grande Dépression. Déplorant l’injustice de l’époque, il en désigne immédiatement la cause, à savoir le sordide égoïsme, l’amour désordonné de soi, dont l’amour de l’argent, racine de tous les maux (I Tim. 6:10), offre aujourd’hui encore un exemple particulièrement frappant. La réaction surnaturelle, les actes de charité d’une créature qui comprend son absolue dépendance, ce sont la prière et la pénitence. La prière avant tout, car elle aplanit les obstacles à la pratique de la charité que sont l’égocentrisme, l’indépendance et le désir des biens et des succès de ce monde, conduisant seule ainsi à la paix, fruit de la charité ; mais aussi – l’accompagnant – la pénitence, comme notre Divin Sauveur l’a prêché dès le début : « C’est aussi l’enseignement de toute la Tradition chrétienne, de l’histoire entière de l’Église ».

            Pie XI insiste longuement sur le fait que la charité exige de nous la pénitence et l’expiation de nos péchés, et il nous incite à renouveler l’acte de réparation aimante du péché, comme le demande le Sacré-Cœur. Déplorant que dès cette époque, le désir de faire réparation pour le péché n’inspirât pas autant d’efforts de générosité qu’auparavant, à cause de l’orgueilleuse indépendance de l’homme moderne, il poursuit : « La défense de Dieu et de la religion, pour laquelle nous combattons, en fait un devoir. La pénitence, en effet, est de par sa nature même une reconnaissance et une restauration de l’ordre moral dans le monde, de cet ordre moral qui est fondé sur la loi éternelle, c’est-à-dire sur le Dieu vivant ».

            Faisons de cela le pivot de notre véritable charité surnaturelle pendant ce Carême, d’abord en pratiquant la prière personnelle, en récitant le Rosaire et en faisant des sacrifices pour mortifier notre amour de soi, mais aussi en les offrant, de même que notre temps, nos biens, notre argent, nos possessions et nos aumônes pour le bien des autres âmes, des membres actuels ou potentiels du Corps Mystique du Christ. Ainsi nos efforts nous élèveront-ils jusqu’à la générosité divinement sublime de la Croix, en nous rappelant que seul l’amour d’un Dieu souffrant a sauvé le monde et que c’est en cette charité que nous avons cru (I jn 4:16).

            Bien à vous dans le Cœur Sacré et Aimant de notre Seigneur crucifié

            Abbé Peter R. Scott

 

____________

Pour vous abonner ou vous désabonner de la lettre d’information Virgo-Maria, veuillez remplir le formulaire disponible sur notre site http://www.virgo-maria.org/




[1] http://www.holycrossseminary.com/2006_March.htm