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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

mercredi 22 mars 2006

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Des loges maçonniques dans les abbayes – Exemples historiques selon des sources maçonniques

Le document suivant est paru dans La Chaîne d'Union du 6 mars 1939, écrit par M. Fernand Orelli. Nous diffusons ce texte qui établit des faits historiques, car il vient illustrer un pan de l’histoire de l’Eglise que les clercs s’ingénient en général à occulter : il s’agit de la pénétration maçonnique dans les institutions de l’Eglise.

En observant la progression en France depuis des années – et en tout cas singulièrement depuis la disparition de Mgr Lefebvre - d’un certain entrisme dans les milieux de la Tradition des thèmes maçonniques voire occultistes et des personnes qui les promeuvent, force est de constater que cette pénétration s’est réalisée grâce à la complicité – passive pour la plupart - de clercs de la tradition totalement ignorants de ces réalités, quand elle n’a pas requis la complicité active d’une poignée d’infiltrés parmi les clercs de la tradition.

Le lancement de la campagne de manipulation anti-Jean Vaquié par l’abbé Celier (alias Paul Sernine) en 2003, a suscité une réaction qui a fait prendre conscience de la subversion opérée dans le combat de la Tradition depuis la mort de Mgr Lefebvre. Les tentatives incessantes de « discussion » entre Mgr Fellay et son entourage rallieur, illustre le poids des actions occultes au sein de la FSSPX, et aussi autour d’elle.

De plus la mise à jour de l’affaire de la liquidation du rite sacramentel valide des consécrations épiscopales et de son remplacement depuis la CA Pontificalis Romani du 18 juin 1968 de Montini alias PaulVI par un rite sacramentellement invalide, de surcroît hérétique onctioniste (cf. http://www.rore-sanctifica.org), a révélé la portée, la ruse infernale et la létalité des attaques d’origine illuministe Rose+Croix depuis plus d’un siècle contre la Sainte Eglise.

Cet attentat mortel contre les Saints-Ordres et donc contre la Succession Apostolique a été rendu possible par la pénétration des influences gnostiques, et des personnes qui s’y sont vouées, dans les abbayes, tout spécialement dans celles qui dépendent de l’Ordre de Saint Benoît et de ses succursales régulières. La connexion Anglicane, avec les abbayes bénédictines britanniques anglicanes et les loges illuministes R+C organiquement liées à la High Church Anglicane ne sont jamais très loin.

Le texte que nous faisons connaître aujourd’hui n’a rien de suranné ou d’obsolète, il lève le voile sur un phénomène qui demeure très contemporain.

Abbé Michel Marchiset

http://jeanlouis1.blog4ever.com/blog/lirarticle-759-22664.html

Une Loge dans une Abbaye

Cette abbaye était celle de Clairvaux, de stricte observance cistercienne et la loge qui y gîtait se nommait La Vertu.

On le sait, nombreux furent les religieux et moines qui appartinrent à la F:. M:. avant la Révolution.

On en trouvera un témoignage dans la liste des personnages illustres, publiée par A. Groussier, ayant figuré sur les contrôles du Grand Orient de France.

Mais il est moins connu qu'il y eut aussi des loges effectivement organisées dans des couvents, des abbayes, telle que la loge La Vertu, à l'Orient de l'abbaye de Clairvaux, dont nous allons retracer l'existence au moyen de documents authentiques.

Clairvaux est une ancienne abbaye de l'ordre monastique célèbre de Cîteaux.

L'abbaye de Cîteaux fut fondée en 1098 sous la Règle de saint Benoît, mais afin de se distinguer des bénédictins qui portaient la robe noire, les cisterciens eurent la robe brune. Sous le gouvernement de l'abbaye par saint Albéric, une modification importante fut par lui apportée au costume des moines. La Sainte Vierge lui étant apparue, dit la légende, elle remit à l'abbé un habit blanc qui depuis fut celui adopté définitivement par l'ordre.

Le successeur d'Albéric, saint Étienne, se signala par la rigueur et l'austérité de ses règlements. Il dota son ordre de la règle définitive connue sous le nom de "Charte de Charité". Mais, par la sévérité de sa nouvelle organisation, l'abbaye, si florissante à l'origine, effrayait les prosélytes et décroissait rapidement. Lorsqu'un jour, saint Bernard vint à frapper à la porte du couvent de Cîteaux, suivi de trente gentilshommes que sa parole ardente avait convertis à prendre l'habit blanc.

Dès ce jour, et malgré la rigidité de l'ordre, Cîteaux fut le rendez-vous des mondains désireux de finir leurs jours dans la retraite, si bien que l'abbaye de Cîteaux étant devenue trop étroite pour la foule sans cesse croissante des moines qui se pressaient dans son enceinte, l'abbé Étienne envoya, en 1114 ou 1115, le moine Bernard et douze autres religieux pour fonder une colonie dans le diocèse de Langres.

Les quatre premières abbayes qui naquirent ainsi sont connues dans l'histoire ecclésiastique sous le nom des "quatre filles de Cîteaux", et telle fut la prospérité de l'ordre, qu'une pièce authentique des archives départementales de l'Aube porte que mille huit cents monastères religieux et mille quatre cents monastères de femmes en dépendaient.

Clairvaux (Clara Vallis) devint la plus célèbre de toutes.

Bernard n'avait que vingt-cinq ans lorsqu'il fut chargé de conduire ses compagnons à travers des forêts sauvages et des landes incultes. Ils s'arrêtèrent à deux lieues de la ville de Bar, dans une vallée encaissée, humide, marécageuse, couverte de bois épais qui interceptaient les rayons du soleil. Cette gorge était un repaire de voleurs; on l'appelait la vallée d'Absinthe, soit que l'herbe de ce nom fût la seule production du lieu, soit, dit l'abbé Fleury, à cause de l'amertume que ressentaient ceux qui étaient dévalisés et maltraités par les voleurs.

Hugues, huitième comte de Champagne, abandonna en toute propriété cette vallée à Bernard. Désormais, ce ne fut plus la vallée d'Absinthe, mais la vallée de Lumière, la Claire Vallée, Clairvaux.

Aucun obstacle, aucune privation ne rebuta les fondateurs de Clairvaux. dans les premiers temps de leur installation, la détresse et la misère furent épouvantables; ils furent réduits à se nourrir de feuilles de hêtre cuites dans l'eau salée. Ces moines n'étaient point des serfs des campagnes habitués aux privations. On comptait parmi eux des princes, des nobles, des évêques, des archevêques, qui avaient tout abandonné pour vivre en un esprit de mortification. La plupart avaient vécu dans les honneurs, dans les plaisirs et dans l'opulence.

On sait quel rôle l'abbé Bernard, saint Bernard, joua dans l'histoire de son temps. Tour à tour arbitre des rois, conseil des papes, défenseur de l'orthodoxie, il remplit le monde entier de l'éclat de ses talents et de ses vertus. Lorsqu'il mourut à Clairvaux, en 1153, il laissait sept cents religieux dans l'abbaye qu'il avait fondée et qu'il dut reconstruire à l'entrée de la vallée, plus vaste que la primitive.

La règle de Clairvaux était des plus sévères. La loi du silence était sévèrement prescrite; les cérémonies avaient un caractère d'austère simplicité, les ornements de soie étaient interdits et, dans les plus grandes cérémonies, saint Bernard ne portait qu'une chasuble de coton. Les religieux devaient trouver dans l'abbaye tout ce dont ils avaient besoin.

Il y avait parmi eux des ouvriers improvisés de tous les corps d'état. Ils entretenaient eux-mêmes leurs vêtements, faisaient le service de la cuisine et assuraient tous les travaux des champs. Pendant longtemps, le pain de la communauté fut un grossier mélange de millet, d'orge et de vesce.

Le voeu de chasteté était si rigoureusement observé dans cette abbaye que les reines de France n'y étaient même pas admises pour assister aux offices.

Les premiers cisterciens considéraient les soins de propreté comme incompatibles avec la perfection monacale.

On cite à ce sujet l'anecdote suivante: un chevalier de nom connu entre dans l'ordre de Cîteaux. Il avait eu un ami également habile dans le métier des armes qu'il exhorta un jour à se faire moine. Celui-ci lui répondit qu'il entrerait bien dans l'ordre s'il ne craignait la vermine des vêtements car, dit-il, "vos étoffes de laine nourrissent beaucoup de vermine". Le chevalier entra néanmoins dans l'ordre et son ancien ami, le rencontrant après sa Profession, lui demanda: "Eh bien, mon frère, craignez-vous encore la vermine?"

Le nouveau moine, se rappelant à quoi cette question faisait allusion, répondit par une parole mémorable: "Croyez-moi, mon frère, et tenez ceci pour certain: quand la vermine de tous les moines se réunirait sur mon corps, elle ne pourrait par ses morsures me faire sortir de l'ordre."

C'était pousser loin le renoncement aux vanités du monde.

Quoi qu'il en soit, Clairvaux acquit au XIIIe siècle un développement immense, des établissements industriels et agricoles de toute espèce étaient réunis sur ses domaines. Les produits de ses ateliers s'écoulaient dans les foires de Champagne. De bonne heure, les vignes appartenant à l'abbaye de Clairvaux furent renommées; des celliers immenses recevaient les produits de ses vignobles.

Clairvaux possédait une tonne fameuse qui mérite de rivaliser avec le tonneau d'Heidelberg. Cette tonne avait la forme d'un tonneau ordinaire; elle était composée de grosses pièces de bois parfaitement liées ensemble et supportées par deux poutres énormes qui lui servaient de chantier; une porte y avait été pratiquée pour y entrer et la nettoyer quand cela devenait nécessaire. Elle était ouverte par le haut et disposée de façon à pouvoir recevoir facilement quatre grands pressoirs voisins. La tonne, ou le foudre, de Clairvaux contenait environ huit cents tonneaux de vin, soit près de deux mille quatre cents hectolitres que l'on y conservait quelquefois plus de dix ans. Cette tonne n'était pas la seule de grandes dimensions qui existât dans l'abbaye; il en était d'autres qui pouvaient contenir cent quarante à quatre cents tonneaux.

Le développement de ces richesses devait être fatal à l'abbaye dont les commencements avaient été si pauvres et si pieux.

Les moines, amollis par le bien-être, devinrent durs pour les paysans dont ils avaient d'abord été les bienfaiteurs; des désordres de toute espèce s'ensuivirent.

Dans son poème du Lutrin, Boileau a malicieusement placé à Cîteaux le séjour de la mollesse. Cette critique reflétait l'opinion courante sur toutes les grosses abbayes de l'ordre.

Voici les vers du satirique:

Les plaisirs nonchalants folâtrent alentours.

C'est là qu'en un dortoir elle faisait son séjour;

L'un pétrit dans un coin l'embonpoint des chanoines,

L'autre broie en riant le vermillon des moines.

La volupté la sert avec des yeux dévots,

Et toujours le sommeil lui verse le pavot.

En sa qualité d'historiographe du roi, Boileau fut forcé à quelque temps de là d'accompagner Louis XIV à Strasbourg. Passant par Cîteaux, il s'y arrêta et visita l'abbaye, conduit par un moine. Quand il eut fini son inspection, le moine lui demanda, un peu railleur, de vouloir bien à son tour lui montrer le séjour de la mollesse.

"Ma foi, mon père, dit Boileau en riant, je vous ferai la même demande: montrez-la- moi vous-même, car elle est si bien cachée que je ne la vois point."

La décadence ne pouvait que découler d'un pareil état de choses. L'abbaye de Clairvaux était bien déchue de sa grandeur et de son influence, lorsqu'en 1789, elle fut supprimée en même temps que toutes les communautés religieuses.

Convient-il de supposer qu'en raison des licences de toute sorte que nous avons rapportées d'après les auteurs les plus divers, car de nombreux chroniqueurs et historiens ont décrit l'existence des abbayes dépendant de l'ordre des Cisterciens; oui, convient-il d'admettre que quelques-uns de ces moines ont éprouvé le besoin de vivre d'une manière plus conforme à leurs voeux et, pour y parvenir, de créer une loge maçonnique au coeur de leur couvent?

Ont-ils pensé par ce moyen revenir à la saine morale, reconquérir la sagesse et mieux pratiquer la vertu? On le croirait à les voir prendre ce titre: La Vertu, comme nom patronymique de leur loge.

Leur demande de régularisation au Grand Orient de France est ainsi formulée:

"À l'Orient de Clairvaux, lieu très fort et très éclairé où règnent l'Égalité, la Paix, l'Union, le Silence et l'Amitié, le quatrième jour du second mois, l'an de la Vraie Lumière 5785.

"Au très Respectable, très Sage, très Éclairé, seul légitime Grand Orient de France.

"Nous étions dans les ténèbres de l'irrégularité; pour en sortir nous nous sommes adressés à la R:. L:. L'Union de la Sincérité à l'Orient de Troyes afin qu'elle nous prouve par ses rayons lumineux les moyens de parvenir au sentier qui conduit à la voie du tribunal, auguste centre des vrais Maçons. En conséquence, le cinquième jour d'avril de l'année de la Vraie Lumière 5785, nous avons tracé une Planche que nous avons adressée à cette V:. L:. pour engager les FF:. qui la composent à visiter nos travaux et nous indiquer la qualité des matériaux nécessaires à employer pour fonder le Temple que nous désirons élever. Les RR:. FF:. nous ayant fait cette faveur et frappés de l'éclat de ce premier rayon de Vraie Lumière, ils nous ont inspiré encore davantage le désir de nous soumettre aux Lois et Règlements de votre illustre aréopage. Déjà soumis de coeur et d'affection aux lois de Sagesse et de Vertu, nous aspirons au bonheur de nous y engager par un serment irrévocable. Puissiez-vous, TT:. RR:. FF:. nous trouver dignes de cette faveur, puissiez-vous pardonner l'irrégularité de nos premiers travaux, puissiez-vous en comblant nos voeux mettre le comble à notre félicité.

"Daignez, nous vous en supplions, exaucer ces Voeux Saints; daignez agréer l'hommage de notre soumission à vos décrets respectables et par des Constitutions émanées de votre auguste tribunal, daignez nous agréger au nombre des vrais Maçons.

"Nous vous prions de nous confirmer le titre de La Vertu. Ce n'est pas un titre dépourvu de réalité, nous l'avons puisé dans nos coeurs et nos travaux en sont un sûr garant. Nous osons espérer que, favorables à nos désirs, vous voudrez bien agréer pour notre Député auprès de votre tribunal le T:. C:. F:. Jean Eustache Peuvret, huissier au Parlement, quai d'Orléans.

"Persuadés que nous aurons en lui un appui solide; s'il plaît aussi à votre sagesse d'examiner nos voeux, permettez aussi que nous vous demandions pour vos députés à notre installation les TT:. CC:. FF:. de la loge de L'Union de la Sincérité à l'Orient de Troyes dont nous connaissons le zèle et les lumières. Étant à notre proximité, ils pourront plus facilement se transporter chez nous. Déjà l'espoir le plus flatteur nous anime; daigne le Grand Architecte de l'Univers le consommer par vos mains, une faveur aussi signalée ne s'effacera jamais de notre souvenir, il sera pour nous le motif d'une gratitude éternelle.

"TT:. CC:. FF:., vos très humbles et très affectionnés FF:. Jannest, M:., Gallien, V:., FF:. Braillon, Baucelin, Maréchal, Or:., Jarry, Dreux, Legay, Sec:., Dufour, Inf:., Ribelot P:. S:.

Tableau des membres fondateurs:

"Gallien Louis, religieux bernardin, V:., membre agrégé le 12 mars 1784, né à Tournant le 10 juin 1760; Ribelot Antoine, R.B., 1er Surv:., membre agrégé le 13 mars 1784, né à Is-sur-Tille, le 8 avril 1760; Baucelin Frédéric, R.B., 2e Surv:., membre agrégé le 14 mars 1784, né à Sainte-Ménéhould, le 20 décembre 1759; Maréchal Jean Baptiste, R.B., Orat:., membre agrégé le 11 mars 1784, né à Molin le 16 juin 1753; Legay Joseph Gérard, R.B., Sec:., membre agrégé le 18 mai 1761, né à Semery le 3 juin 1760 (ndr ?); Dufour Jean, R.B., Inf:., membre agrégé le 30 janvier 5785, né à Lenti le 22 août 1735; Braillon Jean François, R.B., Trés:., membre agrégé le 31 janvier 1785, né à Saint-Hilaire-de-Milly le 14 juillet 1759; Jannest Stanislas, R.B., Démonstrateur, membre agrégé le 2 février 1785, né à la Fère-en-Tardenois, le 7 mai 1762; Jarry Nicolas, R.B., Terrible, membre agrégé le 29 mars 1785, né à Salins le 1er juin 1759; Dreux Jean André, R.B., Décorateur, agrégé à Colmar le 14 avril 1785.

"Adresse directe à: M. Gallien, religieux bernardin à Clairvaux."

Le Grand Orient accorde alors les Constitutions le 9 février 1786, et l'installation officielle de la loge a lieu le 21 mai 1786.

Le tableau dressé le vingt-quatrième jour du dixième mois de 5787 nous indique que le nombre des membres de la loge était passé de dix à dix-neuf.

On y remarque deux laïcs: le frère Alexis du Boutet, marquis chevalier, seigneur de Marouville, capitaine à la suite de cavalerie, qui est Parfait Initié, et le frère Mouchotte François, charron, apprenti et servant de la loge.

Le tableau comprend également deux Rose-Croix dont les noms n'offrent pas d'intérêt particulier.

Mais une loge dans une abbaye doit apparaître comme une anomalie, comme un fait nettement répréhensible, et nous savons qu'on ne la supportera pas longtemps. Aussi sommes-nous peu étonnés que le dix-neuvième jour du premier mois de l'an de la V:. L:. 5788, la loge demande l'autorisation de se mettre dans l'"oubli" en ces termes:

"À l'O:. de Clairvaux, Lieu très fort et très éclairé où règnent l'Égalité, la Paix, l'Union, le Silence et l'Amitié, le 19e jour du 1er mois de la V:. L:. 5788.

"À la G:. D:. G:. A:. D:. L'U:. et S:. L:. A:. D:. S:. G:. M:.

"Au très Respectable, très Sage et très Éclairé, seul légitime G:. O:. de France; TT:. VV:. et TT:. CC:. FF:.

"Nous étions dans les ténèbres de l'irrégularité; pour en sortir, nous nous sommes adressés à la R:. L:. de L'Union de la Sincérité à l'O:. de Troyes pour qu'elle nous procure par ses Rayons lumineux les moyens de parvenir au sentier qui conduit à la voie du tribunal auguste, centre des vrais Maçons. En conséquence, nous avons tracé une Pl:. que nous avons adressée à cette R:. L:. pour engager les FF:. qui la composent à visiter nos travaux et nous indiquer la qualité des matériaux nécessaires à employer pour fonder le Temple de La Vertu. Ces RR:. FF:. nous ayant fait cette faveur et frappés de l'éclat de ce premier rayon de lumière, il nous ont inspiré encore davantage le désir de nous soumettre aux Lois et Règlements de votre illustre aréopage. Déjà soumis de coeur et d'affection à ces lois de Sagesse et de Vertu, nous aspirions au bonheur de nous y engager par un serment irrévocable.

"Il plut donc à votre Sagesse d'examiner nos voeux le 21e jour du 3e mois de l'an de la V:. L:. 5786. À peine jouissions-nous de cette insigne faveur qui mettait le comble à notre félicité que des profanes jaloux des lieux qui faisaient notre bonheur et notre tranquillité commençaient à nous couvrir d'opprobre à laquelle nous les aurions livrés par une conduite opposée à celle qu'ils nous supposaient. Vous devez bien penser, TT:. CC:. FF:., que des ennemis de cette trempe n'étaient point faits pour abattre les colonnes qui sont l'appui de La Vertu si un supérieur éclairé, juste, bienveillant et digne de notre respect et de nos coeurs modérés, plus par sa douceur que par son autorité, ne nous eût fait apercevoir que le Corps civil et respectable auquel nous sommes liés par État exige des ménagements à l'égard d'un public ignorant.

"En conséquence, imbus et pénétrés des premiers devoirs que l'Art Royal prescrit à tous les Maçons, qui sont de remplir les obligations de son état, et connaissant que l'obéissance était un des premiers que nous avons à remplir, la L:. a été convoquée pour vous instruire de ses dernières intentions et vous prier de vouloir bien lui indiquer l'O:. où elle pourrait bien déposer ses archives, comme il est dit dans la délibération ci-jointe. Nous vous supplions d'exaucer nos voeux le plus tôt possible par une planche et de daigner agréer l'hommage de notre soumission à vos secrets respectables.

"Nous avons la faveur d'être par les N:. C:. S:. V:. M:. et A:. T:. L:. H:. Q:. V:. S:. D:.

"TT:. RR:. FF:., vos très humbles et très affectionnés FF:. J.-B. Gaston Colas; Jarry V:.; Jannest O:., Sautel, aumônier."

Cette planche est accompagnée du procès-verbal de la tenue ainsi conçu:

"Extrait du Livre d'Architecture de la R:. L:. de Saint-Jean régulièrement constituée à l'O:. de Clairvaux, sous le titre distinctif de La Vertu.

"Au Grand Orient de France:

"Le dix-neuvième jour du premier mois de l'année de la Vraie Lumière 5788, la L:. régulièrement convoquée et fraternellement assemblée sous le point géométrique connu des seuls vrais FF:., en un lieu très éclairé où règnent l'Union, l'Équité, la Paix, l'Égalité, le Silence et la Charité.

"Les travaux ont été ouverts par le V:. F:. Jarry, éclairant l'O:., et les TT:. RR:. FF:. Sautel et Colas éclairant l'Occ:., en présence des autres FF:. qui ont signé.

"Les travaux ouverts, le F:. O:., après avoir fait la lecture de la délibération en date du 6e jour du 2e mois de l'an dernier contenant les plaintes portées par le supérieur de cette maison sur le bruit que faisait notre At:. dans les villes voisines et du désir qu'il aurait de voir notre L:. dans l'oubli, a témoigné qu'il ne suffirait pas de mettre l'interruption à nos travaux pour la satisfaction de notre supérieur, qu'il était nécessaire de prier le Grand Orient de France de vouloir bien indiquer l'O:. où nous puissions déposer nos papiers et archives.

"L'avis des FF:. requis sur cet article est "oui". Après les conclusions du F:. O:., il a été décidé d'une voix unanime que l'on ferait part au G:. O:. de France de nos intentions de le prier de vouloir bien, aussitôt cette Pl:. reçue, s'en occuper et nous faire savoir à quel O:. il désire que nous renvoyions nos papiers et archives pour qu'ils ne tombent point dans les mains des profanes.

"Les FF:. n'ayant rien à proposer, on a procédé à la quête obligatoire qui a été mise entre les mains du F:. Tr:. pour être employée à des oeuvres pieuses. Ensuite les travaux ont été comme à l'ordinaire fermés dans le sein de la Paix, les jours, mois et au susd:. Jarry, V:.; Gaston Colas; Jannest O:.; Sautel; aumônier.

"Par mandement de la R:. L:., Jarry.

"Scellé et timbré par nous, garde des sceaux et Arch:."

Le G:. O:. de France, le 3 avril 1788, arrête "qu'il sera écrit à cette L:. pour l'inviter à renvoyer ses archives au G:. O:.", ce qui est fait le 21 avril 1788.

Enfin, le cinquième mois de l'an de la V:. L:. 5788, la circulaire semestrielle du G:. O:. publie la décision suivante:

"La L:. de La Vertu, à l'O:. de l'abbaye de Clairvaux, nous a présenté, TT:. CC:. FF:., que pour des considérations d'état de situation de son Orient, elle désirerait n'être plus comprise dans le tableau général des LL:. de notre Correspondance sans cesser cependant d'être unie au Centre de la Maçonnerie et de fraterniser avec les LL:. régulières au nombre desquelles elle demande d'être toujours conservée.

"C'est sans doute lorsque nos FF:. donnent l'exemple de l'exactitude à remplir les devoirs de leur état civil que nous devons nous empresser de les seconder pour les ménagements qu'ils sont obligés de garder. Le zèle pour l'Art R:., la conduite sage et prudente des FF:. de la L:. de La Vertu leur ont mérité que notre Chambre des Provinces, dans son Assemblée du 19e jour du mois dernier (19 juin 1788), ait arrêté que, quoique cette L:. ne se trouve plus portée sur le tableau général, néanmoins le G:. O:. continuera de correspondre avec elle et que les autres LL:. seront invitées à la regarder toujours comme régulière, ainsi que de faire accueil à ceux de ses membres qui pourront visiter leurs travaux."

Telle est la courte histoire de cette loge.

D'autres recherches pour retrouver les loges religieuses seraient évidemment extrêmement intéressantes, car cette loge de La Vertu de l'abbaye de Clairvaux n'est peut-être pas un cas unique.

Fernand Orelli

La Chaîne d'Union du 6 mars 1939.

Commentaires des Éditions du Prieuré et de la rédaction.

Il aura fallu quelque cinquante ans pour que les voeux de Fernand Orelli soient comblés par ce numéro spécial du Jardin des Dragons. En effet, nous savons maintenant que cette expérience ne fut pas unique et que d'autres loges furent fondées au sein même des monastères, comme à Fécamp ou au Bec-Hellouin ou encore à l'abbaye de Melk en Autriche, sans oublier les adhésions massives des moines bénédictins de la congrégation de Saint-Maur dans l'ensemble des loges du territoire de France, d'Angleterre, d'Allemagne, des Pays-Bas, d'Autriche, etc.

Nous aimerions cependant revenir sur quelques points qui nous semblent bon d'extraire de cet article de La Chaîne d'Union.

En tout premier lieu, et comme premier point, nous émettrions des réserves quant à la dissolution de cette loge, La Vertu à l'Orient de Clairvaux, en 1788.

En effet, non seulement elle semble avoir été constituée avant sa demande d'adhésion au sein des loges du Grand Orient de France, mais elle semble ensuite avoir continué ses travaux en tant que loge souveraine.

Dans la demande d'adhésion, il est dit: "Nous étions dans les ténèbres de l'irrégularité..." Cela laisse supposer assez clairement que la loge était déjà constituée, vraisemblablement depuis peu de temps (1784).

Dans la demande de radiation du tableau des Loges de ladite obédience et dans la réponse que celle-ci fit parvenir, il est aussi mis en évidence que seule son appartenance au Grand Orient est remise en question et que l'atelier en tant qu'entité autonome, lui, continuera ses travaux.

"[...] sans cesser cependant d'être unie au Centre de la Maçonnerie et de fraterniser avec les LL:. régulières au nombre desquelles elle demande d'être toujours conservée."

"[...] néanmoins le Grand Orient de France continuera de correspondre avec elle, et que les autres LL:. seront invitées à la regarder toujours comme régulière, ainsi que de faire accueil à ceux de ses membres qui pourront visiter leurs travaux."

La vie de la loge La Vertu à l'Orient de Clairvaux n'est donc pas aussi courte que ne semble le penser Fernand Orelli dont les recherches restent à saluer.

Ensuite, il est bon de souligner le fait que cette loge travailla selon le Rite Français Traditionnel (le Régulateur du Maçon) et ce, dès le début, en 1785. Les postes décrits dans le tableau de loge de départ ne laissent aucun doute sur ce sujet, ainsi que la présence de Rose-Croix en son sein..

Or ce rite, qui deviendra celui du Grand Orient de France de l'époque, ne sera définitivement codifié qu'en 1786. Nos moines cisterciens de Clairvaux semblent avoir été au courant des dernières nouveautés maçonniques en préparation, ce qui n'est pas sans nous étonner. Auraient-ils mis la main à la pâte?

En troisième point, nous aimerions tenter de mieux définir les motivations maçonniques de ces jeunes moines de l'abbaye de Clairvaux. Le fait d'avoir fondé un atelier, apparemment, ne leur suffit pas. Il tiennent aussi à cristalliser des relations avec le monde du siècle. Les échanges fructueux qui semblent avoir eu lieu entre La Vertu et L'Union de la Sincérité de la ville de Troyes sont un bon révélateur de cet état d'esprit. Il apparaît alors normal qu'une fusion dans une obédience maçonnique nationale les ait comblés de joie en leur apportant des flux d'informations sur les métamorphoses de leur temps.

Dans une lecture en filigrane, un quatrième point apparaît et qui précise la cause de la demande de radiation du tableau des loges du Grand Orient de France. Nous devinons en effet l'incontournable pression que le père abbé de la communauté de Clairvaux fit sur la loge pour qu'elle cesse d'être impliquée dans le monde profane. Il n'intervient par contre qu'à la suite de plaintes venant de l'extérieur de la communauté. Apparemment non impliqué dans cette loge, il la tolère dans sa naissance, peut-être même a-t-il sympathisé avec l'idéal humaniste de ce type d'activité. Mais quand l'abbaye est globalement mise en cause par le monde profane qui ne comprend pas - et pour cause - qu'un moine catholique puisse être franc-maçon, il intervient comme chef de groupe et développe des pressions qui mettent en évidence la subordination évidente qui existe entre le bien collectif et les intérêts particuliers d'une minorité. Les moines francs-maçons sont avant toute chose des moines qui ont prêté les voeux de chasteté, de pauvreté, mais aussi d'obéissance. Les membres de La Vertu plient, mais marchandent. Ils acceptent de sortir du circuit profane de l'obédience mais entendent continuer leurs travaux plus discrètement. Ce modus vivendi gagne l'adhésion des deux parties en présence.

Le cinquième point à souligner serait la vivacité de cette loge monastique quant aux adhérents qui s'y présentent. En 1785, dix frères moines la composent; en 1787, ils comptent dix-neuf frères dans la loge, dont deux laïcs, ce qui est peu. L'idéal maçonnique gagnait donc les consciences de ces moines avec une force de persuasion que l'on ne saurait qualifier de médiocre.

Enfin le dernier point qui nous semble important est l'âge de ces moines. Ils sont tous extrêmement jeunes, à une exception près - le frère Joseph Legay qui fut initié maçon en 1761. Ce fait nous porterait à croire qu'ils étaient une "aile marchante", une faction progressiste au sein de cette abbaye, et peut-être aussi au sein des autres qui étaient dans le même cas.

Ceci est la reproduction d'un article qui parut dans La Chaîne d'Union du 6 mars 1939 et qui fut écrit par M. Fernand Orelli.

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