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CAPITAL : Lettre ouverte solennelle des fidèles aux quatre évêques de la FSSPX

http://www.virgo-maria.org/articles/2006/VM-2006-10-10-A-00-Appel_aux_quatre_eveques_de_la_FSSPX.pdf


Qui et Pourquoi, depuis la mort de Mgr Lefebvre en 1991, a détourné la finalité surnaturelle de l’OPERATION-SURVIE des sacres de 1988, pour assigner à la FSSPX ce FAUX objectif prioritaire de la «ré-conciliation» avec la Rome conciliaire
(en fait la «ré-conciliarisation» de la FSSPX) ?

Qui a, depuis 2000, PROMU, et Pourquoi, le FAUX préalable de l’autorisation de la messe de Saint Pie V ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question du rétablissement du VRAI Sacerdoce de VRAIS prêtres, ordonnés par des Evêques VALIDEMENT sacrés selon le rite VALIDE des Saints Ordres ?

Qui a INVENTE, et POURQUOI, le faux préalable de la levée des «excommunications» ?

Pourquoi n’a-t-on pas posé la VRAIE question de l’abrogation de Pontificalis Romani INVALIDE de 1968 et du rétablissement du vrai rite de la consécration épiscopale VALIDE d’avant 1968?

A quoi servirait-il, en effet, de faire dire le VRAI rite de la messe par de FAUX prêtres ?

Serait-ce donc qu’après avoir obligé de VRAIS prêtres à dire une FAUSSE messe, l’on veuille désormais faire dire la messe du
VRAI rite par de FAUX prêtres ?

Serait-ce que l’on veuille «concilier» les VRAIS prêtres qui disent encore la VRAIE messe avec un clergé aussi INVALIDE que le
FAUX CLERGE ANGLICAN ?


Gaude, Maria Virgo, cunctas hæreses sola interemisti.

(Tractus Missæ Salve Sancta Parens)

lundi 16 juin 2008

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Réfutation des 40 propositions hérétiques de Rosmini

 

A.Michel, théologien du DTC, réfute les 40 propositions de Rosmini condamnées par Léon XIII en 1887

L’abbé apostat Benoît XVI-Ratzinger a « béatifié » cet hérétique en novembre 2007.

Benoît XVI-Ratzinger s’oppose donc directement au Pape Léon XIII.

Béatifié par Benoît XVI-Ratzinger le 18 novembre 2007, et en cours de canonisation pour les années prochaines, Rosmini apparaît comme un initié précurseur de Vatican II, dont nous avons livré l’interprétation de son livre à clé (« Les 5 plaies de l’Eglise »). Nous renvoyons à notre important dossier VM[1] du 16 avril 2008.

Le DTC (Dictionnaire de Théologie Catholique) présente Rosmini comme « Lamennais italien, imbu de jansénisme et de panthéisme ». A.Michel, l’un des théologiens les plus talentueux de l’équipe du DTC, et aussi l’un des plus anti-libéraux, s’est livré à une réfutation très poussée des 40 propositions de Rosmini condamnées par le Pape Léon XIII le 14 décembre 1887, par le décret Post Obitum : « Les quarante propositions sont proscrites, condamnées et réprouvées dans le sens de l'auteur, c'est-à-dire dans le sens de son système, de sa doctrine, en un mot, dans leur sens objectif, sans qu'il y ait lieu ni utilité de se préoccuper du sens subjectif et des intentions de Rosmini. Dans cette condamnation, le Saint-Office a agi comme inquisition universelle et son décret s'adresse à l'Église entière. Enfin, par une clause remarquable et très défavorable à la réputation des autres ouvrages de Rosmini, le décret du Saint-Office défend absolument de conclure, du silence qu'il garde au sujet des autres doctrines rosminiennes, à une approbation tacite ou implicite qui leur en reviendrait » écrit le DTC.

Or, l’abbé TAM[2] rapporte la note signée de Ratzinger et de Bertone, de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Card. Ratzinger, O.R. 1.7.2001 :

«…on peut considérer comme dépassées les préoccupations de prudence et les difficultés doctrinales qui ont déterminé la promulgation du Décret Post obitum de condamnation des “Quarante Propositions” extraites de l’oeuvre d’Antonio Rosmini… La Lettre Encyclique de Jean-Paul II Fides et ratio… introduit Rosmini parmi les penseurs les plus récents, dans lesquels se réalise une rencontre féconde entre le savoir philosophique et la parole de Dieu… Il faut encore affirmer que l’entreprise spéculative intellectuelle d’Antonio Rosmini, caractérisée par beaucoup d’audace et de courage… s’est déroulée dans un esprit ascétique et spirituel.» Ratzinger

[C’est une thèse de la pseudo-restauration du Card. Ratzinger : la Révolution dans l’Église est mieux faite si elle est faite à genoux… et si possible en latin ! De même qu’au XVIIème siècle la Révolution mondiale eut besoin d’enraciner son libéralisme dans la philosophie subjectiviste de Descartes, de même pour la Révolution dans l’Église, l’heure a sonné d’y introduire la même philosophie moderne et d’y assoir ainsi la liberté religieuse, la collégialité et l’oecuménisme. Ce sont les trois bombes à retardement introduites par Vatican II dans l’Église, et dénoncée, avec autorité, par S. E. Mgr Marcel Lefebvre]. Abbé Tam

Ratzinger s’oppose donc directement au Pape Léon XIII.

C’est donc cet hérétique Benoît XVI-Ratzinger que l’abbé de Cacqueray(-Celier ?)[3] prétendrait convertir par les « discussions » doctrinales ? Prend-t-il les fidèles et les clercs pour des esprits crédules qui n’ont pas compris le double jeu occulte de Mgr Fellay ? Cette prétention affichée par l’abbé de Cacqueray est proprement grotesque.

Notre publication de la réfutation des quarante propositions de Rosmini est unique dans la Tradition catholique. Cette réfutation a été gardée cachée par la FSSPX qui s’est bien gardée d’en révéler l’existence auprès des fidèles et des clercs.

Nous soulignons également que le niveau théologique dont fait preuve A.Michel dans son travail de réfutation est bien supérieur à ce que les « théologiens » d’Ecône ou d’Avrillé sont capables de produire. La révolution de Vatican II a provoqué un effondrement de la formation théologique et la FSSPX, très rapidement infiltrée et qui, du fait de ces infiltrations, a expulsé ses meilleurs éléments, n’a pas produit de théologiens dignes de ce nom.

Il reste donc à reformer une jeunesse cléricale compétente, exigeante, respectueuse de la vérité et qui n’instrumentalise pas la théologie pour des finalités politiciennes (fausse doctrine faillibilité de  l’Eglise, fausse ecclésiologie, fausse théologie du « sacerdoce probable », pape Libère, etc), afin que puisse renaître une élite de théologiens catholiques qui fait aujourd’hui défaut.

Et pour cela, il faudra commencer par écarter les « théologiens » hygiénistes IUT Bac+2 qui encombrent et paralysent les supérieurs de la FSSPX. Tant qu’elle restera sous l’emprise potache d’un « Gricha limited », il va sans dire que la FSSPX sera incapable de la moindre prétention à cette excellence théologique qui fut la l’ornement de l’Eglise au XIX° siécle. Quand donc la volonté de l’excellence et le goût de la vérité, l’esprit de Foi s’imposeront-ils ? Quand donc le crédit cédera-t-il la place au Credo ? Il faudra pour cela écarter des postes de direction les « chanoines » de la Tradition qui se sont installé dans le confort illusoire et mortel du compromis avec le monde et avec l’église concilaire et sa « nouvelle religion ». « Chanoine » de la Tradition d’autant plus prétentieux qu’ils sont ignorants, qu’ils ne lisent pas, qu’ils ne travaillent pas.

Rappelons également que le prétendu « abbé » Belwood (son ordination est invalide[4]) s’est associé à cette apostasie de Ratzinger en assistant à la cérémonie de « béatification » de cet hérétique, et en en faisant l’éloge et la propagande auprès des élèves de terminale de Kernabat à son retour en France.

Que fait cet « abbé » Belwood dans une école dépendant d’une communauté amie de la FSSPX ? Quand se lèvera-t-il une voix pour le dénoncer ?

Encore une anomalie révélatrice de cette médiocrité cléricale et du manque de sérieux de l’actuelle Tradition catholique.

Continuons le bon combat

La Rédaction de Virgo-Maria

© 2008 virgo-maria.org

Dictionnaire de thÉologie catholique,

1937, tome 13, colonnes 2917- 2952

col. 2917

ROSMINI-SERBATI Antonio, prêtre et philosophe italien, né le 25 mars 1797, mort le 30 juin 1855.

Rosmini est l'un des représentants les plus marquants de la philosophie italienne au xixe siècle ; mais, comme sa philosophie touche en plus d'un point à l'interprétation du dogme catholique et dans un sens qui valut à quarante propositions la réprobation du Saint-Office, une étude sur ses idées et sur les propositions

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condamnées a sa place ici. D'autre part, le rôle de Rosmini dans les tentatives d'instauration d'un nouvel ordre politique en Italie ne peut être complètement passé sous silence. Nous exposerons donc successivement :

I. Vie, rôle politique, écrits de Rosmini.

II. Principes de sa philosophie (col. 2921).

III. Propositions rosminiennes condamnées par le Saint-Office (col. 2926).

IV. Conclusion. Influence.

I. VIE, RÔLE POLITIQUE, ÉCRITS.

1° Vie. Né à Ravereto, Rosmini appartenait à une famille noble et riche. L'étude fut la passion de sa jeunesse. Les littératures classiques ont largement contribué à rendre son style, même dans les questions les plus abstruses, pur, clair, élégant et naturel. La théologie l'attirait : il l'étudia dans saint Thomas d'Aquin, mais aussi, de façon plus personnelle, en s'inspirant directement de la Bible et en approfondissant l'histoire des systèmes. Ses études terminées à l'université de Padoue, où il se lia d'amitié avec Nicolo Tommaseo, il fut reçu docteur en 1821. Sous-diacre en 1822, il accompagna à Rome le patriarche de Venise, Ladislas Pyrcher, et se fit remarquer par Mauro Capellari, le futur Grégoire XVI, qui lui garda toujours estime et amitié. Devenu curé de Rovereto même, il fut ensuite nommé chanoine de Milan, puis doyen de l'église du Mont-Calvaire à Domo d'Ossola, au pied du Mont-Rose. C'est là qu'il fonda, en 1828, deux congrégations, l'une d'hommes, l'Istituto della carità, l'autre de femmes, les Sorori della providenza, destinées aux mis­sions intérieures et plus connues sous le nom de rosminiens, rosminiennes. Ces congrégations ont été approuvées par le Saint-Siège dix ans plus tard, et purent essaimer rapidement en Angleterre.

Sans négliger ses devoirs de pasteur et de fondateur, Rosmini, protégé par Pie VIII, Grégoire XVI et Pie IX, entreprit dès lors une longue suite d'ouvrages, principalement philosophiques, dont le premier et le plus important fut publié à Rome, en 1830, sous le titre : Nuovo saggio suit' origine delle idee. C'était, d'ailleurs, une mise au point des Opusculi filoso fici parus à Milan dix ans auparavant. Ces publications et les idées professées par Rosmini en matière de politique intérieure italienne lui valurent la protection de Gio­berti, qui l'avait cependant vivement attaqué au point de vue philosophique. Voir GIOBERTI, t. VI, col. 1374. Celui-ci, qui faisait partie du ministère sarde, recom­manda Rosmini au roi Charles-Albert. Sur les instances du ministre, Rosmini se chargea de la mission d'amener la cour pontificale à un concordat qui donnerait une solution à la question de l'unité italienne. Ces tractations n'aboutirent pas. L'amitié de Pie IX fit accepter à Rosmini les fonctions de conseiller du Saint-Office pour l'Instruction publique et, quand Rossi, à la tête de l'administration des États de l'Église, fit son essai de demi-sécularisation des ministères, il pria Rosmini d'accepter les fonctions de ministre de l'Instruction publique. Rosmini refusa, ne voulant pas collaborer avec les «ultras». Pie IX aurait même voulu nommer Rosmini cardinal inspecteur. Mais cette nomination annoncée ne se produisit jamais.

Entre temps, en effet, Rosmini avait attaqué assez violemment, dans son traité De la conscience morale, le probabilisme des jésuites et notamment quelques opinions du P. Segneri. L'opposition des jésuites ne fut pas vraisemblablement sans quelque effet sur la réticence du pape. Mais, dès le début de 1848, Rosmini avait publié ses fameux opuscules Constitution selon la justice sociale et Les cinq plaies de l'Église, dans lesquels il dénonçait les points où il croyait une réforme nécessaire. Or, depuis 1813, soit dans les journaux ultramontains, soit dans des libelles anonymes, il avait été attaqué et représenté comme un Lamennais italien, imbu de jansénisme et de panthéisme. La publi-

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cation de la Condamnation et des Cinq plaies provoqua une condamnation de l'Index (6 juin 1849). Rosmini n'eut connaissance de cette condamnation que le 16 août suivant et se soumit aussitôt et très humblement.

Mais déjà, depuis le 19 juin, il avait quitté Gaète où il avait accompagné le pape en exil, laissant à Pie IX, avant de partir, un mémoire justificatif dans lequel il dénonçait les intrigues, à son endroit, du cardinal Antonelli. Rosmini se retira à Naples où il publia ses Operette spirituale. Fatigué par la police des Bourbons, attristé par les attaques incessantes dont il était l'objet sur le terrain doctrinal, il se retira à Stresa, où il acheva sa vie dans l'accomplissement silencieux de ses fonctions sacerdotales et dans la méditation, soutenu par l'amitié de Manzoni qui l'assista à ses derniers moments (1855).

Profondément pieux, d'une nature noble et géné­reuse, Rosmini avait eu, avant de mourir, la satisfaction d'apprendre que ses œuvres, dénoncées dans leur ensemble à l'Index, avaient été renvoyées sans encourir de censures. Le dimittantur de la Sacrée Congrégation est du 3 juillet 1854. Voir le texte dans Notice biographique d'Antoine Rosmini, La Rochelle, 1926, p. 65. Si les idées de Rosmini furent discutables, sa personne et sa vie privée sont dignes de tous éloges.

2° PÔle politique. Nous avons vu que Rosmini avait été chargé par le gouvernement sarde, en 1848, d'une mission politique près de Pie IX. Le Piémont, qui avait précédemment fait avorter les projets de ligne italienne présentés par le Saint-Siège, venait à résipiscence après le désastre de Custozza. Il s'agissait de négocier la création, entre les États de l'Église, la Toscane et le Piémont, d'une confédération dont le pape aurait, à perpétuité, la présidence. Le pouvoir central serait confié à une diète permanente, composée de trois représentants de chacun des contractants et siégeant à Rome. La diète seule serait qualifiée pour déclarer la guerre, conclure la paix, fixer les contingents de troupes nécessaires à la défense nationale et au maintien de l'ordre intérieur, édicter un règlement douanier, entretenir la concorde entre les confédérés et imposer sa médiation en cas de controverses, uniformiser les systèmes de monnaies, poids et mesures, ainsi que la législation politique, civile et pénale, et la procédure. Voir le texte du projet dans Farini, Lo Stato romano, t. ii, Florence, 1850, p. 336-338 ; cf. G. Mollat, La question romaine, Paris, 1932, p. 236. Mais Charles-Albert aurait voulu d'abord amener Pie IX à participer à la guerre contre l'Autriche, soit avec ses propres soldats, soit avec des volontaires recrutés avec son agrément. De toute évidence, Rome ne pouvait envisager d'abord que le projet de confédération. Cf. Italo Raulich, Storia del risorgimento politico d'Italia, t. iv, Bologne, 1925, p. 303 sq. Rossi rejeta d'ailleurs ce projet de ligue offensive et défensive, périlleuse pour la papauté, et lui opposa un projet de ligue politique de princes constitutionnels, indépendants les uns des autres, qui discuteraient à Rome, sous la présidence du pape et par l'intermédiaire de mandataires, leurs intérêts réciproques. Cf. Farini, op. cit., p. 342-343 ; G. Mollat, op. cit., p. 237. De guerre il n'était pas question, Rossi considérant le Piémont comme incapable de vaincre l'Autriche.

La mission politique de Rosmini fut ainsi brusquement terminée. Le ministère Pinelli, succédant à Casati-Gioberti, cessa d'ailleurs de parler de concordat ou de confédération et il substitua à Rosmini, démissionnaire, le conseiller De Ferrari. Sur tous ces détails, voir, de Rosmini lui-même, Commentario della miss ione a Roma di Antonio Rosmini-Serbati, t. i, p. 53-55 ; Farini, op. cit., p. 339-341 et, dans les Miscellanea publiés à Milan, 1897, Per Antonio Rosmini nel primo centenario della sua nascità, part. Ila, p. 213 sq.,

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l'étude de G. Grabinski, La missione de' Antonio Rosmini a Roma negli anni 1848 a 1849.

L'activité politique de Rosmini ne se manifesta plus qu'en deux autres circonstances. Ayant suivi Pie IX à Gaète, Rosmini insistait pour que le pape se retirât dans ses propres États, à Bénévent, où régnait la tranquillité. Prolonger le séjour à Gaète semblait à Rosmini une compromission avec un prince (le roi de Naples) qui avait partie liée avec l'Autriche et qui détestait les patriotes italiens. Mais, avant le départ pour Gaète, Rosmini avait appuyé la démarche du marquis de Pareto, demandant à Pie IX d'abroger tous les privilèges ecclésiastiques et toutes les cou­tumes contraires à la législation sarde, de 1848, consa­crant l'égalité de tous devant la loi. Cf. Mollat, op. cit., p. 283-284.

3° Écrits. L'œuvre de Rosmini est considérable. Un assez grand nombre d'ouvrages - auxquels appartiennent bon nombre des propositions condamnées en 1887 - ne furent publiés qu'après sa mort.

Voici la liste complète des ouvrages de Rosmini, par ordre chronologique, telle que l'a établie F. Palhoriès, La philosophie de Rosmini, Paris, 1908, p. 389-392 :

1. œuvres publiées du vivant de Rosmini. - Saggio sulla felicità, Rovereto, 1822, réuni plus tard aux Opusculi filoso fici, Milan,1927-1928 ; Nuovo saggiosull' origine delle idee, 4 vol., Rome, 1830 (c'est, on l'a dit, l'ouvrage important de Rosmini. Il est divisé en huit sections : principes à suivre en ces recherches ; difficultés qu'on éprouve à expliquer l'origine des idées ; théories fausses par défaut ; théories fausses par excès ; théories sur l'origine des idées ; des critères de la certitude ; des forces du raisonnement à priori ; sur la première division des sciences) ; Principii della scienza morale, Milan, 1831 ; Il rinnovamento della filoscfia in Italia, proposto dal conte Terenzio Mamiani ed esaminato da A. Rosmini-Serbati, Milan, 1836 (complément du Nuovo saggio ; Rosmini y traite encore de l'origine des idées et de la valeur de la connaissance ; travail de polémique contre l'ouvrage publié à Paris, 1830, par Mamiani, sous le titre : Rinnovamento della filoso fia antica in Italia) ; Storia comparativa e critica de' sistemi intorno al principio della morale, Milan, 1837 ; La sommaria ragione per la quale stanno o rovinano le umane società, Milan, 1837 ; Antropologia, in servigio della scienza morale, Milan, 1838 (étude de l'homme animal et raisonnable dans ses rapports avec la loi morale : définition de l'homme ; l'animalité, les facultés passives et actives ; la spiritualité de l'homme ; l'homme comme sujet moral ; la liberté, le mérite) ; La società ed il suo fine, Milan, 1839 ; Trattato della coscienza morale, Milan, 1839 (trois livres : I. I. De la moralité qui précède la conscience ; I. II. De la moralité qui suit la conscience ; I. III. Règles pour diriger la conscience) ; Filosofia del diritto, Milan, 1841-1845, deux volumes dont le premier est consacré au droit individuel et le second au droit social. Divers opuscules : Riposta al finto Eusebio cristiano, Milan, 1841 ; Le nozioni di peccato e di colpa illustrate, Milan, 1841, 1842 ; Il razionalismo che tenta insinuarsi nelle scuole teologiche, Prato, 1843 (la publication n'en fut faite qu'en 1882) ; Sistema filosofico, Montepulciano, 1846 ; Teodicea, Milan, 1845 (apologie de la conduite de la providence à l'égard des hommes, surtout par rapport à la question du mal. L'ensemble du plan divin nous échappe et le mal ne s'oppose pas à la sainteté de Dieu. Il vient de l'homme, et l'homme peut le faire servir à son bien. Enfin le mal est la conséquence de la loi de la moindre action, legge del minimo mezzo, qui manifeste la bonté de Dieu à l'égard de ses créatures) ; Vincenzo Gioberti ed il panteismo (douze leçons sur le panthéisme de Gioberti, les six dernières publiées en 1846, dans le Filo cattolico, Florence), Lucques, 1853 ;

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Compendio di Etica, publié sous un pseudonyme, à Turin, 1847, avec le titre : Elementa philosophiæ moralis, paru postérieurement à Rome, 1907, sous son véritable titre : Compendio di Etica e breve storia di essa con annotazioni di G. B. P. ; Psicologia, ouvrage en trois volumes, divisés en dix livres qui traitent de l'essence de l'âme humaine, de ses propriétés, de l'union de l'âme et du corps et de leur action réciproque, de la simplicité de l'âme, de son immortalité et de la mort de l'homme, des lois qui régissent l'activité de l'âme, des lois qui gouvernent l'animalité. Cet ouvrage contient une Préface générale aux œuvres métaphysiques et un Appendice de 150 pages sur les diverses opinions des philosophes touchant la nature de l'âme ; Del bene del matrimonio cristiano, Turin, 1847 ; Costituzione secondo la giustizia sociale, Milan, 1848 ; Delle cinque piaghe della santa Chiesa, Lugano, 1848 (ces deux opuscules mis à l'Index à leur parution) ; Sul communisme e sul socialismo, Naples, 1849 (inséré en 1858 dans le volume Filosofia della politica) ; Introduzione alla filosofia, Casale, 1850 (articles détachés) ; Logica, libri tre, Turin, 1854.

Enfin, tout un groupe d'études réunies sous le titre général Apologetica (édit. Batelli, t. viii) : Della speranza ; Saggio sopra alcuni errori di Ugo Foscolo ; Breve esposizione della filosofia di Melchiorre Gioia ; Esame delle opinioni di M. Gioia in favore della moda ; Saggio sulla dottrina religiosa di Romagnosi ; Frammenti di una storia dell' impieta.

2. Œuvres posthumes. - Aristotele esposto ed esaminato, Turin, 1857 ; La teosofia, 5 vol., Turin, 1859-1875. Cet ouvrage énorme se divise en trois parties : l'Ontologie (t. I-III), la Théodicée naturelle (t. iv), la Cosmologie (t. v), inachevée. (Commentario) della missione a Roma di A, Rosmini-Serbati negli anni 1848-1849, Turin, 1881 ; Introduzione del Vangelo secondo Giovanni, Turin, 1882 ; Saggio storico-critico sulle Categorie e la Dialettica, Turin, 1883 ; Le questioni della giornata..., Turin, 1897 (recueil d'articles séparés et publiés dans différents périodiques) ; Epistolario completo di A. Rosmini-Serbati, 13 vol., Turin, 1905 ; Compendio di Etica e breve storia di esse con annotazioni di G. R. P., Rome, 1907. Sur les éditions d'ensemble voir à la Bibliographie.

3. Traductions. - Le premier volume du Nuovo sag­gio a été traduit en français, Paris, 1814, par l'abbé André ; la Psicologia, traduite par E. Segond, 3 vol., Paris, 1888 (La psychologie de A. Rosmini). - En anglais, le Sistema filosofico, par Tommas Davidson, Londres, 1882 ; le Nuovo saggio, par les Pères de l'Institut de la charité, Londres, 1883-1884 ; Psycology, 3 vol., Londres, 1884-1888 ; Theodicy, Londres, 1884 ; les Cinque Piaghe, par H. P. Liddon, Londres, 1883. - En allemand : A. Rosmini-Serbati philosophisches System, Ratisbonne, 1879.

II. PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE ROSMINIENNE.

1° Courants gÉnÉraux de la philosophie italienne dans la premiÈre moitiÉ du XIXè siÈcle.

Pour bien comprendre la position de Rosmini, il faut le situer par rapport à ces courants philosophiques.

Pendant la première partie du XIXe siècle, la philosophie italienne se partage en trois courants, déterminés par trois régions géographiques. Dans l'Italie du Sud, avec Galuppi, dominent la tendance empirique et le souci des investigations inspirées par l'intérêt scientifique : Descartes, Locke, Reid et Kant sont les maîtres de Galuppi qui, en gros, cède à l'influence de Kant et fait figure, à Naples, d'un réformateur de la philosophie italienne. Au contraire, dans l'Italie du Nord dominent la tendance idéaliste et un effort pour concilier les dogmes de l'Église avec les exigences de la raison philosophique. C'est à cette école qu'il faut rattacher Rosmini et aussi, quelles que soient les divergences qui le

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séparent de Rosmini, Gioberti. Ce dernier esquisse, pour expliquer le problème de la connaissance, une solution qui est pur ontologisme : toute connaissance, en tant qu'elle connaît effectivement, n'est qu'une manifestation de Dieu, c'est-à-dire «de l'Être, dans lequel se trouve contenu l'archétype de toutes choses». Voir ici ONTOLOGISME, t. xi, col. 1039 sq. Dans l'Italie centrale, Mamiani tend à concilier l'idéalisme objectif de Rosmini et l'ontologisme de Gioberti avec la thèse platonicienne des idées.

Pour compléter ces indications trop sommaires, on consultera L. Ferri, Essai sur l'histoire de la philosophie italienne au XIXe siècle, t. i, Paris, 1869 : Gioja, Romagnosi, Gallupi, Rosmini, Gioberti. On en trouvera un bon résumé dans F. Palhoriès, Rosmini, Paris, 1908, Introduction.

2° Fondement gÉnÉral du systÈme de Rosmini : l'Être indÉterminÉ et les Êtres.

Rosmini s'inspire, assure-t-il, de Platon, de saint Augustin, de saint Thomas. Mais ces influences ne sont pas exclusives : Descartes, Schelling, Hegel ont fait sur lui une impression profonde. Rosmini veut tenir le milieu entre le point de vue idéaliste et le point de vue empirique. Son point de départ lui fut suggéré au cours de ses promenades solitaires dans le quartier de Terra à Rovereto : tous les objets qu'il rencontrait lui paraissaient n'être que des déterminations d'une réalité plus générale, à tous commune. Cf. F.-X. Krauss, Essays, t. iv, Antonio Rosmini, Berlin, 1896, p. 114. Cette réalité se traduit, dans notre esprit, par l'idée de l'être. Au fond de chacune de nos connaissances se retrouve cette forme commune : L'uomo non pué pensare a nulla senza l'ideo dell'essere universale. Nuovo saggio, t. ii, p. 16, a. 5. C'est donc une loi constitutive de notre entendement qu'il pense l'être indéterminé et universel et notre moi en prend connaissance par une perception immédiate, précédant tout jugement.

Quand on l'analyse, cette idée indéterminée et universelle se divise en une pluralité d'autres idées qui en sont les modifications. Toutefois, seules les notions pures, formes de la connaissance (substance, cause, nombre, vérité, nécessité) naissent de l'esprit, c'est-à-dire ont leur origine dans un développement interne, par voie de réflexion, de l'idée générale d'être.

Dès que l'on s'est assuré de l'objectivité de l'idée d'être, l'expérience, qui participe à l'être, est reconnue comme objective. Les objets de l'expérience sont les perceptions et les choses qui sont au fondement de celles-ci. L'intelligence, faisant l'application des idées pures aux données de l'expérience, produit les idées mixtes. Les premières idées mixtes qui s'établissent au moyen de l'expérience sensible universalisée par l'idée de l'être, sont celles d'esprit et de corps, d'espace et de temps, de mouvement. L'être en général et les existences particulières sont identiques sous l'aspect général et indéterminé d'être ; la différence existe uniquement dans les modes d'être. En bref, notre expérience sensible nous fournit l'élément matériel, l'idée innée de l'être fournit l'élément formel de toutes les idées que nous concevons après expérience des sens.

Mais, si cette idée générale de l'être n'est pas un produit de l'expérience sensible, elle s'impose au contraire du dedans de nous-mêmes, à l'occasion de toute connaissance sensible. Il est donc clair qu'elle préexiste à la sensation, qui, elle, nous vient du dehors, qu'elle est innée à notre intelligence, laquelle est douée, par Dieu lui-même, de l'intuition de l'idée d'être.

Or, cette idée d'être et ces idées d'existences particulières qui naissent en nous à l'occasion d'expériences sensibles sont les mêmes qui étaient originairement dans l'esprit de Dieu, «qui, en voyant de toute éternité la création tout entière, a vu jusqu'à la manière dont les forces de l'univers deviendraient les objets de

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nos perceptions et seraient classées par notre pensée sous les noms de choses, d'objets ou d'êtres. C'est pourquoi :

«L'idée de... l'être possible représente dans la pensée divine la même essence que dans la pensée humaine. L'homme doit, par conséquent, avoir reçu communication de quelque chose qui est divin en soi, puisque les idées en Dieu sont sa substance divine. En Dieu, elles sont Dieu. Mais, s'il en est ainsi, objectera-t-on, à supposer que l'homme est par nature en communication avec la substance divine, c'est tomber dans l'erreur des ontologistes, qui tend logiquement au panthéisme». Rosmini dit dans sa réponse à Gioberti : «L'esprit humain n'a que l'intuition d'une lumière qui vient de Dieu et qui, par conséquent, est quelque chose de Dieu». Or, tout ce qui appartient à Dieu est Dieu, si nous le considérons tel qu'il est en Dieu ; mais si nous le considérons détaché par l'abstraction de tout ce qui fait de la nature divine une réalité vivante, ce n'est plus quelque chose de Dieu, de même que la Bonté et la Sagesse divines sont des attributs de Dieu, mais ne sont pas Dieu lui-même, car Dieu n'est pas seulement Sagesse ou Bonté. Ainsi, quoiqu'il n'y ait en Dieu d'autres distinctions réelles que celles des trois personnes divines, on peut distinguer mentalement les idées de Dieu de sa substance divine... [Dieu] peut manifester son idée sans manifester sa réalité ou sa substance ; et à l'objection de Gioberti, que cette idée doit être Dieu, parce que ce qui est ne peut être que Dieu ou une créature, et que l'idée de l'être, ayant des caractères divins, ne peut être une créature et doit, par conséquent, être Dieu», Rosmini répond : «Tout être réel doit être ou Dieu ou une créature, mais non tout être idéal. L'idée de l'être, détachée de la réalité de Dieu, n'est ni Dieu ni une créature, c'est quelque chose sui generis, c'est quelque chose de Dieu». W. Lockhart, Vie d'A. Rosmini-Serbati, trad. Segond, Paris, 1889, c. xlviii, Quelques mots sur le principe fondamental de la philosophie de Rosmini, p. 468 ; cf. R. Falckenberg, Geschichte der neueren Philosophie, Leipzig, 1902, p. 466.

3° Le «sentiment» ou «sens fondamental», chez Rosmini.

Cet aspect de la philosophie rosminienne doit être relevé particulièrement. Il a été étudié dans une très intéressante monographie de Georg Schwaiger, Die Lehre vom Sentimento fondamentale bel Rosmini nach ihrer Anlage, Fulda, 1914. G. Schwaiger est l'auteur de l'article Rosmini publié dans Buchberger, Lexikon für Theologie und Kirche, t. viii, p. 997-999.

Le point de départ est que le premier objet qui doit être considéré par l'observation du philosophe, c'est son soi-même. Toutefois, ce serait une erreur de considérer le moi et l'âme comme parfaitement identiques. Avec Aristote et saint Thomas, Rosmini souligne que les facultés de l'âme et l'âme elle-même ne peuvent être connues que par leurs actes. «Le moi, dit Rosmini, ne représente pas seulement l'âme, mais l'âme engagée dans un grand nombre de relations par toute une série d'opérations mentales que l'on doit faire avant de pouvoir se désigner soi-même par ce monosyllabe». Psicologia, t. i, p. 42-43, n. 62 ; cf. p. 36, n. 55 ; Antropologia..., t. IV, c. iv.

Mais précisément, ce retour sur soi-même qu'est obligée de faire l'âme pour s'attribuer les différentes manifestations de son activité suppose un premier élément qui existait, alors même que l'âme n'avait pas encore conscience de ses actes. Antérieurement à l'âme consciente, il y a l'âme telle qu'elle est par essence. Avant que le moi ne s'affirme tel, il doit être déjà moi. La méité (meità) est donc, d'une certaine manière, distincte de l'âme et n'exprime pas son «état primitif et essentiel», puisqu'elle représente, avec l'âme, toutes les relations où l'esprit l'enveloppe en l'affirmant. En écartant ces relations qui couvrent l'âme comme d'un voile, «nous trouvons au fond du moi un sentiment qui, antérieur à la conscience, constitue la substance de l'âme». Psicologia, t. r, p. 56, n. 81.

C'est ce sentiment fondamental d'elle-même, sentiment qui s'impose et ne se démontre pas, qui permet à l'âme de s'affirmer, de prendre conscience de sa propre

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existence, en y appliquant, comme à tout autre objet de connaissance, l'idée de l'être universel.

En raison de cette prise de contact immédiat de l'âme avec soi-même, Rosmini caractérise son point de vue, à l'égard de l'ontologisme de Gioberti, comme une psychologie idéologique. Sur la manière dont Rosmini et ses disciples envisageaient cette doctrine idéologico-psychologique par rapport aux exigences de la philosophie chrétienne et de la foi catholique, voir A.Trullet, Examen des doctrines de Rosmini, trad. Sylv. de Sacy, Paris, 1893, c. iv-vi, p. 178 sq.

Mais, de plus, le sentiment fondamental que nous avons de nous-mêmes, âme et corps, est la raison primordiale de la possibilité de nos perceptions sensibles et intellectuelles : «Si l'âme ne se sentait pas elle-même avant la sensation, celle-ci serait nulle pour elle, car elle ne serait plus qu'une action sur un être qui ne se sentirait pas et qui, par conséquent, pourrait encore moins sentir quelque autre chose». Nuovo saggio, n. 99 ; cf. n. 100-102, t. II, a. 11, p. 177.

Ce sentiment fondamental peut ne pas être conscient. Ibid., p. 171 ; Psicologia, t. ii, p. 419 sq. La conscience d'ailleurs, pour Rosmini, n'est jamais spontanée ; elle est toujours réfléchie. Pour que nous puissions la connaître, il faut que l'esprit l'affirme, lui applique l'idée de l'être, la perçoive intellectuellement : è inlelletto quegli che s'accorge della sensazione. Cf. Teosofia, t. v, p. 506. Le sentiment fondamental est, en somme, l'aspect et le mode constant sous lequel se manifeste le moi total ; il est purement subjectif et ne nous manifeste rien des réalités étrangères. Mais il est, par rapport à la sensibilité, ce qu'est l'idée de l'être indéterminé à l'égard de toutes les autres idées particulières : il est une forme qui s'impose aux connaissances sensibles. Jamais, d'ailleurs, il n'existe à l'état de vide : sous les apports incessants de l'expérience, il se spécifie et devient sentiment de contact, de chaleur, de telle couleur, etc. Tulle le sensazioni speciali organiche ci danno dei sentiti elle non possono esser altro die modificazioni del sentimento fondamentale. Teosofia, t. v, p..32-33. Il fournit à l'esprit les matières particulières sur lesquelles s'appliquera l'idée de l'être et d'où résultera tout le développement de la connaissance empirique. Sur tous ces points, on consultera avec profit, en plus de G. Schwaiger, F. Palhoriès, Rosmini, p. 168-187.

C'est par le sens fondamental que Rosmini explique l'union de l'âme et du corps. L'âme est essentiellement un sentiment ; or, dans tout sentiment, le sujet sentant et l'objet senti ne font qu'un : «leur union doit être de même sorte que celle de la forme et de la matière». Cf. Psicologia, t. I, p. 148, n. 267 ; p. 138, n. 251. Ainsi l'homme représente un seul et même être qui est, à la fois, sentant et senti, et exprime ces deux états en s'apparaissant à lui-même sous la forme d'âme et sous celle de corps. Ibid., p. 139, n. 254.

4° Les rÉalitÉs en soi.

Rosmini prétend bien ne pas s'arrêter au seuil des réalités. Tout l'esprit de sa philosophie consiste précisément en cela que les choses en soi sont, au fond, de même nature que les choses pensées. L'ordre de la nature et celui de l'esprit coïncident virtuellement : celui-ci représente l'être pensé par l'homme ; celui-là, l'être pensé par Dieu. Comme la pensée humaine reproduit, à sa manière, finie et limitée sans doute, mais cependant fidèle, la pensée divine, on peut dans une certaine mesure se faire une idée des réalités en soi.

Voici, à ce sujet, le point de vue de Rosmini, point de vue qu'il faut connaître, si l'on veut comprendre un certain nombre des propositions que nous rapporterons plus loin. Pour notre philosophe, l'être est absolu ou relatif. L'être absolu se suffit à lui-même ; il est nécessaire. Rosmini l'appelle être complet. L'être relatif est

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contingent, car son existence se rattache à certaines conditions sans lesquelles il est inconcevable. Rosmini l'appelle être incomplet. L'être incomplet rentre dans la catégorie du non-être, au sens où l'entendait Platon. Mais, parmi les êtres contingents, certains sont doués d'une existence relativement indépendante ; ils constituent de véritables sujets, subsistant par soi ; ils peuvent être appelés relativement complets, tandis que Dieu seul est l'être complet absolument. Mais il y a des êtres incomplets absolument : ce sont les êtres qui, par eux-mêmes, ne peuvent posséder aucune subsistence réelle : «Une entité de cette sorte est comme en voie de devenir ; mais elle ne se complète et ne devient réellement possible que par l'addition d'un autre être sur lequel elle s'appuie». Psicologia, t. ii, n. 1336, p. 320. Cet être incomplet n'est pas réalité ; il n'est pas non plus néant ; c'est «quelque chose de l'être», un quelque chose «répondant à un concept de l'esprit». Ibid., n. 1612, p. 505. C'est l'être pensé en dehors de sa relation essentielle avec notre sensibilité ou notre intelligence ; c'est, si l'on veut, un sentiment ou une pensée en puissance. Ainsi l'espace et le temps qui n'ont d'existence que dans et par le sujet auquel ils se rattachent ; ainsi les choses extérieures et toutes les qualités dont elles nous paraissent accompagnées, car, en dernière analyse, elles ne sont que l'ensemble de nos représentations. Ainsi, «à prendre les choses à la rigueur, il n'y a pas de monde extérieur à l'âme, car la relation entre l'âme et la matière ne saurait s'exprimer par ces expressions de dedans et de dehors». Antropologia, p. 189.

Comment, en de pareilles conditions, admettre l'existence des réalités en soi ? Notre esprit, déclare ici Rosmini, nous y contraint, car «il ne peut rien concevoir qui ne soit un être ou dépendance d'un être». Il se trouve donc obligé d'admettre «une réalité pure qui soutienne ontologiquement la réalité sentie». Teosofia, t. v, p. 433, a. 13. Il l'admet, mais ne peut rien nous dire sur la nature de cette réalité pure, qu'il doit concevoir comme un «agent occulte», une cause inconnue de nos sensations. Teosofia, t. v, p. 46. C'est cette force inconnue que Rosmini appelle le principe corporel ou encore le principe excitateur du sentiment. Psicologia, t. ii, n. 1355, p. 331. Le mot «principe corporel» ne doit pas nous faire illusion ; Rosmini l'appelle ainsi parce qu'il a le pouvoir d'agir sur notre sensibilité. Mais, en soi, ce principe ne saurait être conçu que comme étant essentiellement spirituel. Et, puisque ces forces spirituelles qui constituent ce qu'on appelle «les réalités en soi» existent nécessairement et indépendamment de notre esprit, qu'elles ne sont d'ailleurs intelligibles que par l'être et n'existent que par une affirmation de l'esprit, «il faut conclure qu'antérieurement à la pensée humaine, il existe une intelligence qui pense simultanément les essences et les réalités finies». Teosofia, t. i, n. 446, p. 390.

Nous voici donc parvenus jusqu'à Dieu. L'origine des choses se rattache étroitement à la formation de l'idée de l'être dans l'intelligence divine. En soi, l'être est indéterminé absolument et indéfiniment déterminable. Cette détermination de l'être idéal est, pour Rosmini, l'essence même de l'acte créateur.

En effet, dans les opérations ad extra, le premier acte de l'intelligence divine est une abstraction par laquelle Dieu considère son Verbe et crée le concept d'être idéal et indéterminé. Puis il porte son attention sur les modes finis que l'être indéterminé est susceptible de recevoir : c'est là l'«idéation» divine. Il imagine ensuite les différentes formes dans lesquelles l'être peut être concrété. Enfin, à côté de l'acte par lequel Dieu abstrait la forme de l'être et imagine ses délimitations particulières, Rosmini distingue une troisième opération qui donne son complément à l'acte créateur : la

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«synthèse divine», qui réalise et fait passer les choses conçues de l'ordre des possibles à celui des réalités concrètes et actuelles. Cette réalisation est nécessaire et découle de la nature même de Dieu. Rosmini ne veut pas cependant que la création soit nécessaire. Sans doute la réalisation concrète des choses suit nécessairement leur conception dans l'intelligence divine ; mais l'acte par lequel il les conçoit reste éminemment libre. Dieu engendre nécessairement le Verbe ; mais c'est en pleine liberté qu'en cet objet absolu, il sépare la forme de l'élément matériel. Teosofia, t. I, p. 401, 402, 405.

La création est donc le résultat d'une synthèse que Dieu opère entre l'être en général et les réalités possibles qu'il a imaginées. Dans toute créature, il y a un élément positif, formel, qui est l'être universel, et un élément matériel, négatif, la limitation que l'esprit créateur impose à l'être indéterminé. Teosofia, t. i, p. 396, n. 454. L'essence de l'acte créateur se résume dans la synthèse de ces deux termes en Dieu.

Arrivés à ce point de notre exposé, une question se pose naturellement à notre esprit. Quels sont les rapports de ces limitations avec l'être indéterminé ? La réalité est-elle le développement interne de l'être initial, sorte de déroulement logique comme celui qu'a conçu Hegel ? Palhoriès, qui nous a servi de guide, semble hésiter à rapprocher la conception du philosophe italien de celle du philosophe allemand. Et cependant l'identification réelle de toutes choses dans le Verbe paraît devoir conduire logiquement Rosmini au panthéisme. Tout en notant le danger réel de cette position, Palhoriès rappelle que Rosmini était trop chrétien «pour ne pas voir à ses pieds l'abîme du panthéisme où le mouvement de sa pensée le conduisait tout naturellement». Op. cit., p. 244. Pour se dégager, Rosmini utilisera la distinction, dont il nous entretient si souvent, entre l'être idéal et le Verbe de Dieu.

Peut-être serait-il plus exact d'établir une discrimination entre les premières œuvres de Rosmini et la Teosofia, dont l'auteur n'a pu revoir définitivement le texte et où l'influence de Hegel serait plus marquée. Cf. R. Falckenberg, op. cit., p. 488.

Cet exposé philosophique était indispensable pour faire mieux comprendre la portée exacte des quarante propositions dont l'examen va suivre. Le bref commentaire dont sera accompagné le texte des propositions ajoutera encore quelques éclaircissements utiles. Nous laissons systématiquement de côté l'exposé des idées morales et politiques de Rosmini ; elles débordent le cadre de cet article. Voir dans Palhoriès, op. cit., la troisième partie (p. 259-341) qui leur est consacrée.

III. LEs QUARANTE PROPOSITIONS CONDAMNÉES.

1°- Les attaques sous GrÉgoire XVI et Pie IX.

Il est nécessaire d'indiquer les différentes attaques dont Rosmini fut l'objet de son vivant, afin de mieux comprendre la portée de la condamnation promulguée sous Léon XIII et que l'on trouvera dans Denz. Bannw., n. 1891-1930.

Dès 1831, une opposition se forma contre les premiers écrits de Rosmini, dont plusieurs écrivains de la Compagnie de Jésus suspectèrent l'orthodoxie. Sans doute, plusieurs jésuites éminents, notamment le P. Roothan, alors général, écrivaient à Rosmini des lettres élogieuses sur certains aspects de sa doctrine. Voir ces lettres dans W. Lockhart, Vie d'Antonio Rosmini-Serbati, trad. M. Segond, Paris, 1889, p. 182-184. Le pape Grégoire XVI fit même adresser à Rosmini un bref fort élogieux, dans lequel il aurait ajouté de sa propre main des qualificatifs précieux pour Rosmini : virum excellente ac præstanti ingenio præditum, egregiis animi dotibus ornatum, rerum divinarum atque humanorum scientia summopere illustrera... Lettres aposto

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liques In sublimis militantis Ecclesiæ, 29 septembre 1839. Voir le texte dans Trullet, Examen des doctrines de Rosmini, trad. Sylvestre de Sacy, Paris, 1893, p. 289, ou F.-X. Krauss, Essays, t. iv, Antonio Rosmini, Berlin, 1896, p. 152. D'autres membres de la Compagnie publièrent en 1841 un livre anonyme intitulé Eusebio cristiano, incriminant Rosmini sur sa conception du péché originel. La controverse s'étant engagée, Grégoire XVI fit examiner, en 1843, les écrits des deux partis et silence fut imposé aux adversaires. W. Lockhart, op. cit., p. 522.

La mise à l'Index du projet de Constitution (italienne) selon la justice sociale et des Cinq plaies fut le point de départ de nouvelles attaques. Bien que Rosmini déclare avoir appris «que la prohibition ne porte sur aucune proposition condamnable au point de vue théologique, mais qu'elle vient de ce que ces deux écrits ont été jugés inopportuns» (lettre à Leonardo Rosmini, son cousin ; cf. Lockhart, p. 289), l'école opposée aux doctrines rosminiennes prétendait que les deux opuscules avaient été condamnés «parce qu'ils contenaient des opinions hérétiques, et qu'on le verrait bien par la prompte condamnation de tous les écrits de l'auteur». W. Lockhart, p. 524. On mit en circulation un pamphlet intitulé Apostilles, contenant 327 censures doctrinales relatives à des propositions extraites des ouvrages de Rosmini. Les accusations contenues dans les Apostilles furent bientôt appuyées par un ouvrage anonyme en deux volumes, signé du pseudonyme Prete Bolognese. Pie IX, qui avait déjà reçu à Gaète une demande formelle de condamner les ouvrages de Rosmini et venait d'être rétabli à Rome, résolut de soumettre les ouvrages incriminés à un examen sérieux et impartial. L'examen, commencé en mars 1851, dura trois ans. La congrégation spéciale qui en était chargée termina par la sentence de Dimittantur, c'est-à-dire d'acquittement. Le pape, en promulguant cette sentence, imposa l'injonction du silence, défendant de renouveler les mêmes accusations. Mais, dans la suite, plusieurs journaux ou revues, notamment la Civiltà cattolica, l'Osservatore romano, l'Osservatore cattolico, ayant insinué que la sentence laissait seulement la cause en suspens et les attaques se renouvelant sans cesse contre l'orthodoxie de Rosmini, le préfet de l'Index, cardinal di Luca, fit publier par le Maitre du Sacré-Palais, le P. Vincenzo Gatti, une communication officielle, en date du 20 juin 1876, dans l'Osservatore romano. En voici la finale : «Sans doute, il ne s'ensuit pas qu'il ne soit pas permis de rejeter le système philosophique de Rosmini ou la manière dont il explique certaines vérités, et de réfuter ses opinions dans les écoles ; mais de ce qu'on n'est pas d'accord avec lui sur la manière d'expliquer certaines vérités, il n'est pas permis de conclure que Rosmini a nié ces vérités ; il n'est pas licite, non plus, d'infliger une censure théologique aux doctrines qu'il a soutenues dans celles de ses œuvres que la Sacrée Congrégation de l'Index a examinées et déclarées exemptes de toute censure et contre lesquelles le Saint-Père interdit d'élever à l'avenir de nouvelles accusations». L'Osservatore cattolico publia, le 1er juillet, une note de regret d'avoir mal Interprété la formule Dimittantur. Mais la Civiltà catholica fut dispensée de toute rétractation. W. Lockhart, p. 535-539.

Les attaques ne devaient pas cesser pour autant. Entre temps, en effet, la Sacrée Congrégation de l'Index avait publié deux déclarations. La première, en date du 21 juillet 1880, spécifiait que la formule Dimittantur signifiait simplement : opus quod dimittitur non prohiberi. La seconde, en date du 5 décembre 1881, décidait qu'un livre renvoyé (dimissum) ou non prohibé n'était pas pour autant déclaré exempt d'erreur et qu'on pouvait encore l'attaquer au point de vue philo

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sophique ou théologique sans encourir la note de témérité.

En octobre 1885, la Civiltà cattolica résumait ses accusations en une phrase nette et concise : «Rosmini est un janséniste en théologie, un panthéiste en philosophie, un libéral en politique».

Léon XIII qui, dans l'intérêt général, avait demandé aux «journalistes catholiques de s'abstenir entièrement de discuter ces questions», Lettre aux archevêques de Lombardie et de Piémont, janvier 1882, devait faire reprendre l'examen des doctrines rosminiennes. Plusieurs raisons militaient en faveur de ce nouvel examen. Tout d'abord les raisons d'opportunité et le ménagement dû à la personne de Rosmini, fondateur d'ordres, n'existaient plus comme sous Pie IX. Ensuite, ainsi que le fait remarquer le début du décret Post obitum, les doctrines dénoncées et condamnées sont extraites d'ouvrages posthumes, sur lesquels n'avaient pu porter les premières dénonciations. Enfin, les propositions reconnues «non conformes à la vérité catholique» contiennent «des chefs de doctrine» qui se trouvaient seulement en germe dans les premiers ouvrages de l'auteur, mais qui se sont développés et expliqués plus clairement. Faut-il ajouter que les défenseurs de Rosmini avaient singulièrement exagéré en présentant ses doctrines philosophiques et théologiques comme l'expression authentique de la doctrine de saint Thomas ? Voir, en ce sens, W. Lockhart, op. cit., c. LI ; A. Trullet, Examen des doctrines de Rosmini, trad. Sylvestre de Sacy, Paris, 1893, surtout du c. iv à la fin (Parere intorno aile dottrine ed aile opere del' abbale Rosmini, Rome, 1854). Les meilleurs esprits pouvaient être troublés par des affirmations aussi audacieuses.

2° Le dÉcret «Post obitum» et les quarante propositions rosminiennes rÉprouvÉes.

Le décret est du mercredi 14 décembre 1887. Il signale deux catégories de travaux suscités par la publication des ouvrages posthumes de Rosmini : d'abord, des études philosophiques et théologiques de docteurs privés ; ensuite des études faites par des membres de l'épiscopat lui-même. Les unes et les autres ont abouti à la dénonciation d'un certain nombre de propositions au Saint-Siège. Ces mêmes études ont été accompagnées de longues et vives polémiques auxquelles il fallait également que Rome mît enfin un terme.

Les quarante propositions sont proscrites, condamnées et réprouvées dans le sens de l'auteur, c'est-à-dire dans le sens de son système, de sa doctrine, en un mot, dans leur sens objectif, sans qu'il y ait lieu ni utilité de se préoccuper du sens subjectif et des intentions de Rosmini. Dans cette condamnation, le Saint-Office a agi comme inquisition universelle et son décret s'adresse à l'Église entière. Enfin, par une clause remarquable et très défavorable à la réputation des autres ouvrages de Rosmini, le décret du Saint-Office défend absolument de conclure, du silence qu'il garde au sujet des autres doctrines rosminiennes, à une approbation tacite ou implicite qui leur en reviendrait. Voir le texte du décret dans Rosminianarum propositionum quas S. R. U. Inquisitio... reprobavit, proscripsit, damnavif trutina theologica, Rome, 1892, append ix, p. 427-428 ; cf. J. Didiot, La fin du rosminianisme, dans Revue des sciences ecclésiastiques, 1888, p. 401-402.

Des quarante propositions condamnées, les vingt-quatre premières sont d'ordre plutôt philosophiques, les seize dernières sont d'ordre strictement théologique. Nous indiquerons pour chacune d'elles :

1. le texte italien original avec la référence aux œuvres de Rosmini, ce texte étant fréquemment plus développé que le résumé qu'en a fait le Saint-Office ;

2. le texte latin du Saint-Office juxtaposé à la traduction française.

Un bref commentaire, dont les idées essentielles sont empruntés à l'Examen théologique (Trutina theologica)

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edit. par la typographie vaticane, 1892, indiquera les raisons vraisemblables de la condamnation.

Nous adoptons les divisions de la Trutina, qui partage les quarante propositions en onze sections :

1. De la voie naturelle de la connaissance de Dieu, c'est-à-dire de l'ontologisme rosminien ;

2. De la constitution et de la nature intime des choses créées, c'est-à-dire du panthéisme rosminien ;

3. De la création ;

4. De l'âme humaine ;

5. Du très auguste mystère de la sainte Trinité ;

6. Du mystère de la divine incarnation et du caractère baptismal ;

7. Du très saint sacrement de l'eucharistie ;

8. Du péché originel, et de l'immaculée conception de la bienheureuse Vierge ;

9. De la justification ;

10. De l'ordre surnaturel ;

11. De l'objet de la vision intuitive.

1re SECTION. De la voie naturelle de la connaissance de Dieu, c'est-À-dire de l'ontologisme rosminien.

1. Nella sfera del creato si manifesta immediatemente all' umano intelletto qualche cosa di divino in sè stesso, cloè tale che alla divin natura apparlenga (Teosofia, vol. iv, n. 2, p. 6).

In ordine rerum creatarum immediate manifestatur humano intellectui aliquid divini in seipso, hujusmodi nempe quod ad divinam naturam pertineat.

Dans l'ordre des choses créées se manifeste immédiatement à l'esprit humain quelque chose de divin en soi, qui par son essence ap partient à la divine nature.

Il suffit de se reporter au résumé proposé plus haut des principes philosophiques de Rosmini pour comprendre comment cette proposition se rattache au fondement de tout le système : l'unité, universelle et absolue, de l'être en toutes choses. Or, affirme ici Rosmini, la connaissance naturelle que nous pouvons avoir des choses créées est, en réalité, la connaissance de cet être universel et absolu, qui appartient par lui-même à la nature divine. Dans la pensée de Rosmini, il ne s'agit pas d'une connaissance intuitive de Dieu : la visione dell' essere è une visione di qualche cosa di divino, ma non di Dio stesso, et il en ajoute immédiatement la raison : perché a veder Dio, è necessario vedere tutto che gli è essenziale (Teosofia, t. iii, p. 13). Car, pour lui, la connaissance intuitive implique qu'on voie tout ce qui est essentiel à Dieu. Or, l'être que nous percevons n'est pas ce tout, mais simplement quelque chose de Dieu, un' appartenenza di Dio.

Mais comment admettre logiquement pareille distinction ? Comme le fait observer le commentaire de la Trutina, il est impossible de voir immédiatement quelque chose d'essentiel à Dieu, sans voir Dieu lui-même et Dieu tout entier, tout comme il est impossible que quelque chose soit en Dieu qui ne soit pas Dieu. N. 8, p. 10.

Au point de vue théologique, deux conclusions hérétiques pourraient être tirées de l'assertion rosminienne : a) l'ordre surnaturel, même dans son complet développement, la vision béatifique, ne différerait pas essentiellement de l'ordre naturel ; b) l'ordre des choses créées renfermerait quelque chose de formellement divin. La première conclusion ruinerait le dogme de la grâce ; la deuxième conduirait au panthéisme. Cf. J. Didiot, op. cit., p. 403-404.

2. Dicendo il divino nella nature, non prendo questa parola divino a signi ficare un effetto non divino di una causa divina. Per la stessa ragione non è mia intenzione di palare di un' divino, che sia tale per participazione (Ibid.).

Cum divinum dicimus in natura, vocabulum istud «divinum» non usurpamas ad significandum effectum non divinum causæ divinæ ; neque mens nobis est loqui de divino quodam, quod tale sit per participationem.

Quand nous parlons du divin dans la nature, ce mot «divin» n'est pas pris par nous pour signifier un effet non divin d'une cause divine et ce n'est pas notre idée de parler de quelque chose qui serait divin par participation.

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Cette proposition ne fait que rendre plus clair le sens de la première. Elle est d'ailleurs extraite du même passage de la Teosofia. Le divin qui se manifeste à notre intelligence n'est pas divin parce qu'effet d'une cause divine ou divin par participation, mais divin formellement, par essence. A signaler ici une interprétation, évidemment fausse, de la pensée rosminienne par un des admirateurs du philosophe italien. L'expression per participationem viserait la participation du divin par la grâce sanctifiante. Échappatoire sans portée réelle et exclue par le contexte même de Rosmini, dans ce c.i, Del divino nella natura. Teosofia, t. iv, n. 1. Cf. Alle quaranta Rosminiane proposizioni... note secretamente sottoposte al giudizio... dei Maestri di verità... nella Chiesa santa di Gesù Cristo, Milan, 1888 ; Trutina, n. 9-10 et p. 12, note 1. Ontologisme et menace de panthéisme. J. Didiot, op. cit., p. 404.

3. Vi è dunque neIle natura dell'universo, cioè nelle intelligenze che sono in esso, qualche cosa a cui conviene la denominazione di divino, non in senso figurato, ma in senso proprio (Teosofia, t. iv, Del divino nella natura, n. 15, p. 18 . - E una... attualità indistinta dal resto dell'attualità divina, indivisibile in sè, divisibile per astrazione mentale (Teosofia, t. iii, n. 1423, p. 344).

In natura igitur universi, idest in intelligentiis quæ in ipso sunt, aliquid est, cui convenit denominatio divini non sensu figurato sed proprio. Est actualitas non distincta a reliquo actuelitatis divinæ.        

Dans la nature de l'univers, c'est-à-dire dans les intelligences qui en font partie, il y a quelque chose à qui convient la dénomination de divin, prise au sens non pas figuré, mais propre. C'est une actualité qui n'est pas distincte du reste de l'actualité divine.

Les partisans de Rosmini ont voulu défendre l'orthodoxie de cette proposition. L'auteur anonyme d'un opuscule paru à Florence, en 1888, a signalé tout d'abord que le texte original italien était pris en deux volumes différents, avec des centaines de pages intermédiaires entre les deux passages rapprochés, ce qui risquait de fausser la pensée de Rosmini en supprimant le contexte. Ragioni della condanna latta dal S. Uffizio delle cosi dette XL proposizioni di Antonio Rosmini esposte dal Teologo F. C. D., p. 14, 15. La juxtaposition des deux textes montre au contraire la parfaite continuité de la pensée rosminienne. C'est le même sujet dont il est question dans le premier texte qui se retrouve, sous-entendu, dans le second. Le rapprochement fait par le Saint-Office est donc légitime.

La défense de Rosmini s'appuie ici sur la distinction indiquée dans le commentaire de la proposition 1, et par laquelle les rosminiens pensent échapper au reproche d'ontologisme. Le divin, disent-ils, que notre intelligence saisit, est un divin, non au sens figuré, mais au sens propre ; ce sens propre toutefois «n'est pas propre absolument, pleinement et ne fait pas de ce divin quelque chose de parfaitement identique à Dieu», non in senso proprio assolutamente, ossia in senso pieno cosi de essere perfetto sinonimo con Dio. Opuse. Alle quaranta... Il ne s'agirait, suivant la distinction fondamentale de la philosophie rosminienne, que de l'être idéal divin, identique sans doute objectivement avec son être réel, puisque Dieu est indivisiblement l'être réel-idéal, mais divisible de cet être réel par abstraction mentale. Non si puo dire con esatiezza, écrit expressément Rosmini, che noi veggiamo Dio - l'essenza divina - nella vita presente ; perciocchè Dio non è solo l'essere ideale, ma indislinguibilimente reale-ideale. II rinnuouamento della filosofia, c. XLII.

Remarquons - et ceci complique singulièrement la difficulté, et ajoute à l'obscurité de la doctrine rosminienne - que l'abstraction mentale qui sépare l'être idéal divin et l'être idéal-réel, Dieu, est le fait de l'intelligence divine elle-même divisant pour ainsi dire

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l'être considéré initialement et l'être considéré dans son terme : acte d'intelligence, écrit Rosmini, col quale nell' essere assoluto distinse L'INIZIO dal TERMINE, e vide QUELLO separato da QUESTO. Sans doute cette séparation n'est pas réelle, mais elle est le résultat de l'abstraction mentale. Teosofia, t. I, p. 401.

Qu'est-ce que cet être initial ? Pure existence, répond parfois Rosmini : II che è quanto dire come para esistenza, è egualmente inizio di Dio e delle creature. Teosofia, t. I, p. 230. Être purement intelligible et dénué de toute subsistance, dit ailleurs Rosmini. Cf. prop. 38. Cette seconde interprétation est la plus fréquemment présentée par les rosminiens. Cf. Alle quaranta proposizioni..., p. 8, ou encore Alla Civillà Cattolica, riposta di un Prelato romano, Rome, 1889, p. 39.

Au point de vue philosophique, ces deux explications aboutissent pour Rosmini à des contradictions. Si l'être que l'intelligence saisit est l'être divin dans son existence, nous ne pouvons que voir Dieu lui-même : in Deo non est aliud essentiel vel quidditas, quam suum esse. S. Thomas, Cont. gent., I. I, c. xxii. Si l'être que l'intelligence saisit est simplement l'être divin intelligible, alors ce n'est plus l'être divin par essence, mais bien l'idée que nous nous en formons en partant des créatures. Les deux solutions sont en contradiction avec la thèse générale de Rosmini, Trutina, n. 11-16, p. 13-20.

Au point de vue théologique, les dangers signalés dans les deux premières propositions ne font que s'accentuer : l'ontologisme qui conduirait à méconnaître la distinction radicale de la connaissance naturelle de Dieu par le raisonnement et l'abstraction et de la connaissance surnaturelle de Dieu par l'intuition de la vision béatifique ; le panthéisme : «Les intelligences finies sont actuées par une actualité divine ; il ne faudrait pas un grand effort pour en conclure qu'elles sont elles-mêmes actuellement divines». J. Didiot, op. cit., p. 404-405.

4. L'essere indeterminato (essere ideale), il quale è indubilamente palese a tutte le intelligenze (è quel divino che) si manifesta all'uomo nella natura (Teosofia, t. iv, n. 5 et 6, p. 8).

Esse indeterminatum, quod procul dubio notum esi omnibus intelligentiis, est divinum illud quod homini in natura manifestatur

L'être indéterminé, qui sans aucun doute est celui-là même que toute intelligence connaît, est cet être divin             manifesté à l'homme dans la nature.

Sur l'«être indéterminé» qui se présente tout d'abord à l'intelligence, on pourrait trouver, en saint Thomas, des textes se rapprochant des formules rosminiennes. Cf. Sum. theol., Ia, q. lxxxv, a. 3, ad 1um ; In lum Sent., dist. VIII, q. I, a. 3. Mais, tandis que l'être indéterminé, universel, dont parle saint Thomas, est un concept qui peut recevoir, qui doit recevoir des déterminations nouvelles selon les applications qu'on en fait aux diverses réalités, cf. Cont. gent., I. I, c. xxvi, l'être sans détermination et universel dont parle Rosmini n'est pas susceptible de recevoir les limites, les précisions nécessaires pour convenir à telles ou telles réalités précises : c'est l'être dans sa plénitude de perfection qui se confond en réalité avec l'être divin ; quatertus ipsius essendi plenitudo nullis limitibus circumscribitur, explique pertinemment la Trutina theologica, n. 21, p. 24. Sans doute, Rosmini et ses disciples invoqueront ici encore la distinction entre l'être idéal et initial, et l'être réel-idéal considéré dans son terme. Mais nous avons vu qu'il n'y a pas de différence essentielle entre l'un et l'autre. L'analyse des propositions 9, 10, 11, nous le fera voir plus clairement encore. Logiquement, c'est encore au panthéisme qu'il faut ici aboutir. Il y a confusion entre l'être universel qui est au fond de tous nos concepts et l'actualité

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divine. «Au panthéisme idéologique s'associe le panthéisme cosmique». J. Didiot, op. cit., p. 405.

5. L'essere intuito dall'uomo deve necessariamente essere quaiche cosa d'un ente necessario ed eterno, causa creante, determinante et finiente di tutti gli enti contingenti : e questo è Dio (Teosofia, t. I, n. 298, p. 241).

6. Nell' uno (essere che prescinde dalle creature e da Dio, e che è l'essere indeterminato) e nell' altro essere (che non ê più indeterminato, ma Dio stesso, essere assoluto) c'è la stessa essenza (Teosofia, t. ii, n. 848, p. 150).

Esse quod homo intuetur necesse est ut sit aliquid entis necessarii et æterni, causæ creantis, determinantis ac finientis omnium entium contingentium ; atque hoc est Deus

L'être, objet de l'intuition humaine, doit être nécessairement quelque chose de l'être nécessaire, éternel, créateur, cause déterminante et finale de tous les êtres     contingents, c'est-à-dire de Dieu même.

In esse quod præscindit a creaturis et a Deo quod est esse indeterminatum, atque in Deo esse non indeterminato sed ab soluto, eadem est essentia.      

Dans l'être [universel] qui fait abstraction des créatures et de Dieu, c'est-à-dire dans l'être indéterminé, il y a la même essence qu'en Dieu, être déterminé et absolu.

Ces deux propositions peuvent être jointes, car elles ne font, l'une et l'autre, que reprendre, en les affirmant avec des nuances nouvelles, les précédentes assertions.

Dans la proposition 5, l'identification de l'être transcendantal des logiciens avec l'être divin lui-même, s'affirme plus audacieusement. Cet être, objet de notre intuition, est nécessairement quelque chose de l'être nécessaire, éternel, créateur, cause déterminante et finale de tous les êtres contingents, c'est-à-dire quelque chose de Dieu lui-même. C'est du pur ontologisme. Et cette conclusion reçoit une confirmation dela proposition suivante. On y affirme, en effet, que l'être transcendantal, indéterminé, qui convient aussi bien à Dieu qu'à la créature, tout en faisant abstraction de l'un et de l'autre, a réellement une essence qui n'est pas simplement logique et abstraite : c'est la même essence que l'essence de Dieu, l'être absolu et déterminé.

Étant donnée cette identification, comment peut-on encore logiquement admettre une distinction entre Dieu et le monde ? D'autre part, comment discriminer la vision béatifique de la connaissance naturelle de Dieu ? On le voit, avec ces deux nouvelles propositions, identiques quant au sens et presque dans la forme, nous nous enfonçons toujours plus avant dans l'équivoque foncière du rosminianisme. Cf. Trutina, n. 22-24, p. 26-29 ; J. Didiot, p. 406-407.

7. L'essere indeterminato della intuizione... l'essere iniziale …è qualche cosa del Verbo, che ella (la mente del Padre) distingue non realmente, ma secondo la ragione, dal Verbo (Teosofia, t. i, n. 848, p. 150 ; t. r, n. 490, p. 445).

Esse indeterminatum intui tionis, esse initiale, est aliquid Verbi, quod mens Patris dis tinguit non realiter sed secundum rationem a Verbo.

L'être indéterminé de l'intuition, l'être initial, est quelque chose du Verbe, que l'intelligence du Père distingue     du Verbe, non réellement, mais en raison.

Cette proposition paraît d'autant plus intéressante qu'elle semble vouloir donner l'ultime raison de la distinction si souvent apportée par Rosmini entre la «réalité» et l'«idéalité», ces deux formes primordiales de l'être. Cf. II rinnuovamento della filosofia. C. xlii. L'être idéal, qui renferme en lui-même toutes les idées divines, archétypes des réalités créées ou créables, est pensé par Dieu dans le Verbe avec lequel ces idées s'identifient réellement. Elles s'en distinguent cependant, selon la raison, en tant que l'intelligence du Père les conçoit par abstraction selon leur être idéal. Ainsi, nous en revenons encore à la distinction par laquelle les rosminiens estiment pouvoir laver leur maître du

col. 2933

reproche d'ontologisme. En saisissant l'être idéal, notre esprit, tout en atteignant quelque chose de divin, n'atteint pas Dieu lui-même. Contradiction dans les termes et dont, longtemps d'avance, saint Thomas a fourni la réfutation dans De veritate, q. XII, a. 6. Cf. Trutina, n. 25-32. -

Au point de vue théologique, cette septième proposition est inadmissible, car elle semble admettre une certaine composition dans l'être du Verbe et présenter le Verbe, par cet élément initial qui est en lui, comme l'objet naturel de l'intuition humaine. Enfin, les distinctions de raison qu'on suppose faites par l'intelligence du Père ne répondent à rien qui soit théologiquement concevable en Dieu.

IIe SECTION. De la constitution et de la nature intime des choses crÉÉes, c'est-À-dire du panthÉisme rosminien.

8. Gli enti finiti che compon gono il mondo risultano da due clementi, cioè dal termine reale finito, e dall' essere iniziale, che dà a questo termine la forma di ente (Teosofia, t. i, n. 454, p. 396).

Entia finita, quibus componitur mundus, resultant ex duobus clementis, id est ex termino reali flnito et esse initiali, quod eidem termine tribuit formam entis.

Les êtres finis, dont se compose le monde, résultent d'un double élément, c'est-à-dire d'un terme réel fini et de l'être initial, qui confère à ce terme la forme d'être.

D'après la doctrine même de Rosmini et de ses disciples, l'être initial, qui est l'être universel, est le même qui se retrouve sous les différents aspects des réalités : aussi Rosmini et ses disciples l'appellent-ils être virtuel. Voir prop. 10 ; cf. Alle quaranta proposizioni..., p. 12. Mais cet être est essentiellement quelque chose de divin. La présente proposition revient donc à proclamer que Dieu lui-même, ou le Verbe, donne aux termes finis et réels du monde la forme d'être. Dieu ou le Verbe, forme intrinsèque et constitutive de tout être fini ! C'est le pur panthéisme. Voir, dans saint Thomas, la réfutation d'une erreur, formulée en termes analogues. Cont. gent., I. I, c. xxvi.

9. L'essere oggetto dell' intuito... è l'atto iniziale di tutti gli enti ( Teosofia, t. iii, n.1235, p. 73). - L'essere iniziale dungue è inizio tanto delle scibile quanto del sussistente...è egualmente inizio di Dio, come da noi si concepisce, e delle creature (Teosofia, t. i, n. 287, p. 229 ; n. 288, p. 230).

Esse, objectum intuitionis, est actus initialis omnium en tium. - Esse initiale est initium tam cognosci bilium quam subsistentium ; est pariter initium Dei, prout a nobis concipitur, et creaturarum.

L'être qui est objet d'intuition est l'acte initial de tous les êtres. - L'être initial est à l'origine tant des connaissables que des subsistants ; il est pareillement à l'origine de             Dieu - du moins tel que nous le concevons - et des créatures.

On remarquera qu'ici encore le Saint-Office a puisé la proposition répréhensible en deux passages différents de la Teosofia. Mais, dans les deux endroits, l'idée est la même et la juxtaposition des textes ne fait que mettre en relief la véritable pensée de Rosmini. Cette pensée est claire, sauf dans la restriction apposée prout a no bis concipitur. Rosmini veut sans doute par là distinguer en Dieu l'idéalité de la réalité : c'est, nous le savons, la distinction subtile par laquelle il pense échapper à tout reproche d'hétérodoxie. Quoi qu'il en soit, l'être initial de toutes choses, objet de notre intuition, est quelque chose de divin, quelque chose du Verbe (voir prop. 7), essentiellement identique au Verbe. Ici encore, et de toute évidence, relent de panthéisme.

10. L'essere virtuale et senza termini (Divine in sè stesso, appartenenza di Dia) è la prima e la più semplice delle entità per cosi fatto modo che qualunque altra entità è composta, e trà i suoi componenti c' è l'essere virtuale sempre e necessaria

col. 2934

mente. - L'essere virtuale è parte essenziale di tulle aflatto le entità, per quantunque col pensiero si dividano (Teosofia, t. i, p. 221 ; n. 281, p. 223).

Esse virtuale et sine limitibus est prima ac simplicissima omnium entitatum, adeo, ut quælibet alia entilas sit composita, et inter ipsius componentia semper el necessario sit esse virtuale. Est pars essentialis omnium omnino entitatum, utut cogitatione dividantur.

L'être virtuel et sans limite est la première et la plus simple de toutes les entités ; ainsi toute autre entité est composée et l'être virtuel est toujours et nécessairement l'un des composants. Cet être virtuel est partie essentielle, de toutes les entités sans exception, quelles que soient les divisions qu'y apporte notre pensée.

Cette proposition ne fait que confirmer l'erreur relevée dans les précédentes en attribuant à l'être initial de nouvelles qualifications. L'être initial est l'être virtuel, capable de tout devenir. Il est la plus simple de toutes les entités, mais il en est aussi la première ; de telle sorte qu'il entre toujours et nécessairement comme l'un des éléments composant n'importe quelle entité. Or, nous savons que cette réalité très simple, cet être virtuel est quelque chose d'essentiellement divin. La raison pourra le distinguer d'avec les entités dont il fait partie, ce ne sera qu'une distinction logique. Il se trouve en toutes, partie essentielle de toutes. C'est toujours, au point de vue théologique, l'affirmation d'une sorte de panthéisme qui est ici à réprouver.

11. La quiddità (cio che una cosa è) dell' ente finito non è costituita da cio che egli ha di positivo ; ma dai suoi limiti... La quiddità dell' ente in finito è costituita dall' entità ed è positiva ; e la quiddità dell' ente finito è costituita dal limiti dell' entità, ed è negativa (Teosofia, t. i, n. 726, p. 708-709).

Quidditas (id quod res est) entis finiti non constituitur eo quod habet positivi, sed suis limitibus. Quidditas entis in finiti constituitur entitate, et est positiva ; quidditas vero entis finiti constituitur limitibus entitatis, et est negativa.

La quiddité (ce qu'est la chose) de l'être fini n'est pas constituée par ce qu'il contient de positif, mais par ses limites. La quiddité de l'être infini est constituée par son entité, et elle est positive ; la quiddité de l'être fini est constituée par les limites de son entité et est négative.

Pour comprendre la réprobation de cette proposition qui, au premier abord, semble ne renfermer qu'une contradiction philosophique, il faut se reporter à l'ensemble du système rosminien, tel qu'il a été exposé plus haut, à propos de la synthèse opérée par Dieu dans l'acte créateur. Voir col. 2925. Les êtres particuliers ne se différencient entre eux que parce qu'ils comportent, chacun dans son individualité ou son espèce, des limitations de l'être indéterminé et général qui, dans son «idéalité» s'identifie à Dieu. Pour Rosmini, l'être indéterminé, voilà le fond de toutes choses, fond commun et toujours identique, l'$€v &7ri froaüiv dont parle Platon. On se reportera au commentaire des propositions 7, 9, 10. Le Saint-Office, en réprouvant cette proposition, y a vu comme une atteinte indirecte aux définitions du concile du Vatican contre le panthéisme. De fide catholica, t. i, can. 4, Denz.-Bannw., n. 1804. Cf. Trutina, n. 68-70. J. Didiot a fort exactement précisé le danger de cette prop. 11 : «Comment le fini se distingue-t-il réellement de l'infini ? Par la limite, par le négatif. Le fini, comme tel, n'est donc rien ; il n'est rien dans sa quiddité, mais il est quelque chose dans son entité ; il est Dieu». Op. cit., p. 411.

12. La realità finita non è, ma egli (Dio) la fa essere colI' aggiungere alla realità infinita la limitazione (Teosofia, t. i, n. 81, p. 658). - L'essere iniziale... diventa l'essenza di ogni ente reale (ibid., t. i, n. 458, p. 399). - L'essere che attua le nature finite, a questo congiunto, essendo reciso da Dio (ibid., t. iii, n. 1425, p. 346).

col. 2935

Finita rectifias non est, sed Deus facit eam esse addendo infintitæ realitati limitotionem. Esse initiale fit essentia omnis entis realis. Esse quod actuat naturas finitas, ipsis conjunctum, est recisum a Deo.

La réalité finie n'existe pas ; mais Dieu la fait exister en ajoutant une limitation à la réalité infinie. L'être initial devient (ainsi) l'essence de tout être réel. L'être qui actue les natures finies auxquelles il est joint, est pris de Dieu.

Nous n'aurions pas séparé cette proposition de la précédente - leur signification respective étant identique si l'auteur anonyme de l'opuscule Alle quaranta proposizioni, n'avait fait à son sujet quelques instances appelant une mise au point particulière. Tout en concédant que la première partie de la proposition 12 semble «fausse» et «blasphématoire», si elle est prise à la lettre, il insiste sur la nécessité de la rapprocher du contexte. L'explication serait celle qui a toujours servi d'échappatoire aux rosminiens, savoir la distinction entre l'être indéterminé réel (Dieu) et l'être indéterminé idéal (quelque chose de divin). Et précisément l'expression essendo reciso da Dio devrait être traduite : étant abstraite de Dieu, étant prise de Dieu par abstraction, conformément aux principes mêmes de la philosophie rosminienne.

Ces explications nous ramènent toujours au même point de la controverse : comment nier l'identité entre Dieu et le «quelque chose de divin», entre l'être réel et l'être idéal, lequel n'est idéal que grâce à une abstraction. Nous sommes vraiment au rouet.

On serait d'ailleurs peu autorisé à chercher dans saint Thomas, comme l'auteur anonyme veut le faire, une justification de la position de Rosmini. Quand saint Thomas écrit : esse est illud quod est magis intimum cuilibet et quod profundius omnibus inest, cum sit formate respectu omnium quæ in se sunt, Sum. theol., Ia, q. viii, a. 2, il ne s'agit pas de l'être divin, mais de l'être, comme tel, qui ne peut être conçu comme existant que par voie de dépendance effective de Dieu créateur de tout être. Cf. Ia, q. xlv, a. 5, et De potentia, q. iii, a. 5, ad 1um et ad 2um. Dieu intervient ici comme cause efficiente et transcendante et non comme cause formelle et immanente. Trutina, n. 73-75, p. 90-94.

13. La differenza che passa ira l'essere assoluto e il relativo non è quella di sostanza a sostanza, ma ana mollo maggiore... ; perocchè s' ha diflerenza di essere in questo senso che l'uno è assolutamente ente, l'altro è assolutamente non-ente. Ma questo secondo è relativamente ente. Ora col porre un ente relativo non si multipiica assolutamente l’ente ; sicche remane, che assolutamenle l'assolulo e il relativo sia non già una soslanza solo, ma bensi un essere solo,e in questo senso non v' abbia diversità di essere anzi unité di essere (Teosofia, t. v, c. iv, p. 9).

Discrimen inter esse absolutum et esse relativum non illud est quod intercedit substantiam inter et substantiam, sed aliud multo majus : unum enim est absolute ens, alterum est absolute non-ens. At hoc alterum est relativum ens. Cum autem ponitur ens relativum, non mulliplicator absolute ens : huic absolutum et relativum absolute non sunt unica substantia, sed unicum esse ; atque hoc sensu nulla est diversitas esse, imo habetur unitas esse.

La différence entre l'être absolu et l'être relatif n'est pas celle qui intervient entre substance et substance. C'est une différence bien plus grande. L'un, en effet, est absolument être ; l'autre est absolument non-être. Mais cet autre est être relativement. Or, quand on pose un être qui l'est relativement, on ne multiplie pas l'être qui l'est absolument. D'où il suit que l'être absolu et l'être relatif ne constituent pas une substance unique, mais un être unique. Et c'est en ce sens qu'il n'y a pas entre eux de différence, bien mieux que c'est, entre eux, l'unité d'être.

Pour quiconque aura lu l'exposé de cette conception rosminienne, voir plus haut, col. 2923, le sens de cette proposition ne présente pas de difficulté spéciale. La distinction imaginée par Rosmini entré l'être qui est

col. 2936

être absolument et l'être qui est non être absolument, - qui n'a de réalité distincte que par la limitation apportée à l'être indéterminé et absolu - mais qui est être relativement, est-elle suffisante pour préserver son auteur de l'anathème porté par le concile du Vatican contre ceux qui affirment unité de substance ou d'essence entre Dieu et les créatures ? Le Saint-Office ne l'a pas pensé. La Trutina renvoie ici à saint Thomas, Cont. gent., I. I, c. xxv ; cf. n. 78, p. 96-97.

IIIe SECTION. - De la crÉation.

14. Coll' astrazione divina abbiamo veduto come sia siato prodotto l'essere iniziale, primo elemento degli enti finiti : coll' imaginazione divina, abbiamo pure veduto come sia stato prodotte il reale finita - tutte la realità di cui consta l'universo (Teosofia, t. i, n. 463, p. 408).

15. La terza operatione dell' Essere assoluto creante il mondo è la sintesi divina, cioè l'unione dei due elementi, l'essere iniziale, inizio commune di tutti gli enti finili, e il reale finito, o per dir meglio, i diversi mati finiti, termini diversi dello stesso essere iniziale. Colla quale unione sono creati gli enti finiti (ibid.).

Divina absiractione producitur esse initiale, primum finitorum entium elementum ; divina vero imaginatione producitur reale finitum, seu reaIitates omnes, quibus mundus constat.          

Par la divine abstraction est produit l'être initial, premier élément des êtres finis ; mais par la divine imagination est produit l'être fini, c'est-à-dire toutes les réalités dont le monde est constitué.

Tertia operatio esse absoluti mundum creantis est divina synthesis, id est unto duorum elementorum, quæ sunt esse initiale, commune omnium finilorum entium initium, atque reale finitum, sea potius diversa realia finita, termini diversi ejusdem esse initialis. Qua unione creantur entia finita.   

La troisième opération de l'Être absolu créant le monde est la divine synthèse, c'est-à-dire l'union des deux éléments, l'être initial, principe commun de tous les êtres finis, et le réel fini, ou pour mieux dire les diverses réalités finies, qui sont les termes différents du même être initial. C'est par cette union que sont créés les êtres finis.

On a vu plus haut, col. 2926, le résumé de la pensée rosminienne sur les trois opérations de la création. Cette pensée se retrouve adéquatement reproduite dans les deux propositions 14 et 15. Le dogme mis en péril par cette pensée est celui de la création ex nihilo. La constitution Dei Filius, c. 1 et can. 5, insiste sur ce concept catholique de la création, que saint Thomas avait déjà précisé en une brève formule : productio alicujus rei secundum suant TOTAM substantiam NULLO PRÆsuPPosITo. Sum. theol., Ia, q. lxv, a. 3. Or l'être initial, d'où procèdent toutes les entités finies par voie de limitation, n'est qu'une abstraction faite par l'intelligence divine de l'être réel absolu qu'est Dieu lui-même. C'est ce que nous avons déjà constaté plus haut, ce que Rosmini affirme en cent endroits : Vero è che la Mente divina astraente ha TROVATO e prodotto questo oggetto, che dicemmo essere iniziale, lenendo fisse lo sguardo nell' essere assoluto obiettivo. (Teosofia, t. i, p. 402). C'est de lui-même, comme d'un sujet identique, que Dieu tire les objets créés, fissando solo l'ipsum esse, e lasciando in disparte il subsistens. Opusc. Alla Civiltà catlolica, p. 39.

Si l'on voulait résumer en quelques mots l'idée de Rosmini touchant l'acte créateur, il faudrait dire avec J. Didiot : «L'être initial est identique à Dieu ; et le réel fini, les réalités finies n'en sont que les limites ou déterminations négatives. La divine synthèse unit donc Dieu avec rien, et le résultat de cette union extraordinaire est la créature». Op. cil., p. 414. Cf. Trutina, n. 86-98, p. 110-122.

16. Rijerito dall' intelligenza per mezzo della sintesi divina, l'essere iniziale, non come intelligibile, ma puramente corne essenza, ai termini reali finiti, fa che esistano gl enti finiti subiettivamente e realmente (Teosofia, t. i n. 464, p. 410).


col. 2937

Esse initiale per divinam sythesim ab intelligentia relatum, non ut intelligibile, sed mere ut essentia, ad termino finitos reales efficit ut existant entia finita subjective et realiter.

L'être initial, mis en rapport par l'intelligence (de Dieu) au moyen de la divine synthèse, non comme être intelligible, mais comme pure essence, avec les limites finies réelles, fait que les êtres finis existent subjectivement et réellement.

Aux difficultés que la conception d'un être initial, principe de toutes réalités créées, soulève à l'égard du dogme de la création ex nihilo, la 16e proposition de Rosmini ajoute une difficulté nouvelle. Elle fait de la création un acte d'intelligence divine : opération purement logique, qui ne change rien à l'état de l'être initial infini. Le concile du Vatican déclare au contraire que Dieu... sua omnipotenti virtute... liberrimo consilio... ulramque condidit creaturam. Const. De fide calholica, c. s, Denz.-Bannw., n. 1783. La création est principalement un acte de la toute-puissance divine et de la libre volonté de Dieu.

De plus, il est bien difficile de concevoir dans cet être initial une discrimination entre «l'être intelligible» et «la pure essence». Rosmini en donne une explication bien obscure : L'essere iniziale in quanto si considera come essenza dell' essere è anteriore aile forme. In quanto poi è essenzialmente intelligibile è nella forma obiettiva. (Teosofia, t. i, n. 463, p. 409).

17. Quello che fa Iddio (creando) è unicamente di porre tutto intero l'alto dell' essere nelle créature : dunque quest' atto non è propriamente facto, ma è posto (Teosofia, t. i, n. 412, p. 350).

Id unum efficit Deus creando, quod totum actum esse creaturarum integre ponit : hic igitur actus proprie non est factus, sed positus.

Tout ce que fait Dieu en créant, c'est de poser intégralement l'acte de l'exis tence des créatures ; cet acte             n'est donc pas, à proprement parlé, fait, mais posé.

Nouvelle perversion du concept de création. Alors que le symbole glorifie Dieu, FACTOREM cæli et terræ, Rosmini affirme que l'acte intégral de l'être des créatures n’est pas fait, mais est posé par Dieu. L'être initial, l'être universel, celui qui se retrouve sous toutes les limitations et les négations ne saurait, en effet, dans la théorie rosminienne, être fait et être fait de rien. Il est simplement. Où donc est la création ex nihilo que demande le dogme catholique ?

18. Vi ha una ragione in Dio stesso per la quale el si determina a creare ; e questa ragione è di novo l'amore di se stesso, il quale si ama anche nelle creat are. Quindi la divina sapienza, come meglio attrove esporremo, trova esser cosa conveniente la creazione, e questa semplice convenienza basta a far si che l'essere perfettissimo vi si determini. Ma non si deve confondere questa necessita di convenienza con quella necessità che nasce della forma reale dell' essere, e che necessita fisica si suol chiamare. La necessità di convenienza è una necessità morale, cioè veniente dall' essere sotto la sua forma morale ; e la necessitd morale non sempre induce l'effetto che ella prescrive ; ma la induce solo nell' essere perfettissimo, e non negli esseri iinperfeiti (a molti de' quali rimane percio la libertà bilaterale), perché l'essere perfettissimo è insieme moralissimo cioè ha compiuta in sè ogni esigenza morale (Teosofia, t. i, n. 51, p. 49-50).

Amer quo Deus se diligit etiam in creaturis et qui est ratio qua se determinat ad creandum, moralem necessitatem constituit, quæ in ente perfectissimo semper inducit effectum : hujusmodi enim necessitas tantummodo in pluribus entibus imperfectis integram relinquit libertatem bilateralem.

L'amour dont Dieu s'aime jusque dans les créatures et qui est la raison déterminante de la création, constitue une nécessité morale qui, dans l'être parfait, passe toujours à l'effet. C'est seulementdans la plupart des êtres imparfaits que cette sorte de nécessité laisse subsister entièrement la liberté bilatérale (agir au ne pas agir).

col. 2938

Bien que le texte latin soit un simple résumé de l'original italien, il en reproduit le sens exact et les nuances. Le dogme offensé par cette proposition est, à coup sûr, celui de la liberté de l'acte créateur : le concile du Vatican professe, en effet, que Dieu a créé le monde liberrimo consilio, et il frappe d'anathème quiconque Deum dixerit non voluntale ab OMNI necessitate libera... creasse. Const. De fide catholica, c. I et can. 5, Denz.-Bannw., n. 1783, 1805. Cf. Trutina, n. 111-114, p. 133-140. On fait remarquer d'ailleurs (à propos du texte italien) qu'autre chose est la convenance de la création, autre chose la nécessité de convenance ou morale. N. 115, p. 140-141. Par ailleurs, s'il est exact d'affirmer que la création est inspirée à Dieu par l'amour dont il s'aime lui-même jusque dans ses créatures, ce motif ne saurait introduire en Dieu la moindre nécessité à l'égard des créatures à produire. Le canon précité du concile du Vatican le spécifie expressément : S. q. d. Deum... tam necessario creasse, quam necessario amat se ipsum, a. s.


19. Il Verbo è quella materia invisa da cui dite il libro della Sapienza (xi, 18) che furono create le cose tutte dell' universo (introd. del Vangelo seconde Giovanni, lez. 37, p. 109).

Verbum est materia illa in visa ex qua, ut dicitur Sap., XI, 16, creatæ fuerunt res omnes universi.

Le Verbe est cette «matiére invisible» dont, comme le dit la Sagesse, xi, 18, ont     été créées toutes les choses de l'univers.

Une remarque de critique textuelle tout d'abord : l'expression materia invisa de la Vulgate n'exprime pas le sens exact du grec : $6Z &.e6ppou ûÀrç, d'une matière informe. Le sens obvie est celui qu'ont maintes fois exprimé les Pères et les théologiens. Voir ici CRÉATION, t. iii, col. 2050-2051. Il ne saurait donc ici être question que d'un sens purement accommodatice... que rien d'ailleurs ne justifie. Rien qu'à ce titre, la proposition mériterait d'être censurée.

Que Rosmini ait identifié les choses créées au Verbe en considérant leur essence idéale, c'est là un fait que nul ne peut contester : le Verbe et les choses trouvent également dans l'être leur essence idéale, leur fond commun, ce par quoi ils peuvent subsister. En ce sens, l'être est leur substance commune. Mais cette communauté d'être n'existe que selon l'idéalité - nous l'avons souligné expressément dans l'exposé philosophique, voir ci-dessus, col. 2923. - et c'est par là que Rosmini pense repousser l'accusation de panthéisme. Distinction bien subtile et à laquelle le Saint-Office n'a pas cru devoir s'arrêter.

IVe SECTION. De l'Âme humaine.

20. Nielle ripugna che il soggetto, di cui si parla, si moltiplichi per via di generazzione (Psicologia, t. iv, n. 656). - Noi abbiamo già detto the la generazione dell' anima umana si puo concepire per gradi progressivi dell' imperfetto al perfetto, et pero che prima ci sia il principio sensitivo, il quale, giunto alla sua perfezione colla perfezione dell' organismo, riceva l'intuizione dell' essere, e cosi si renda intelletlivo e razionale (Teosofia, t. i, n. 646, p. 619).

Non repu gnat ut anima humana generatione mulliplicetur, ita ut concipiatur eum ab imperfecto, nempe a gradu sensitivo, ad perfectum, nempe ad gradum intellecticum, producere.

Il ne répugne pas que l'âme humaine se propage par voie de génération, de telle sorte qu'elle soit conçue comme s'élevant du degré imparfait - l'âme sensitive - au degré parfait - l'âme intellective.

Le texte italien est ici, quant à la deuxième partie de l'assertion, plus expressif que le texte latin : «Nous avons déjà dit que la génération de l'âme humaine peut se concevoir par degrés progressifs de l'imparfait au parfait et qu'en conséquence il y ait un principe sensitif, lequel, joignant sa propre perfection à la perfection de l'organisme, reçoive l'intuition de l'être et se rende de la sorte intellectif et rationnel».

col. 2939

S'il a pu exister, jadis, des hésitations au sujet de l'origine de l'âme humaine, il n'en est plus ainsi aujourd'hui. C'est un dogme de la foi que l'âme humaine est créée par Dieu en même temps qu'infusée au corps. L'enseignement du magistère ordinaire suffirait à donner à cette vérité une proposition authentique. Cf. C. Boyer, Tractatus de Deo creante et elevante, Rome, 1933, p. 149-150. Mais il semble bien que la définition du Ve concile du Latran implique la création par Dieu de chaque âme selon la multiplication des corps. Voir ici FORME DU CORPS HUMAIN, t. VI, col. 566. Cf. Trutina, n. 125-135, p. 158-178.

La deuxième assertion, censurée dans cette proposition 20, c'est le progrès concernant l'âme sensitive qui, par sa perfection croissante, en même temps que croît la perfection de l'organisme, s'élèverait, par l'intuition de l'être, au degré supérieur d'âme intellective. Conception qui n'a rien de commun avec l'opinion des anciens théologiens sur l'animation humaine et qui, prout sonat, suppose une évolution naturelle et spontanée de l'ordre matériel à l'ordre spirituel.

21. Rendendosi l'essere intuibile al detto principio (sensitivo), con questo solo toccamento, con questa unione di sè, il principio prima solo senziente, ora anco intelligente, si solleva a più alto stato, cangia natura, rendest intellettivo, sussistente, immortale (Antropologia, t. iv, c. v, n. 819). - Quindi si offre alla mente l'espressione, che il principio sensitivo sia divenuto principio razionale, che si sia convertito in un altro, avendo subito veramente una tale permutazione (Teosofia, t. i, n. 646, p. 619).

Cum sensitivo principio intuibile fit esse, hoc solo tactu, hac sui unione, principium illud antea solum sentiens, nunc simul intelligens, ad nobiliorem statum evehitur, naturam mutat, ac fit intelligens, subsistens atque immortale.

Quand l'être se manifeste comme objet d'intuition au principe sensitif, celui-ci, par ce seul contact, par cette seule union, s'élève à un état supérieur. Lui qui était seulement sentant, devient aussi    maintenant intelligent ; il change de nature et devient intelligent, subsistant et immortel.

Ainsi, grâce au contact avec l'être, objet d'intuition, le principe sensitif devient principe rationnel. Mélange de panthéisme et de matérialisme, comme on l'indiquait en fin du commentaire de la précédente proposition. Il est curieux de constater que saint Thomas avait déjà réfuté une erreur analogue. Sum. theol., Ia, q. cxviii, a. 2, ad 2um ; cf. Cont. gent., 1. II, c. lxxxix. Trutina, n. 136-144, p. 178-190.

22. Quanta poi aile appendici di cui parliamo, cioè al corpo animato, non è cerlo impossibile il pensare, che dalla potenza divins possa essere da lui divisa l'anima intellettiva, ed egli tuttavia rimanersi nella qualità di animale, rimanendo il principio animale che prima esisteva come appendice, siccome base del novo ente, cioè del puro animale che rimarebbe (Teosofia, t. i, n. 621, p. 591).

Non est cogitatu impossibile, divina potentia fieri posse, ut a corpore animato dividatur anima intellettiva, et ipsum adhuc maneat animale : maneret nempe in ipso, tanquam basis puri animalis, principium animale, quod antea in eo erat veluti appendix.

Il n'est pas impossible de concevoir que, par la divine puissance, puisse être séparée du corps animé l'âme intellective, et que ce corps reste encore un animal. Car le principe animal, qui était en lui auparavant comme l'appendice (de l'âme intel   lective), demeurerait en lui comme la base du pur animal.

Bien que Rosmini n'envisage la réalisation de cette possibilité que par miracle, cf. Psicologia, t. I, p. 672, 680, le seul fait de considérer dans l'âme humaine la possibilité de séparer le principe intellectif du principe sensitif, doit être réprouvé. Ce fut jadis le tort d'Olieu d'enseigner cette séparabilité. Cf. FORME du CORPS HUMAIN, t. VI, col. 549. La doctrine d'un principe vital distinct de l'âme intellective a été notée comme une

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erreur théologique par Pie IX. Ibid., col. 563. Trutina, n. 145-149, p. 190-199.

23. Questa (l'anima del defunto) esiste certamente, ma e come se non esistesse (Teodicea, appendice, a.10, p.638). Nel quale stato (di natura) non essenda a lei (ail' anima separata) possibile alcuna riflessione su di sè stessa, nè alcuna coscienza, la sua condizione si potrebbe rassomigliare ad uno stato di perpetue tenebre, e di sempiterno sonno (Introd. del Vangelo secondo Giovanni, lez. 69, p. 217).

In statu naturali, anima defuncti existit perinde ac non existeret : cum non possit ullam super seipsam reflexio nem exercere, aut ullam habere sui conscientiam, ipsius conditio similis dici potest statui tenebrarum perpetuarum et somni sempiterni.

Dans l'état naturel, l'âme du défunt existe comme si elle n'existait pas, car elle ne peut plus exercer de réflexion sur elle-même, ou avoir aucune conscience de soi. Sa condition peut être assimilée à un état de ténèbres perpé            tuelles et d'éternel sommeil.

On pourrait discuter sur la valeur psychologique de cette hypothèse relative à l'état de l'âme séparée du corps et considérée dans l'état-naturel. Ce que le Saint-Office a voulu réprouver ici, c'est la doctrine selon laquelle une âme séparée, par là même qu'elle n'a plus son corps, est incapable de tout acte de connaissance intellectuelle et de conscience. Les raisons qu'apporte Rosmini de son opinion sont sujettes à réserve : d'après lui, «la vie de l'âme exige un terme réel qui lui soit uni, avec lequel elle ne forme qu'un seul sujet, lequel, quand seront réalisées les conditions opportunes, pourra exercer les opérations vitales de sentir et de penser des choses réelles». Introd., p. 221. Ce terme réel ne peut être que le corps.

Donc l'union au corps est nécessaire à la vie de l'âme ; donc la résurrection ne saurait être dite gratuite ; donc la vie intellectuelle de l'âme n'est pas tellement spirituelle qu'elle puisse s'exercer sans le corps... On voit par là tous les aboutissements possibles d'une théorie qui, par là même, devient périlleuse pour la foi. Cf. Trutina, n. 150-160, p. 199-212.

24. La forma sostanziale del corpo è piutosto un effetto dell' anima e il termine interno delle sue operazioni ; e perd non è l'anima stessa che sia la formà sostanziale del corpo (Psicologia, part. II, 1. I, c. II, n. 849). - L'unione dell' anima col corpo consiste propriamente in una percezione immanente, per la quale il soggetto intuente l'idea afferma il sensibile dopo averne in questa intuita l'essenza (Teosofia, t. v, c. liii, a. 2, § 5, p. 377)

Forma substantialis corporis est potiu effectus animæ atque interior terminus operationis ipsius : propterea forma substantialis corporis non est ipsa anima.

Unio animæ et corporis proprie consistit in immanenti perceptione, qua subjectum intuens ideam affirma sensibile, postquam in hac ejus essentiam intuitum fuerit.

La forme substantielle du corps est plutôt l'effet de l'âme et le terme intérieur de son opération. Aussi la forme substantielle du corps n'est pas l'âme elle-même.

L'union de l'âme et du corps consiste proprement dans la perception immédiate, par laquelle le sujet, saisissant l'idée (de l'être), affirme le sensible, pour avoir saisi dans cette idée l'essence même du sensible.

C'est une application de la doctrine du sens fondamental, que nous avons déjà réfutée à FORME DU CORPS HUMAIN, t. VI, col. 569. L'union de l'âme et du corps ne saurait être le résultat d'une opération de connaissance. Or, c'est ce qu'affirme ici Rosmini, oubliant que le concile de Vienne a défini comme un dogme de foi «que l'âme rationnelle ou intellective est la forme du corps humain, par elle-même et essentiellement». Ibid., col. 546. Voir également la définition du V. concile du Latran, ibid., col. 566 : la déclaration de Pie IX, ibid., col. 562. Denz.-Bannw., n. 481, 738, 1655. Sur les subterfuges des rosminiens, voir Trutina theologica, n. 161-171, p. 213-229.

col. 2941Zone de Texte: to mette ma e

Ve. SECTION. —Du trÈs auguste mystÈre de la sainte TrinitÉ.

25. Il mistero della Triade... dope che fu rivelalo, esse rimane bensi lncomprehensibile nella sua pro pria natura... ma ben... si puo conoscere quella (l'existenza) d'uns Trinità in Dio in un modo almeno congetturale con ragioni positive e directe, e dimostrativamente con ragioni negative ed indirette ; e che, mediante queste prove puramente speculative dell' esistenza di un' augustissima Triade, questa misleriosa dottrina rientra nel campo della filosofia. - Quest' esistenza (della SSma Trinità) diventa une proposizione scientifica come le altre. - Qualora si negasse quella Trinità, ne verrebbero da tutte le parti conseguenze assurde apertamente... O conviene ammetiere la divina Triade, o lasciare la dottrina teosofica di pura ragione incompleta non solo, ma pugnanle d'ogni parte seco medesima, e dagli assurdi inevitabili straziata a del tutto annullata.

Revelato mysterio sanctissimæ Trinitatis, potest ipsius existentia demonstrari argumentis mere speculativis, negativis quidem et indirectis, hujusmodi tamen ut per ipsa, veritas illa ad philosophicas disciplinas revocetur, atque fiat propositio scientifica sicut ceteræ : si enim ipsa negaretur, doctrina theosophica puræ rationis non modo incompleta maneret, sed etiam omni ex parte absurditatibus scatens annihilaretur.

Une fois le mystère de la très sainte Trinité révélé, son existence même peut être démontrée par des arguments purement spéculatifs, négatifs sans doute et indirects, mais cependant tels que par eux cette vérité est ramenée aux connaissances philosophiques et que d'elle, comme des autres connaissances de ce genre, on peut faire une proposition scientifique. De telle sorte que si   on la nie, la doctrine théosophique de pure raison non seulement demeure incomplète, mais est détruite par les absurdités mêmes qui en sortiraient de toutes parts.

26. L'essere nelle tre forme (subiettività, obiettività, santitâ. o per dire altramente : realità, idealità, moralità) è identico. - Le tre forme poi dell' essere, ove si transportino nell' Essere assoluto, non si possono più concepire in altro modo, che come persone sussistentt e viventi (Teosofia, t. i, n. 190, 196, p. 154, 159). - Il Verbo, in quanto è oggetto amato, e non in quanto è Verbo cioè oggetto sussistente per sè cognito, è la persona delle Spirite Santo (Introduzione del Vangelo seconde Giovanni, lez. 65, p. 200).

Tres supremæ formæ esse nempe subjectivitas, objecti vitas, sanctitas, seu realitas, idealitas, moralitas, si transferantur ad esse absolutum, non possunt aliter concipi nisi ut persanæ subsistentes et viventes. - Verbum, quatenus objectum amatum, et non quatenus Verbum, id est objet tum in se subsistens per se cognitum, est persona Spiritus Sancti.

Les trois formes suprêmes de l'être, savoir la subjectivité, l'objectivité, la sainteté ou, en d'autres termes, la réalité, l'idéalité, la moralité, si on les transfère à l'être absolu, ne peuvent être connues autrement que comme des personnes subsistantes et vivantes. - Le Verbe, en tant qu'objet aimé et non en tant que Verbe, objet subsis            tant en soi et par soi connu, est la personne du Saint-Esprit.

Nous avons réuni les deux propositions concernant la Trinité, la seconde complétant la première et esquissant la démonstration philosophique du mystère. La première contient des affirmations nettement contraires à la doctrine catholique, maintes fois promulguée, sur l'impossibilité radicale de démontrer, de quelque façon que ce soit, l'existence des mystères proprement dits. Tout au plus, une fois leur révélation faite, peut-on en affirmer la convenance. Le rôle de la raison à leur égard est bien plutôt de résoudre les difficultés qu'on soulève à leur sujet en montrant qu'ils n'impliquent pas contradiction. Voir ici MYSTÈRE, t. x, col. 2594 sq. Les documents auxquels s'oppose la proposition 25 sont : concile du Vatican, sess. iii, c. iv, De fide et ratione, et can. 1, Denz.-Bannw., n. 1795, 1796, 1816 ; Syllabus, prop. 9, ibid., n. 1709 ; voir MYSTÈRE, col. 2587, 2598 ; Pie IX, Allocution

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Singulari quadam, Denz.-Bannw., n. 1642 ; Lettres Gravissimas inter, ibid., n. 1668, 1669, 1670, 1671, 1673. Voir SEMIRATIONALISME.

Nous n'avons pas à suivre Rosmini dans la tentative de démonstration rationnelle du mystère de la Trinité, qu'il institue dans la proposition 26. Cette démonstration est un effort pour adapter les formules de l'idéalisme kantien à la doctrine catholique, résumée brièvement et avec précision par différents documents du magistère : In Deo omnia sunt unum, ubi non obviat relationis oppositio. Voir ici RELATIONS DIVINES, t. xiii, col. 2140. Rosmini n'ignore pas cette doctrine ; il la professe même dans le passage de la Teosofia d'où le Saint-Office a extrait la proposition 26 : essendo dunque quelle tre forme inconfusibili, perchè hanno UNA COTALE RELAZIONE D'OPPOSIZIONE TRA LORO. p. 159.

Mais ce qu'on incrimine ici, ce sont deux assertions inacceptables. La première, c'est que les formes suprêmes de l'être, réalité, objectivité, moralité, transférées dans l'Être absolu, NE peuvent être conçues QUE comme des personnes subsistantes. C'est renouveler l'erreur de la démonstration philosophique du mystère. La seconde, c'est que le Verbe, sous un certain rapport, n'est plus le Verbe, mais l'Esprit. Formule inintelligible, dangereuse, sinon formellement hérétique.

VIe SECTION. - Du mystÈre de l'incarnation et du caractÈre baptismal.

27. Nell' umanità di Cristo la voluntà umana fu talmente rapita dallo Spirito Santo ad aderire all' essere oggettivo, cioè al Verbo, che ella cedette intieramente a lui il governo dell' uomo, e il Verbo personalmente ne prese il regime cosi incarnandosi, rimanendo la volontà umana e l'altre potenze subordinate alla volontà in potere del Verbe, che, come primo principio di quest' essere teandrico, ogni cosa faceva, o si faceva dalle altre potenze col suo consenso. Onde la volontà umana cesso di essere personale nell' uomo e da persona che è negli altri uomini rimase in Cristo netura... Il Verbo pero incarnato cosi per opera delle Spirito Santo estese la sua unione a tutte le potenze ed alla carne stessa (Introduzione del Vangelo secondo Giovanni, lez. 85, p. 281).

In humanitate Christi humana voluntas fuit ita rapta a Spiritu Sancto ad adhærendum Esse objectivo, id est Verbo, ut illa Ipsi integre tradiderit regimen hominis, et Verbum, illud personaliter assumpserit, ita sibi uniens naturam humanam. Hinc votuntas humana desiit esse personalis in homine, et cum sit persona in aliis hominibus, in Christo remansit natura.

Dans l'humanité du Christ la volonté humaine fut tellement ravie par l'Esprit-Saint dans l'adhésion à l'Être objectif, c'est-à-dire au Verbe, qu'elle lui a cédé entièrement le gouvernement de l'homme. Le Verbe a pris ainsi persdnnellement ce gouvernement en sorte qu'il s'est de la sorte uni la nature humaine. Ainsi la volonté hu            maine cessa d'être personnelle dans l'homme, et ce qui constitue dans les autres hommes la personne demeura dans le Christ, simple nature.

Comment cette proposition s'insère dans le système général du rosminianisme, nous l'avons expliqué à HYPOSTATIQUE (Union), t. VII, col. 557-558. Cf. Trutina, n. 197-205, p. 267-280.

28. Insegno dunque il Cristianesimo che il Verbo, carattere e faccia di Dio, come viene anco sovente chiamato nelle Scritture, s'imprime nelle anime di quelli, che colla fede ricevono il battesimo di Cristo (Introduzione alla filosofia, n. 92). - Il Verbo dunque ossia il carattere impresso nell' anima, secondo il cristiano insegnamento, è l'essere reale (infinito) per sè manifesto, il quale dipoi sappiamo essere una persona, la seconda della divina Trinité (ibid., nota).

In christiana doctrine, Verbum, character et facies Dei, imprimitur in animo eorum qui cum fide suscipiunt baptismum Christi. - Verbum id est character in anima im

Dans la doctrine chrétienne, le Verbe, caractère et face de Dieu, est imprimé dans l'âme de ceux qui re çoivent avec foi le baptême du Christ. - Le Verbe, c'est-

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pressum, in doctrina christiana, est Esse reale (in finitum) per se manifestum, quod deinde novimus esse secundam personam sanctissimæ Trinitatis.

à-dire le caractère imprimé dans l'âme, selon la doctrine chrétienne, est l'Être réel, infini, qui se manifeste par lui-même [à l'intelligence], et   que nous connaissons ensuite être la seconde personne de la très sainte Trinité.

La Trutina rapproche la prop. 28 de la précédente relative à l'incarnation, parce qu'il y est encore question du Verbe. Il serait peut-être encore plus opportun d'ajouter qu'une troublante similitude de rapport entre le Verbe et le chrétien y existe avec l'explication proposée (prop. 27) pour l'incarnation.

La proposition est répréhensible sous plus d'un aspect. Tout d'abord, Rosmini semble supposer que le caractère baptismal n'est imprimé qu'en ceux qui reçoivent le baptême cum fide. Et les petits enfants ? Et ceux qui reçoivent le baptême validement, mais avec une fiction provenant, précisément d'un manque de foi ? Mais ensuite, et surtout, bien que l'Église n'ait défini que l'existence du caractère imprimé dans l'âme, sans en préciser la nature, il est évident que ce caractère, imprimé dans l'âme (cf. Conc. Trid., sess. vii, can. De sacr. in genere, 9, Denz.-Bannw., n. 852) ne saurait être entendu que d'un accident réel, inhérent à l'âme ou à l'une de ses facultés, d'une manière indélébile. Comment identifier cet accident inhérent avec le Verbe, être réel infini, connu manifestement par l'âme ? D'ailleurs, de cette perception du divin sous la forme de l'être réel, il sera question aux propositions 36-37. Cf. Trutina, n. 206-213, p. 281-291.

VIIe SECTION. - Du trÉs saint sacrement de l'eucharistie.

29. Non crediamo aliena dalla dottrina catholica, che solo è veina, la seguente conghiettura : cioè che neli' eucaristico sacramento la sostanza del pane e del vino ha cessato intieramente d'essere sostanza del pane e del vino, ed è divenuta vera carne e vero sangue di Cristo, quando Cristo la rese termine del suo principio senziente, e cosl la avvivo della sua vita, e quel modo come accade nella nutrizione, che il pane che si mangia e il vino che si beve, quand'è, nella sua parte nutritiva, assimilato alla nostra carne e al nostro sangue, egli è veramente iransustanziato, e non è più, come prima pane o vino, ma è veramente nostra carne e nostro sangue, perché è divenuto termine del nostro principio sensitivo (Introduzione del Vangelo secondo Giovanni, lez. 87, p. 285-286).


A catholica doctrina, quæ sola est veritas, minime alle nam putamus hanc conjectu ram : «In eucharistico sacramento substantia panis et vinifit vera caro et verus sanguis Christi, quando Christus eam facit terminum sui principii sentientis, ipsamque sua vita vivificat : eo ferme modo quo panis et vinum vere transsub stantiantur in nostram carnem et senguinem, quia fiunt terminus nostri principii sentientis».

Ce ne serait pas une conjecture contraire à la doctrine catholique, qui seule est la vraie, que de dire : «Dans le sacrement de l'eucharistie, la substance du pain et du vin devient la vraie chair et le vrai sang du Christ, quand le Christ fait d'elle le terme de son principe sentant et la vivifie par sa propre vie, presque de la même manière que le pain et le vin sont véritablement        transsubstantiés en notre chair et notre sang, puisqu'ils deviennent le terme de notre principe sentant».

La doctrine catholique ici mise en péril est celle-là même que le concile de Trente a définie au sujet de la transsubstantiation, «conversion de toute la substance du pain, en la substance du corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et de toute la substance du vin en la substance de son sang... conversion admirable et singulière». Sess. xiii, c. iv, can. 2, Denz.-Bannw., n. 877, 884. Voir ici EUCHARISTIE, t. v, col. 1347 sq. La proposition rosminienne tendrait à ramener la transsubstantiation à une sorte de conversion simplement

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formelle, comme le montre l'assimilation de la nourriture corporelle. Transformation et non plus transsubstantiation. Où serait le caractère admirable et singulier de la transsubstantiation ? De plus, comment concevoir que le Christ, aujourd'hui dans l'état de gloire, puisse vivifier par son principe sentant pain et vin ? Il y a là une véritable méconnaissance de l'état des corps glorifiés.

Il faut reconnaître cependant que certains Pères ont pris comme comparaison lointaine de la vérité de l'eucharistie l'exemple de la nourriture et du breuvage transformés en notre chair. Cf. Trutina, n. 215-220, p. 296-303.

30. Avvenuta la transustanziazione, si puo intendere che al corpo glorioso (di Gesù Crislo) si sia aggiunta qualche parte in esso incorporata, ed indivisa e del pari gloriosa (ibid.).

Peracta transubstantiatione intelligi potest, corpori Christi glorioso partem aliquam adjungi in ipso incorporatum, indivisam pariterque gloriosam.

La transsubstantiation achevée, on peut penser que quelque partie, incorporée au corps glorieux du Christ, inséparée de lui et glorieuse comme lui, lui est jointe.

Cette proposition marque, une fois encore, la conception peu exacte qu'a Rosmini, tant de la transsubstantiation que de l'état des corps glorieux. De la transsubstantiation d'abord, dans laquelle toute la substance du pain et du vin est changée en la substance du corps de Jésus. II ne peut donc y avoir de ce chef aucune addition à ce corps. C'est ce qu'exprime nettement le catéchisme du concile de Trente : Neque Christus aut generatur, aut mutatur, aut AUQESCIT, sed in sua substantia totus permanet (De sacr. euch., n. 33). Cf. S. Thomas, In IVum Sent., dist. XI, a. 3. De l'état des corps glorieux, ensuite : comment concevoir qu'un corps glorieux soit en continuelle mutation, comme ce serait le cas si au corps glorieux du Christ pouvaient être faites de continuelles additions?

Dans la conception rosminienne, «le pain et le vin ne sont pas changés au corps et au sang de Jésus-Christ : ils leur sont ajoutés». J. Didiot, op. cit., p. 428. Cf. Trutina, n. 221-223, p. 304-307.

31. Appunto perché il corpo di Cristo é unico ed indiviso, egli è necessario che dove si trovi una parte si trovi tutto... ; ma non tutto quel corpo diviene termine del suo principio senziente, ma unicamente quelle parte che v' aveva di sostanza di pane e di sostanza di vino nella transustanziazione. Aneora ne verrebbe che in virtù delle parole divine questa sostanza del pane e del vino si transustanziasse in carne e sangue del Selvatore ; ma il rimanenle del corpo e del sangue vi rimànesse unito per concomitanza ; il che non par contrario alla doltrine cattolica (ibid., p. 286-287).

In sacramento eucharistiæ, vi verborum corpus et sanguis Christi est tantum ea mensura quæ respondet quantitati (a quel tanto ) substantiæ panis et vini quæ transsubstantiantur ; reliquum corporis Christi ibi est per concomitantiam.

Dans le sacrement de l'eucharistie, vi verborum, le corps et le sang du Christ existent seulement dans la mesure qui répond à la quantité de la substance du pain et du vin qui est transsub           stantiée, le reste du corps du Christ n'y est que per concomitantiam.

Cette proposition modifie le concept catholique de la transsubstantiation. Sans doute, au chapitre ni de la sess. xiii, le concile de Trente affirme simplement que le corps du Christ se trouve, vi verborum, sous l'espèce du pain, le sang, vi verborum, sous l'espèce du vin. Il ajoute que le corps se trouve sous l'espèce du vin, le sang sous l'espèce du pain, l'âme sous les deux espèces, en raison de la loi naturelle de la concomitance. Mais il est clair que c'est tout le corps du Christ qui est présent. vi verborum, sous l'espèce du pain, tout le sang, sous l'espèce du vin. La théologie l'a toujours ainsi compris. Cf. S. Thomas, Sum. theol., IIIa, q. lxxvi, a. 1 : Ex vi

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sacramenti, sub hoc sacramento continetur, quantum ad species punis, non solum caro, sed tolum corpus Christi...

Il faut reconnaître que Rosmini est logique avec ses principes. Pour lui, «la transsubstantiation est une extension du principe sensitif du Christ. Mais cette extension n'a pas pour terme le corps préexistant du Christ ; elle ne s'applique qu'à la partie nouvelle qui lui est ajoutée et qui correspond à ce qu'il y avait de substance matérielle dans le pain et le vin consacrés. La consécration ne produit donc pas la réelle présence de tout le corps et de tout le sang, mais seulement de la partie ajoutée que nous avons dite». J. Didiot, op. cit., p. 429. Cf. Trutina, n. 224-228, p. 307-315. Voir ici EUCHARISTIE, t. V, col. 1366.

32. Se dunque chi non mangia la carne del Figliolo dell' uomo, e bee il suo sangue, non ha la vita in sè stesso, e tuttavia chi muore col battesimo d'acqua o di sangue o di desiderio è certo che acquista la vita eterna; convien dire che quella comestione della carne e del sangue di Cristo, che non fece nella vita prescrite gli verrà somministrata nella jutura al punto della sua morte,e cosi aura la vita in sè stesso... Anche ai nanti dell', antico testamento quando Cristo discese ai limbo potè Cristo communicare sè stesso sotte la forma di pane e di vino, e cosi... renderle atti alla visione di Dio (Introd. del Vangelo sec. Giovanni, lez. 74, p. 238).

Quoniam «qui non manducas carnem Filti hominis et bibit ejus senguinem», non habet vitam in se (Joa., vi, 54), et nihilominus qui moriuntur eum baptismo aquæ, sanguinis aut desiderii, certo consequuntur vitam æternam, dicendum est his qui in hoc vita non comederunt corpus et sanguinem Christi, subministrari hanc cælestem cibum in futura vita, ipso mortis instanti. - Hinc etiam sanctis Veteris Testamenti potuit Christus descendens ad inferos se ipsum communicare sub speciebus partis et vini, ut aptos eos redderet ad visionem Dei.    

Parce que «celui qui ne mange pas la chair du Fils de l'homme et ne boit pas son sang» n'a pas la vie en lui et que cependant ceux qui meurent avec le [seul] baptême d'eau, de sang ou de désir obtiennent la vie éternelle, il faut dire qu'à ceux-là qui, dans la vie présente, n'ont pas mangé le corps et [bu] le sang du Christ, cette nourriture céleste est administrée dans la vie future, au moment même de la mort. - De là aussi, aux saints de l'Ancien Testament, le Christ descendant aux enfers, a pu se communiquer lui-même sous les espèces du pain et du vin, pour les rendre aptes à la vision de Dieu.

La haute fantaisie de semblables assertions est tellement évidente qu'aucun commentaire n'en est nécessaire. Les défenseurs de Rosmini ont fait valoir qu'il ne s'agissait ici que d'une nourriture spirituelle, dans le sens où le concile de Trente lui-même (sess. xiii, c. viii, Denz.-Bannw., n. 882 fine) enseigne que «nous mangerons dans le ciel, sans voile aucun, le pain que nous mangeons présentement caché sous les voiles eucharistiques». On insiste également sur ce fait que, dans le texte original italien, Rosmini a écrit : sotto la forma di pane e di vino, et que le Saint-Office a traduit «tendancieusement» : sub speciebus panis et vini. Cf. Commenti di un prelato romano ad un opuscule polemico, Rome, 1888, p. 102. Petites échappatoires, car il semble bien qu'il s'agisse, dans la pensée de Rosmini, d'une manducation réelle et sacramentelle. Même, s'il en était autrement, le seul fait de s'être exprimé d'une façon équivoque mériterait la condamnation. Cf. Trutina, n. 229-239, mais surtout 236, p. 315-329 [325].

VIIIe Section. Du péché originel et de l'immaculée conception de la bienheureuse vierge Marie.

33. (I demonii) impossessatisi di un fretto pensarono che entrerebbero nell' uomo, quand 'egli spiccatolo dall' albero, ne mangiasse ; giacchè il cibo convertendosi nel corpo animato del'' uomo, essi potevano entrare a man salva nell' animalità, ossia nella vita soggettiva di questo essere, e farne quel governo che si proponevano (Introd. del Van gelo sec. Giovanni, lez. 63, p. 191).

col. 2946

Cum dæmones fruetum possederent, putarunt se ingressuros in hominem, si de illo ederet ; converso enim cibo in corpus hominis animatum, ipsi poterant Iibere ingredi animalitatem, id est in vitam subjectivam hujus entis, atque ita de eo disponere sicut proposuerant.

Comme les démons avaient pris possession du fruit (défendu), ils pensèrent pouvoir entrer dans l'homme, si celui-ci venait à en manger. La nourriture [le fruit] étant changée au corps animé de l'homme, ils pouvaient librement prendre possession de           l'animalité, de la vie subjective de cet être [l'homme] et disposer ainsi de lui, comme ils se l'étaient proposé.

Cette proposition pourrait être l'objet d'un long commentaire, car elle touche aux aspects les plus divers du problème théologique du péché originel. Bornons-nous à l'essentiel : 1° Jamais les Pères et les théologiens n'ont envisagé que l'interdiction portée par Dieu à Adam de manger le fruit défendu, pouvait avoir comme raison, la possession de ce fruit par le démon, qui, par le fruit mangé, entrerait dans le corps d'Adam et en deviendrait le maître. 2° Cette proposition recouvre une théorie singulière sur l'essence du péché originel : le péché originel n'étant qu'une infection physique de la chair de l'homme. Si cette infection physique est dans le corps, comment peut-elle souiller l'âme, et surtout comment peut-elle être enlevée par la purification spirituelle du baptême ? D'ailleurs toutes les instances qu'on peut faire en faveur d'une conception physique du péché originel reçoivent une satisfaction convenable dans la doctrine thomiste qui considère le péché originel comme consistant matériellement dans la concupiscence, formellement dans la privation de la justice originelle. Inutile d'insister. Voir Trutina, n. 241-254, p. 332-353.

34. Preservô (Iddio) dal peccato originale una donzella... alla quale preservazione dall' infezione originale bastava che rimanesse incorrotto un menomo seme dell' uomo, trascurato forse dal demonio stesso, dal quale seme incorrotto passato di generazione in generazione uscisse e suo tempo la Vergine (ibid., lez. 64, p. 193.)

Ad præservandum B. V. Mariam a labe originis, satis erat ut incorruptum maneret minimum semen in homine, neglectum forte ab ipso dæmone ; e quo in corrupto semine, de generatione in generationem transfuso, suo tempore oriretur virgo Maria.

Pour préserver la bienheureuse vierge Marie de la tache originelle, il suffisait qu'en Adam une toute petite parcelle de semence, négligée peut-être par le démon, restat intacte, et que de cette parcelle intacte, transmise de             génération en génération, sortît en son temps la vierge Marie.

Cette proposition fait corps avec la précédente. Le démon aurait oublié de prendre possession d'une petite parcelle de semence humaine et c'est par la transmission de cette parcelle que s'expliquerait l'immaculée conception de Marie ! Voir ici IMMACULÉE CONCEPTION, t. vii, col. 1215. Sans doute, il est possible de trouver, dans le Moyen Age des précurseurs de Rosmini (sauf en ce qui concerne l'oubli du démon) quant à la particula sana. Mais cette doctrine, qui s'inspire du traducianisme augustinien, a depuis longtemps été rejetée. Elle repose d'ailleurs sur une impossibilité matérielle signalée par saint Thomas, Ia, q. cxix, a. 4 ; elle parait difficilement conciliable avec l'enseignement de la bulle Ineffabilis attribuant au Christ lui-même, par un mode de rédemption particulier, la préservation de sa sainte Mère en ce qui concerne le péché originel : fuisse singulari... privilegio, intuitu meritorum Christi... ab omni originalis culpæ labe præservatam immunem. Denz.-Bannw., n. 1641. Il ne s'agit pas d'inadvertance du démon. Trutina, n. 255-261, p. 353-364.

IXe SECTION. De la justification.

35. Più che altri considera questo ordine delta giustificazione dell' uomo, più troverà acconcia la maniera scritturale di

col. 2947

dire che Dio cuopre certi peccati o non gl' imputa. Infatti col battesimo non si distrugge la mala volontà naturale, ma le se n'aggiunge una sopranaturale, che cuopre per cost dire, la naturale, e impedisce che quella perds l'uomo. Onde il Salmista dice : Beati quelli, le iniquità dei quali furono rimesse, e i peccati de' quali furono coperti ; dove si fa la differenza fra le iniquità che si rimettono, e i peccati che si cuoprono, e sembra che per quelle si vogliano intendere le colpe attuaii e libere, e per questi i peccati non liberi di quelli che appartengono al popolo di Dio, e che pero non ne ricevono più danno alcuno. Trattato della coscienza morale, I. I, c. vi, a. 1.

Quo magis attenditur ordo justijcationis in homine, eo aptior apparet modus dicendi scripturalis, quod Deus peccata quædam tegit aut non imputat. - Juxta Psalmis tam (xxxi, 1) discrimen est inter iniquitates quæ remittuntur, et peccata quæ teguntur : illæ, ut videtur, sunt culpæ actuales et liberæ, hæc vero sunt peccata non libera eorum qui pertinent ad populum Dei, quibus propterea nullam afferunt nocumentum.

Plus on prend garde à l'ordre de la justification dans l'homme, et plus apparaît juste le langage de l'Écriture, d'après lequel Dieu couvre ou n'impute pas certains péchés. - D'après le Psalmiste il y a une différence entre les iniquités qui sont remises et les péchés qui sont couverts. Celles-là, semble-t-il, sont les fautes actuelles et libres, ceux-ci les péchés non libres de ceux qui appartiennent au             peuple de Dieu et qui n'en reçoivent de ce chef aucun dommage.

Voir l'observation faite au sujet de cette proposition à JUSTIFICATION, t. VIII, col. 2208. Le langage de Rosmini rappellerait assez celui du protestantisme, qu'a réprouvé le concile de Trente, sess. v, c. v, Denz.-Bannw., n. 792 ; sess. vi, c. vii et can. 10, 11, n. 799, 720, 821 ; sess. xiv, c. ii, n. 895. La seule différence d'ailleurs, entre Rosmini et les protestants, c'est que ceux-ci faisaient consister la rémission des péchés dans l'imputation qui est faite au pécheur de la justice du Christ. Rosmini y ajoute une volonté surnaturelle, qui couvre en nous le mal de la volonté naturelle. La différence paraît de nulle importance pour le fond même de la question.

Xe SECTION. De l'ordre surnaturel.

36. L'essere (essenziale) si communica a noi nella sola forma ideale per natura, e questo costituisce l'ordine naturale ; l'essere stesso si manifesta a noi altresi nella pienezza della sua forma reale per grazia, e questa è communicazione e percezione vera di Dio, e costituisce l'ordine soprannaturale... L'effetto della communicazione soprannaturale è un sentimento deiforme, di cui non abbiamo a principio coscienza, come non l'abbiamo di ogni sentimento nostro sostanziale e fondamentale. Or poi il sentimento deiforme, di cui parliamo, è incipiente in questa vita, nella quale costituisce il lume della fide e della grazia ; compiuto nelI' altra, nella quale costituisce il fume della gloria (Filosofia del Diritto, part. II, n. 674, 676, 677).


Ordo supernaturalis constituitur manifestatione esse in plenitudine suæ formæ realis : cujus communicationis seu commanifestationis effectus est sensus (sentimento) deiformis qui inchoatus in hac vita constituit lumen fidei et gratiæ, completus in altera vita constituit lumen gioriæ.

L'ordre surnaturel est cons titué par la manifestation de l'être dans la plénitude de sa forme réelle. De cette munication ou manifestation l'effet est un sentiment déiforme, qui, commencé en cette vie, constitue la lumière de la foi et de la grâce et qui, achevé dans l'autre vie, constitue la lumière de la gloire.

37. II primo lume che rende l'anima intelligente è l'essere ideale ed indeterminato ; l'altro primo lume è ancora i'essere, ma non puramente ideale, ma ben anche sussistenze e vivente... L'idea adunque è l'essere intuito dall' uomo, ma non è il Verbo ; chè non quella ma questo è sussistenza ; quello è l'essere che occulta la sua sussistenza e lascia solo trasparire la sua oggettavità indeterminata ed impersonale ; nella mente che intuisce l'idea non cade la personnalité dell' essere... ma chi vede il Verbo ancorchè per ispecchio ed in enimma, vede Iddjo (Introduz. alla Filosofia, n. 83).

Primum lumen reddens animam intelligentem est esse ideale ; alterum primum lumen est etiam esse, non tamen

Une première lumière rendant l'âme intelligente est l'être idéal ; une autre première lumière est encore

col. 2948

mere ideale sed subsistens ac vivens : illud abscondens suam personalitatem ostendit solum suam objectivitatem ; at qui videt alterum (quod est Verbum) etiamsi per speculum et in ænigmate (I Cor., xiii, 12), videt Deum.

l'être, non plus seulement idéal, mais subsistant et vivant : celui-là, cachant sa personnalité, montre seulement son objectivité ; mais qui voit l'autre (qui est le Verbe), même s'il le voit «       comme dans un miroir et en énigme», voit Dieu.

Ces deux propositions devaient être rattachées l'une à l'autre, car elles ne sont qu'une application de la théorie générale de la connaissance, selon Rosmini, à l'ordre naturel et à l'ordre surnaturel ou plus exactement au double contact que notre intelligence peut avoir avec l'être indéterminé idéal et réel, ce qui constitue en fait l'ordre naturel et l'ordre surnaturel. Le contact avec l'être réel, qui est le Verbe, produit le sentiment déiforme, foi et grâce en cette vie, lumière de gloire dans l'autre.

En réalité tout en conservant les expressions consacrées par le dogme et la théologie catholiques, Rosmini introduit une conception qui aboutit à la pleine et entière confusion de l'ordre naturel et de l'ordre surnaturel, de la connaissance rationnelle et de la foi. Cf. Trutina, n. 273-283, p. 381-401.

XIe SECTION. De l'objet de la vision bÉatifique.

38. Sebbene Iddio senza mezzo alcuno sia oggetto della visione beatifcatrice e forma dell' intelletto dei Beati ; tuttavia egli è tale in quanto è autore delle opere ad extra, le quali in un modo ineffabile sono in lui (Teodicea, n. 672).

Deus est objectum visionis beatificæ, in quantum est auctor operum ad extra.           

Dieu est l'objet de la vision béatifique, en tant qu'il est auteur des œuvres ad extra.

       Cette proposition se relie étroitement aux deux suivantes. Il est cependant nécessaire de la considérer séparément en raison de son opposition formelle à l'enseignement de l'Église sur l'objet de la vision béatifique. Voir ici INTUITIVE (Vision), t. vii, col. 2380 sq.

L'Écriture nous apprend que nous verrons Dieu sicuti est. I Joa., iii, 2. Le magistère a précisé que dans la vision intuitive et faciale (cf. I, Cor., xiii, 12), l'essence divine se montrerait à l'élu immédiatement, clairement, ouvertement. Cf. Benoît XII, bulle BenediclusDeus, Denz.-Bannw.,n. 530. et ici t. ii, col. 658 sq. Et le concile de Florence ajoute expressément que Dieu sera vu clairement, un et trine, comme il est. Décret Pro Græcis, Denz.-Bannw., n. 693. Or, si Dieu était objet de la vision béatifique seulement en tant qu'auteur des œuvres ad extra, il ne serait pas vu tel qu'il est dans la trinité des personnes, mais uniquement selon son être absolu. Trutina, n. 285-288, p. 405-409.

39. I vestigii della sapienza e della bontà del Creatore, lungi dal devenire loro (ai comprensori) inutili, anzi riescono necessarii ; perocchè questi vestigii tutti raccolti nell' esemplare eterno sono appunto quella parte di esso che è loro accessibile, onde sono tuttavia quelli che danno argomento aile lodi che a Dio eternamente tributano (ibid., n. 674).

Vestigia sapientiæ et bonitatis, quæ in creaturis elucent, sunt comprehensoribus necessaria : ipso enim in æterno exemplari collecta sunt ea Ipsius pars quæ ab illis videri possit (che è loro accessibile), ipsaque argumentum præbent laudibus, quas in æternum Deo beati concinunt. 

Les vestiges de la sagesse et de la bonté [du Créateur] qui resplendissent dans les créatures sont nécessaires aux compréhenseurs ; car, rassemblés dans l'éternel exemplaire [divin], ils en forment la partie qui peut être vue des élus (qui leur est accessible) et i s fournissent le sujet des louanges éternelles que les bienheureux chantent à Dieu.

Nous trouvons ici l'explication rosminienne de la précédente proposition. Rosmini affirme ici trois choses :

col. 2949

1° les vestiges des divines perfections qui resplendissent dans les créatures sont nécessaires aux bienheureux ; 2° ces mêmes vestiges rassemblés dans l'exemplaire divin sont la partie même de cet exemplaire accessible aux bienheureux ; 3° ces vestiges sont le sujet des louanges que les bienheureux rendent à Dieu.

La première assertion revient à nier le caractère même de la gloire essentielle des élus. Voir ici GLOIRE, t. vi, col. 1393. La seconde assertion nie l'existence même de la gloire essentielle, telle que la conçoit l'Église. La troisième assertion, prise en son sens affirmatif, est pleinement catholique ; mais, pour autant qu'elle exclurait le sujet de louanges éternelles que les perfections divines présentent elles-mêmes aux élus, qui trouvent dans leur connaissance immédiate la source de leur béatitude essentielle, elle serait hérétique et condamnée d'avance par la bulle Benedictus Deus et le Décret Pro Græcis, cités plus haut. Cf. Trutina, n. 289-292, p. 410-416.

40. Se dunque non potea (Die) comunicare sè stesso totalmente ad esseri finiti, neppure mediante il lume di gloria ; rimane a cercare in che modo egli poteva rivelare loro e comunicare la propria essenza. Certo in quel modo che alla natura delle intelligenze create è conforme ; e questo modo è quello pel quale Iddio ha con esse loro relazione, cioè come creatore Ioro, come provisore, come redentore, come santificatore. Ibid., n. 677.

Cum Deus non possit, nec per lumen gloriæ, tolatiter se communicare entibus finitis, non potuit essentiam suam comprehensoribus revelare et communicare nisi eo modo, qui finitis intelligentiis sit accommodatus : scilicet Deus se illis manifestat quatenus cum ipsis relationem habet, ut eorum creator, provisor, redemptor, sanctificator.          

Comme Dieu ne peut, même par la lumière de gloire, se communiquer totalement aux êtres finis, il n'a pu révéler et communiquer aux compréhenseurs son essence que de la seule façon qui soit accommodée aux intelligences finies : Dieu se manifeste à elles en tant qu'il a avec elles des relations, comme leur créateur, leur providence, leur rédempteur, leur sanctificateur.

On sait comment la théologie résout la difficulté qui arrête ici Rosmini. Dieu, incompréhensible, est vu entier par les bienheureux, mais n'est pas vu totalement, totus non totaiiter. S. Thomas, In IIIum Sent., dist. XIV, q. I, a. 2, qu. 1, ad 2um ; cf. Sum theol., Ia, q. xii, a. 7, ad 2um ; Cont. gent., t. III, c. lv. Voir ici INTUITIVE (Vision),t. VII, col. 2380 sq. Mais est-ce bien l'incompréhensibilité divine qui arrête ici le théologien italien ? N'est-ce pas plutôt la logique de son système qui l'induit en erreur ? «Confondant à tort la vision béatifique avec une communication entière et adéquate de l'infini au fini, et considérant à bon droit celle-ci comme impossible, Rosmini en conclut que le seul mode possible de révélation et de communication de l'essence divine à l'intelligence créée est la manifestation intuitive que Dieu nous fait, par la lumière de gloire, de ses relations avec nous comme créateur, providence, rédempteur et sanctificateur. En quoi Rosmini ne semble pas plus d'accord avec son système général qu'avec la doctrine catholique. N'a-t-il pas craint, en se montrant jusqu'au bout conséquent avec lui-même, d'aboutir à des conclusions trop clairement et trop audacieusement panthéistiques ? Ou bien, ayant déjà concédé à l'homme, dans l'état de nature et de grâce, toutes les intuitions imaginables, n'en a-t-il plus trouvé d'autre à lui donner dans l'état de gloire ? Je ne sais, mais en tout cas sa vision béatifique est d'une extrême médiocrité». J. Didiot, op. cit., p. 438. Cf. Trutina, n. 293-298, p. 416-423.

3° Les annexes du dÉcret.

Une lettre du cardinal Monaco, secrétaire du Saint-Office, communiquait le décret et les 40 propositions condamnées à l'épiscopat catholique. Elle se terminait ainsi : Præcipue uero eni-

col. 2950

teris ut mentes adolescentium, eorum præsertim qui in spem Ecclesiæ in seminariis aluntur, germana catholicæ Ecclesiæ doctrina e puris fontibus sanctorum Patrum, Ecclesiæ doctorum, probatorum auctorum, ac præcipue angelici doctoris S. Thomæ Aquinatis hausta imbuantur. Bon avertissement à ceux qui prétendaient trouver en Rosmini un interprète autorisé de saint Thomas.

A ce document, il faut ajouter une lettre de Léon XIII, en date du 1er juin 1889, à l'archevêque de Milan, complétant et précisant le sens et la portée de la lettre du 25 janvier 1882, dont nous avons parlé plus haut. Voir col. 2928. Le pape explique qu'il a demandé alors de faire le silence, afin de calmer les ardeurs et de peur que le zèle pour trouver la vérité ne soit une occasion de manquer à la charité et à la justice. Mais il s'était proposé, pour répondre aux vœux réitérés de nombreux théologiens et même d'évêques, de soumettre à un examen attentif les écrits de Rosmini. Cet examen a abouti à la censure promulguée dans le décret Post obitum, qu'il a confirmé de son autorité souveraine. D'aucuns ont voulu opposer à l'autorité du Saint-Office l'autorité du pape : malgré son désir d'extrême bienveillance, le pape se sent obligé de réprouver avec force pareille attitude injurieuse à lui-même et au Saint-Siège ; et il demande à l'archevêque de veiller à obtenir de son clergé et de ses fidèles une entière obéissance. Voir le texte de la lettre Litteris ad te, dans Trutina, p. 448-450.

Enfin le Père général de la congrégation de la Charité, Luigi Lanzoni, en date du 2 février 1890, publia une protestation de pleine et filiale soumission, en son nom et au nom de sa congrégation, au décret Post obitum, «net senso appunto che fu dichiarato dal Santo-Padre nella sua lettera all' arcivescovo di Milano del I giugno 1889». Le texte de cette déclaration dans Trutina, p. 451.

IV. CONCLUSION : L'INFLUENCE DU ROSMINIANISME.

En dehors de l'Italie, l'influence de Rosmini et de ses idées philosophiques fut à peu près nulle. Mais, en Italie, cette influence fut considérable sur une quantité de prêtres et de laïcs, philosophes, savants, hommes de lettres et hommes politiques. Citons pour mémoire Manzoni, Tommaseo, A. Rayneri, Minghetti, Peyretti, Gustavo Cavour (Frammenti filosofici, Turin, 1841), A. Pestalozza, Tarditti, P. Paganini, V. Garelli, R. Bonghi, Bulgarini. Aug. Moglia, etc. Plusieurs de ses admirateurs théologiens ont voulu défendre l'orthodoxie de Rosmini et montrer son accord avec saint Thomas. Nous avons déjà cité W. Lockhart, dans sa Vie d'Antonio Rosmini-Serbati, trad. Segond, et surtout A. Trullet, Examen des doctrines de Rosmini, trad. de Sacy ; mais l'œuvre la plus considérable qui ait été tentée en ce sens fut celle de Mgr Maria Ferré, évêque de Casale, Degli universali seconde la teoria Rosminiana confronta colla dottrina di san Tommaso d'Aquino, 9 volumes, Casale, 1880-1888. Pour défendre Rosmini contre les attaques dont il était l'objet, se fondèrent en Italie un certain nombre de revues (qui d'ailleurs ne durèrent pas) : La Sapienza, rivista di filosofia e di lettere, Turin, 1879 ; II Rosmini, enciclopedia di scienze e lettere, Milan, 1887-1889 ; Il nuovo Rosmini, periodico scientifico et letterario, Milan, 1889-1890 ; Il nuovo Risorgimento, rivista di filosofia, scienze, lettere, educazione e studii sociali, Milan, 1892 ; Rivista rosminiana, depuis 1906.

«La condamnation à Rome des quarante propositions de Rosmini, en 1888, mit apparemment fin aux débats... Le caractère trop aprioriste de cette spéculation, l'innéisme qu'elle place à son point de départ, le discrédit qui s'est attaché à l'ontologisme en général, le succès toujours grandissant de la philosophie positive, la reconnaissance plus éclairée de la part qui revient à l'expérience dans le développement même de

col. 2951

l'esprit, le peu de bruit que fit, en général, à l'étranger la philosophie italienne et peut-être ; enfin, l'effroi qu'inspirent à première vue les énormes volumes dé huit cents pages, telles sont, croyons-nous, avec quelques autres, sans doute, les principales causes de l'insuccès de la philosophie de Rosmini et de l'obscurité où elle est généralement restée». Palhoriès, Rosmini, p. 386.

I. ÉDITIONS. - Les œuvres de Rosmini ont été rassemblées à plusieurs reprises ; l'édition Poglfani, 30 vol., Milan, 1837, est le recueil le plus considérable ; mais il n'existe aucune édition complète, et un certain nombre d'ouvrages sont encore manuscrits. Les œuvresposthumes ont été éditées séparément. L'Epistlario completo, 13 vol. a vu le jour en 1903, à Casale Monferato. La Società flosofca italiana a annoncé en 1934, non sans quelque tapage, la publication intégrale des inédits. Un volume a paru à Rome, 1934, Scritti autobiografii inediti. L'Encyclopedia italiana, t. xxx, 1936, p. 123, ajoute à ce sujet : gli inizi non lasciano multo sperare.

II. OUVRAGES GÉNÉRAUX. - Debrit, Histoire des doctrines philosophiques dans l'Italie contemporaine, Paris,1859 ; R. Mariano, La philosophie contemporaine en Italie, Paris, 1867 ; L. Ferri, Essai sur l'histoire de la philosophie en Italie au XIX• siècle, t. i, Paris, 1869, Gioja, Romagnosi, Galluppi, Rosmini, Gioberti : K. Werner, Die italienische Philosophie des XIX. Jahrhunderts, 5 vol., Vienne, 1884-1886, voir t. i, Rosmini und seine Schule : R. Falckenberg, Geschihte der neueren Philosophie, Leipzig, 1902.

col. 2952

III. OUVRAGES PARTICULIERS. - G. Cavour, Les ouvrages philosophiques de Rosmini, bibliotb. univ., 1837-1838 ; F. Labis, Examen de la doctrine philosophique de l'abbé Rosmini sur l'origine des idées, Louvain, 1845 ; A. Trullet, Parere intorno alle dottrine ed alle opere dell' abbate Rosmini, Rome, 1854, trad. S. de Sacy, Paris, 1893 ; Calza et Peres, Esposizione ragionata della filosofia di Antonio Rosmini..., 2 vol., Intra, 1818 ; Fr. Paoli, Memorie della vita di Ani. Rosmini-Serbali, t. I, Turin, 1880 ; t. II, Rovereto, 1884 (on trouvera au t. II une bibliographie immense, 614 publications) ; Davidson, The philosophical system of A. Rosmini, Londres, 1882 ; G.-M. Cornoldi, Il Rosminianismo, sintesi dell' ontologismo e del panteismo, Rome, 1881 ; G. Mozzera, Risposta al libro del G.-M. Cornoldi, Il Rosminianismo, etc., Milan, 1883 ; Karl Werner, Antonio Rosminis Stellung in der Geschtchle der neueren Philosophie, Vienne, 1884 ; F. de Sarlo, La logica di A. Rosmini, e i problemi delle Iogica moderna, Rome, 1832 ; Le base della biologia e della psico-Iogia secondo il Rosmini considerate in rapporto ai risultati della scienza moderna, Rome, 1833 ; C. Guastalla, Dottrina di Rosmini nell' essenza della materia, Palerme, 1901 ; F. X, Kraus . Essays, t. Iv, Antonio Rosmini, Berlin, 1896 ; G. Gentice, Rosmini e Gioberti, Pis ,1898 ; Morando, Esame crilico delle XL proposizioni rosminiane, Lodi, 1906 ; A. Dyroff, Rosmini, Mayence, 1906 ; F. Orestano, Rosmini, Rome, 1908 ; F. Palhoriés, Rosmini, Paris, 1908 ; G. Capone Braga, Saggio su Rosmini, il mondo delle idee, Milan, 1914 ; G. Schw ig r, Die Lehre vom Sentimento fondamentale bel Rosmini nach ihrer Anlage, Fulda, 1914.

A. MICHEL. 1937.

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[1] http://www.virgo-maria.org/articles/2008/VM-2008-04-16-A-00-Rosmini.pdf

[2] Expulsé par Mgr Fellay de la FSSPX en 2003, après avoir été progressivement réduit au silence, en raison des études régulières qu’il poursuivait depuis dix ans, des hérésies publiées par l’Osservatore Romano. L’abbé Tam dérangeait la politique de Mgr Fellay (et du clan des infiltrés) de ralliement à la Rome apostate

[3] Communiqué du 10 juin 2008 de la Porte Latine

[4] Par qui a-t-il été ordonné ? Par un faux évêque sacré dans le rite épiscopal invalide de 1968 ?

L’abbé Belwood a d’autre part été « ordonné » dans le nouveau rite presbytéral invalide de 1968.