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Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

mercredi 3 janvier 2007

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Un exemple de subversion cléricale : l’abbé Portal

De la rue du Cherche-Midi à la rue de Grenelle

Nous avons déjà évoqué la figure importante de l’abbé Portal qui joua un rôle clé en 1895 et 1896 afin de tenter de faire accepter les ordinations anglicanes comme douteuses (et non certainement invalides) par le Pape Léon XIII, à l’époque où le Cardinal Rampolla, membre de la secte luciférienne de l’O.T.O., était secrétaire d’Etat.

Providentiellement cette manœuvre échoua. Le biographe de l’abbé Portal, Régis Ladous, la désigne sous le nom de « provocation ». Sous le Pape Saint Pie X, le Cardinal Merry del Val s’en souviendra. Il entreprendra, au terme d’une patiente attente, à trouver l’occasion d’écarter l’abbé Portal de la formation de séminaristes, qui avait lieu à la rue du Cherche-Midi. La cause de cette mise à l’écart sera la publication de la vie de l’abbé Morel par l’abbé Portal. Nous avons porté à la connaissance des lecteurs cet épisode dans un précédent message[1] du 23 octobre 2006.

Feignant dans un premier temps de se faire oublier et de soumettre, l’abbé Portal va rebondir et tirer parti de cette nouvelle liberté afin de continuer à développer son réseau et disséminer ses projets. Nous citons cet extrait de sa biographie par Régis Ladous, où les méthodes de l’abbé Portal apparaissent en pleine lumière.

« Portal aurait pu se retrouver confiné à la maison mère du 95, rue de Sèvres, comme Monsieur Pouget, avec des horaires stricts et l'impossibilité de faire venir la foule hétérogène de ses amis ou d'entreprendre des activités suspectes. Au lieu de cela il s'installe dans une maison d'études dont il est le supérieur, il est chez lui, il fait ce qu'il veut, il reçoit qui il veut quand il veut, et il s'installe avec le triple accord de l'archevêque de Paris, du recteur de l'Institut catholique et de Monsieur Fiat qui se contente, pour tout contrôle, de rares et brefs rapports d'activité » R.Ladous

Portal avait préparé sa sortie avant sa chute :

« Il se désigna lui-même un surveillant, un membre du conseil de la Congrégation de la Mission qu'il tiendrait au courant des activités de la rue de Grenelle ; et ce grand inquisiteur n'était autre que Monsieur Méout, le bon Monsieur Méout, l'ancien supérieur de Cahors, qui était du complot. » R.Ladous

Et ce que Régis Ladoux appelle la « persécution » et qui n’est autre que la reprise en main effectuée par Saint Pie X fournit à l’abbé Portal l’opportunité de nouvelles actions subversives :

« comme Portal était bien incapable de se complaire dans les lamentations et le désœuvrement, la chasse aux sorciers ne fut pour lui qu'une occasion de découvrir de nouveaux terrains d'action ou des méthodes nouvelles pour atteindre les objectifs anciens. » R.Ladous

Malheureusement l’action pertinace d’un abbé Portal, poursuivie par la suite par un Dom Beauduin, un Dom Botte, un Père Lécuyer, pour les plus connus, va aboutir en 1968, dans l’éradication du rite latin de consécration épiscopale et sa substitution par un rite invalide[2] (Pontificalis Romani, 1968). Cette action va interrompre la succession apostolique. Mgr Lefebvre va réagir en perpétuant le Sacerdoce sacramentellement valide en 1988. En 2006, les projets de l’abbé Portal connaissent un regain d’actualité, car les temps de l’ « Union des Eglises » rêvée par l’abbé Portal, sont sur le point de trouver leur accomplissement avec l’abbé Ratzinger qui négocie l’intégration du TAC (Traditional Anglican Communion) de « Mgr » Hepworth dans l’Eglise conciliaire et qui a fait de l’union des schismatiques « orthodoxes » à la Rome moderniste, la priorité de son mandat. Parallèlement, l’abbé Ratzinger tente de réitérer au sein de l’Eglise conciliaire le mouvement d’Oxford de la High Church du XIX° siècle, en lançant une réforme Anglo-Tridentine (nommée « réforme de la réforme » par ses promoteurs tels l’abbé Barthe).

Le comble est que, par un piège habile, Ratzinger ait réussi à souffler, par son entourage, à Mgr Fellay, successeur de Mgr Lefebvre, l’idée de demander lui-même comme « préalable » à un ralliement de la FSSPX, la première étape du projet jusque là discret, voire secret, de réforme Anglo-Tridentine.

Si bien que guidé par des zélateurs actifs du ralliement (abbés Schmidberger, Sélégny, Wuilloud, Lorans, de La Rocque, Celier,etc), Mgr Fellay s’est trouvé amené à proposer la prière d’un « bouquet » spirituel au Chapitre général de juillet 2006.

Puissent ces quelques lignes sur les agissements de l’abbé Portal éclairer les fidèles et les clercs sur les véritables méthodes et les enjeux d’une subversion cléricale qui ruine l’Eglise catholique et l’a réduit sur terre à une éclipse, à un petit troupeau.

Continuons le bon combat

Abbé Michel Marchiset

Monsieur Portal et les siens par Régis Ladous, Editions du Cerf, 1985

Préface d’Emile Poulat

Troisième partie

I

Rue de Grennelle

CHAPITRE PREMIER  (p 285 – p 288)

14, RUE DE GRENELLE

Du Cherche-Midi à la rue de Grenelle

Au moment de sa destitution, en juin 1908, Portal reprocha à Monsieur Fiat sa timidité et son empressement à prévenir les souhaits du cardinal Merry del Val. Il est difficile d'apprécier la marge de manœuvre dont disposait le supérieur de la Congrégation de la Mission, mais son comportement put être présenté par la suite comme une opération de sauvetage, une manœuvre pour épargner à son subordonné des coups plus rudes et lui conserver une position indépendante. Portal aurait pu se retrouver confiné à la maison mère du 95, rue de Sèvres, comme Monsieur Pouget, avec des horaires stricts et l'impossibilité de faire venir la foule hétérogène de ses amis ou d'entreprendre des activités suspectes. Au lieu de cela il s'installe dans une maison d'études dont il est le supérieur, il est chez lui, il fait ce qu'il veut, il reçoit qui il veut quand il veut, et il s'installe avec le triple accord de l'archevêque de Paris, du recteur de l'Institut catholique et de Monsieur Fiat qui se contente, pour tout contrôle, de rares et brefs rapports d'activité[3].

Il est vrai qu'il avait préparé cette heureuse issue de longue main ; c'est en 1906 qu'il avait fondé, de sa propre initiative et par ses propres moyens, une sorte de séminaire des Hautes Études, sis au 14 de la rue de Grenelle. A ses supérieurs qui s'enquéraient, il pouvait présenter deux excellentes raisons : le Cherche-Midi débordait et le gouvernement menaçait de reprendre la maison mère des lazaristes, dont le séminaire Saint-Vincent-de-Paul était une dépendance. Pas question, évidemment, d'expliquer qu'il s'agissait de «fonder une sorte de séminaire de l'union des Églises»[4]. Une dame âgée, bienfaitrice de la Congrégation de la Mission, et que Portal confessait «depuis six ou sept ans», Mme Lefort, mit à sa disposition le deuxième et le troisième étages de son hôtel, de quoi aménager quinze chambres, une cuisine et un réfectoire. Pas de loyer à payer. Calvet, à son retour de Toulouse, prit la tête de rétablissement et servit de prête-nom pour les actes officiels.

Le «convict» de la rue de Grenelle, comme l'appelèrent les portaliens, commença à fonctionner à la rentrée de 1906, mais Portal ne pendit la crémaillère que le 2 janvier 1907, en compagnie de Gratieux, Chevalier, Pierre-Maurice Masson, Jacques Zeiller, Paul Olivier-Lacroye, Calvet et les pensionnaires, une dizaine de prêtres parmi lesquels l'abbé Tisserant, le futur doyen du Sacré Collège. Comme tous ces prêtres étaient déjà licenciés et préparaient des diplômes ou des thèses, il apparut dès le début que Portal ne voulut pas faire du 14, rue de Grenelle une simple annexe du Cherche-Midi, mais une maison d'études échappant complètement aux règles et contraintes des séminaires. Ce côté universitaire s'accentua quand, à partir de 1908, Portal accueillit plusieurs professeurs de l'Institut catholique, comme Messieurs Mangenot, Labauche, Villien, Gaudefroy, anciens hôtes du Cherche-Midi ou ancien thésards de la rue de Grenelle qui avaient fait leur chemin.

En juin 1908, quand il fut certain de perdre le séminaire Saint-Vincent-de-Paul, Portal prit les devants en s'engageant à ne recevoir dans sa maison d'études aucun étudiant de l'Institut catholique mais seulement des prêtres qui doivent séjourner à Paris quelque temps pour des travaux intellectuels, thèses, etc., ou même quelques laïques[5].

Il se désigna lui-même un surveillant, un membre du conseil de la Congrégation de la Mission qu'il tiendrait au courant des activités de la rue de Grenelle ; et ce grand inquisiteur n'était autre que Monsieur Méout, le bon Monsieur Méout, l'ancien supérieur de Cahors, qui était du complot. Monsieur Fiat entra en plein dans cette opération de sauvetage (tenait-il vraiment à voir ce très remuant s'installer à la maison mère ?). Il lui demanda simplement d'obtenir l'accord de Mgr Baudrillart et celui du nouvel archevêque de Paris, Mgr Amette. Il l'informa également qu'il conservait l'ensemble de ses responsabilités ordinaires au sein de la Congrégation. Baudrillart et Amette acceptèrent tout. Plus tard, Portal donna une interprétation lapidaire de cette issue favorable : «Heureusement que je suis un monsieur très compromis et pas facile à caser»[6].

Le décor médiocre d'un appartement bourgeois

Portal resta jusqu'à la fin de sa vie au 14 de la rue de Grenelle, où Jean Guitton vit «le décor médiocre, inexistant, d'un appartement bourgeois occupé par quelques prêtres, sans la beauté des murs blanchis à la chaux par l'indigence»[7]. Rien de sépulcral dans ces deux étages qui, à l'exception des antichambres obscures formées par les pièces du milieu, étaient plus lumineux que les locaux du Cherche-Midi. Portal occupait deux pièces au second ; son bureau donnait sur la rue, bien entendu, la rue qui était sa clôture, son cloître.

A gauche en entrant se trouvait la bibliothèque, composée surtout d'ouvrages sur l'Angleterre ; à droite était la cheminée surmontée d'une grande glace qui illuminait la pièce ; entre la fenêtre et la cheminée une modeste table s'appuyait au mur ; c'était, avec quelques chaises, tout le mobilier. Au-dessus de la table était accroché un crucifix, entre deux icônes russes, souvenirs de Morel, dont le portrait, au grand front pensif, faisait, avec deux ou trois images, tout l'ornement de la cheminée. A gauche, après la bibliothèque, une porte donnait accès à la chambre à coucher, plus simple et plus monacale encore[8].

Les visiteurs qui se présentaient étaient accueillie par un chat (on ne sait combien se succédèrent dans cette office) et par Mlle Cécile, une cahorsine qui fit pendant vingt ans fonction de cuisinière et d'intendante. Introduits dans le bureau, ils y étaient reçus comme chez un fellow d'Oxford : Portal les abreuvait d'un thé renommé de la rue d'Assas au quai Conti, qu'il faisait venir directement de Chine (réseau lazariste) et préparait lui-même. Et c'était là, autour des tasses fumantes, qu'il exerçait son ministère d'accueil. Comme au Cherche-Midi, le va-et-vient était ininterrompu. Rarement une visite s'achevait sans qu'une autre s'annonçât. Et quand Portal voulait s'entretenir tranquillement, il lui fallait toujours emmener son interlocuteur sur les boulevards dont il aimait le bruit et le mouvement. Aux femmes et aux hommes de toute condition qui venaient chercher un secours matériel ou une direction spirituelle, se mêlaient les amis et les compagnons de ce réseau universitaire et libéral dont nous avons parlé, et dont la fidélité ne se démentit pas. En ce domaine, la continuité l'emporta sur la rupture, si ce n'est que l'ampleur de la répression intégriste rapprocha Portal des intransigeants de mouvement, des catholiques sociaux, des sillonnistes. Si les idées diffèrent, le péril commun crée des liens, une solidarité, des sentiments de sympathie qui amenèrent plus tard l'historiographie catholique à confondre les libéraux et les léoniens, tous ceux qui refusaient l'état de siège et tombaient pour cela sous les coups des chasseurs de têtes. Dans les années 1909-1914, cela faisait du monde, si bien que Portal - qui déplora aussi bien les tribulations de Duchesne que celles de Lemire - n'eut pas le sentiment de vivre en marge d'une Église bloquée ou d'appartenir à un parti en déroute.

Pour le moment nous nous replions sur nous-mêmes [écrit-il à Lord Halifax au printemps de 1909]. On sent partout un poids d'oppression qui empêche tout mouvement.

Mais comme Portal était bien incapable de se complaire dans les lamentations et le désœuvrement, la chasse aux sorciers ne fut pour lui qu'une occasion de découvrir de nouveaux terrains d'action ou des méthodes nouvelles pour atteindre les objectifs anciens.

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[1] http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-23-D-00-La_destitution_de_l_abbe_Portal_2.pdf

[2] Lire la démonstration disponible par les études de http://www.rore-sanctifica.org

[3] Portal à l'archevêque de Paris, 11 juin 1908

[4] Portal à Mme Gallice, 8 août 1908.

[5] Portal â l'archevêque de Paris, 11 juin 1908.

[6] Portal a Lord Halifax, 14 juin 1912.

[7] J. GUITTON, Écrire comme on se souvient, Paris, 1974, p.

[8] A. Gratieux, Trois serviteurs de l'unité chrétienne, p. 21.